CONTROVERSE : DÉCONSTRUCTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR FILIÈRE SPORT RUGBY
Sommaire
CONTROVERSE
DÉCONSTRUCTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR FILIÈRE SPORT RUGBY
1- RÉFLEXIONS SUR L’ÉTAT DU RUGBY FRANÇAIS: NÉANT
1.1- Un état des lieux à faire
1.2- Une des causes principales : les statistiques médiatiques
1.3- À quoi assistons-nous : que ce soit durant les weekends de TOP 14 ou pendant les
matches internationaux de l’Équipe de France ?
1.4- Et quelles propositions ?
2- AVANT PROPOS
3-INTRODUCTION
3.1- Performance sportive contre performance sociétale
3.2- Une gouvernance partenariale
3.3- Quatre Hypothèses de travail
4- ANALYSE DE LA CHAÎNE DE VALEUR DANS LE RUGBY PROFESSIONNEL
4.1- Vision
4.2- Projet sportif
4.3- Management organisationnel – Marketing – Exploitation
4.4- Les enjeux du partage de la valeur ajoutée
4.5- Quelle valeur créée, perçue ou détruite et pour qui ?
4.6- La création de valeur
5- PROMOTEURS ET PRÉBANDIERS À LA FOIS
5.1- Les institutions nationales du Rugby – FFR – LNR et DNACG
5.2- Les institutions nationales du Rugby – FFR
6- LES CONTRIBUTEURS À LA CRÉATION DE VALEUR
6.1- Les supporters
6.2- Les sponsors
6.3- Les diffuseurs
6.4- Les produits dérives et le merchandising
6.5- Synthèse des produits d’exploitation
7- PARTIES PRENANTES INTERNES AU CLUB
7.1- Les joueurs salariés
7.2- Les staffs techniques
7.3- Les salariés de l’administration
7.4- Les honoraires agents sportifs et médicaux
7.5- L’État et les organismes sociaux
7.6- Les actionnaires et les investisseurs
7.7- Les Clubs
7.8- Synthèse des résultats
8- PARTIES PRENANTES EXTERNES AU CLUB
8.1- Les fournisseurs et les prestataires de services
8.2- Les institutions locales et régionales
8.3- Les citoyens locaux et régionaux
9- SYNTHÈSE
10- CONCLUSION
Sources
1- RÉFLEXIONS SUR L’ÉTAT DU RUGBY FRANÇAIS: NÉANT
Pour initier ma réflexion sur la déconstruction de la chaîne de la valeur du Rugby professionnel, je rappellerai un texte que j’ai rédigé, il y a 3 ans déjà, et qui nous immergera dans le contexte, sportif, social et économique du Rugby français.
« Néant » comme le titre à « la une » du journal L’Equipe, du Dimanche 19 Novembre 2017, au lendemain de la défaite de l’équipe de France de Rugby contre celle d’Afrique du sud, score 18-17 pour celle-ci.
Imaginons donc le titre de « la même une » si le score fut inversé !! Exceptionnel, sublime, éblouissant, extraordinaire … et j’en passe !!
Et quelles réflexions, analyses pertinentes et intelligentes auraient été énoncées pour justifier de tels déferlements de commentaires tous plus contradictoires les uns que les autres ?
1.1- Un état des lieux à faire
Que constatons-nous aujourd’hui, sachant que ces évidences auraient pu être portées depuis bientôt 30 ans ?
Le Rugby se joue en équipe au service des individus et non le contraire. Un principe de base qui tend à être inversé sous la pression des dirigeants, des médias et du monde économique.
Mais surtout, la pratique du Rugby procède de trois qualités depuis longtemps oubliées, époque du « french flair », en faveur du collectif.
Ces trois qualités que sont la vitesse d’exécution, la haute technicité des attitudes, des mouvements et des réflexes, le tout associé à l’intelligence situationnelle des joueurs. Ces aptitudes appartiennent aux fondamentaux du joueur de Rugby depuis l’origine de sa pratique. Un corollaire direct de ces qualités est le plaisir du jeu, de le voir, mais surtout pour les joueurs, de le pratiquer.
Je veux, je souhaite, par cet article revenir sur quelques principes éthiques de comportement, rappeler quelques évidences sur la pratique du Rugby tel que nous le rencontrons dans certains pays, comme le Japon et l’Argentine dans lesquels le Rugby est un sport « neuf ».
La France, à l’opposé de la plupart de ces pays, s’est égarée dans le choix des orientations retenues depuis plusieurs décennies, en se reposant en grande partie sur les notions de force, de puissance physique, d’impact, de densité, de taille et de poids.
Tout cela pour « produire un nouveau Rugby », proposer le soi-disant « meilleur championnat », lequel, en réalité, se voulait être le plus spectaculaire et non le meilleur.
À cause de l’attrait financier du championnat français, celui-ci ayant pour but de valoriser les droits audiovisuels, de drainer de nouveaux sponsors et d’attirer les spectateurs devant leur petit écran, promu par des instances nationales guidées par les seuls enjeux économiques et politiques, le championnat ne laisse même plus la place aux jeunes joueurs des terroirs, et force est de constater la déferlante de stars venues de tous horizons aux postes clés des grands Clubs.
Pourtant, parfois, portés par les médiologues de tout poil, l’arrivée de jeunes joueurs nous est toujours présentée comme la panacée, comme si tous les dysfonctionnements pouvaient disparaître avec l’apparition d’une nouvelle génération. Combien d’entre eux ont fait leur preuve au niveau international ? Peu, très peu.
Après quelques dizaines de minutes de jeu en TOP 14, titulaires à temps partiel, et aussitôt « starisés », nous les voyons disparaître aussi vite que venus, ou finalement perdre leur inventivité, et tomber dans les travers des orientations données depuis des décennies.
L’équipe de France, dans tout ce cirque médiatique, est bien vite oubliée. Les Clubs veulent des victoires, quitte à freiner le jeu, à limiter les risques, à mettre les stars sur le terrain et garder les jeunes pousses dans leur pot, et quand elles en sortent, elles sont bridées par des systèmes de jeu fermés qui reposent sur la puissance et la force, car l’impact est médiatique, l’évitement ne l’est pas.
1.2- Une des causes principales : les statistiques médiatiques
En cause, les médias, les journalistes, les prétendus experts au service d’un produit de marketing qu’il s’agit de vendre aux sponsors, aux spectateurs et aux futurs abonnés.
Il n’est en effet aucunement besoin de présenter et d’abreuver le grand public, naïf ou connaisseur, des théories, des analyses de jeu complexe, argumentées seulement par des étendues de chiffres et de stratégies indéchiffrables, avec pour seul objectif d’assujettir le spectateur à son programme chèrement payé, quand en vérité, les tactiques en place sont aussi pauvres et brèves.
Cette éclosion des analyses chiffrées dans le Rugby a généré l’apparition de praticiens, d’experts en tout genre, de pseudo-journalistes sportifs, de théoriciens de tout, de médias attirés par l’argent, tous au service d’un sport qu’ils ont contribué à amener dans l’état ou il se trouve.
Portés par la communication marketing, en utilisant les convoitises des sponsors, des consommateurs abonnés ou spectateurs, en standardisant les orientations promues, les médias sportifs et leurs actionnaires ont créé, au sens de Herbert Marcuse « l’homme unidimensionnel sportif ». Les individus, acheteurs d’abonnement de stade ou de programmes sportifs réagissent comme des suiveurs de modes, et subissent une aliénation réelle devant un spectacle qu’ils pensent extraordinaire parce qu’on leur rebat les oreilles et emplit les yeux, et parce qu’ils le paient chaque semaine, chaque mois ou à la demande. Ces présumés journalistes et experts n’agissent que comme des « vendeurs » de représentations sportives, justifiant ainsi les coûts exorbitants des droits audiovisuels qu’ils faut bien replacer auprès des futurs abonnés. Les conflits d’influence apparaissent à chaque émission, à chaque expression avec pour objectif de présenter le produit sportif dans son plus bel « emballage » médiatique, dans la plus pure application des pratiques de communication publicitaire.
« L’homme unidimensionnel sportif » s’est aussi approprié le monde de l’esthétique. Depuis la prise de pouvoir de l’économie libérale, la culture sportive n’a pour seul et unique objectif : proposer du dérivatif. Il suffit de voir les usages intempestifs des supports sportifs, des évènements relatant les compétitions qui sont destinées à la promotion publicitaire des biens de consommation et des marques de produits de grande diffusion.
1.3- À quoi assistons-nous : que ce soit durant les weekends de TOP 14 ou pendant les matches internationaux de l’Équipe de France ?
À rien de plus qu’aux conséquences des choix déterminés par tous les faux scientifiques du Rugby.
La forme de pensée promue par cette société économico-sportive considère que toutes les réflexions intellectuelles différentes, toutes les prises de recul relatives à la production de savoir ne sauraient remettre en cause l’ensemble des discours ambiants. La forme du langage ainsi utilisée, dénuée de toute charge négative, perpétue des pratiques communicationnelles qui visent à désigner des mots, des expressions, des savoirs, orientés vers une forme de jeu qui renvoie aux objectifs médiatiques, et tue, de ce fait, toutes les pensées critiques. Ainsi est créé un univers d’où sont exclues toutes les nouvelles idées censées enrichir la vision critique de l’environnement du Rugby.
Les mots énoncés pour le dire suffisent à eux-mêmes et reflètent la pratique de ce jeu-là, soutenue par les termes successifs de conflit, hostilité, collision, choc, télescopage, lutte, combat, intensité, violence, guerrier, acharnement, commotion, dur au mal, tous les adjectifs qualifiant les plaquages durs, le tout comparable à des affrontements de rue plutôt qu’à la pratique d’un jeu de ballon.
Au-delà des mots employés, s’ajoutent depuis quelques années, les « contrôleurs de gestion » du Rugby, producteurs de statistiques, plus savants les uns que les autres, au service de tous les pseudos experts et techniciens, qui ne parlent plus que de mètres avancés, de ballons portés, de mètres parcourus, de plaquages manqués, de ballons perdus.
L’on n’écoute plus que cela et en découle la pratique d’un sport loin des attendus, avec des matches caricaturant les orientations imposées, une fréquentation des stades qui stagne depuis 10 ans, mais toujours accompagnée des élans lyriques de la part des journalistes et experts du Rugby.
Sur tous les terrains du Top 14, des actions de jeu hachées par les fautes de mains incessantes, des ballons mal contrôlés ou des passes mal ajustées, des séquences dignes des sports de combat, un temps de jeu effectif très en retrait des standards internationaux, des phases de jeu lentes, des transmissions au ralenti, des affrontements féroces, des chocs violents : l’ensemble de tout cela est loin des envolées attendues de la part de la pratique de ce sport.
À la lumière des qualités développées pour les joueurs, issues des réflexions prônées par les apparents experts et conseillers, nous retrouvons sur les terrains de jeu, la mise en œuvre de celles-ci : un sport basé sur la force, le poids, la densité, les collisions, pratiqué au rythme des qualités physiques déployées. Des avants de déplaçant lentement, avec une technique rustre, et dont le seul objectif est d’enfoncer l’obstacle qui se présente devant eux, voire de tomber au sol avec pour but de protéger le ballon plutôt que de le faire vivre. Des demis lents dans les transferts de jeu, dans les variations d’orientation et d’une diversité d’options indigentes. Des trois-quarts avec le même point commun que les avants, à savoir l’affrontement direct, une technique indigne du niveau international, ne maîtrisant pas les gestes fondamentaux, assortie d’une lenteur d’exécution patente, facilitant la réorganisation défensive sans aucune difficulté.
Pour résumer, nous pratiquons un Rugby avec la vitesse du plus lent, l’affrontement du plus lourd et l’intelligence du plus démuni.
Avec pour résultat : un championnat dans lequel le nombre de commotions explose au détriment de la santé des joueurs.
1.4- Et quelles propositions ?
Tout d’abord, il y a la remise à plat des instances nationales. Il s’agit de redéfinir les missions de chacune d’entre elles qui doivent être exercées dans un environnement serein, loin des enjeux économiques et politiques. Leur objectif devrait être seulement au service des jeunes joueurs, des Clubs, du public, de la promotion de ce sport-là, ici le Rugby, et plus globalement de l’intérêt général centré sur l’éducation, la santé et l’humilité pour toute la jeunesse concernée.
Ensuite, nous avons le retour sur les bases d’un Rugby orienté vers le plaisir de jouer, de pratiquer un jeu fait d’envolées spectaculaires, un jeu de vitesse et d’intelligence du mouvement, mais aussi un jeu marqué par le respect de l’adversaire et de tolérance, empreint d’humilité. Je prône un retour aux valeurs authentiques portées par ce sport et non aux simulacres de valeurs médiatiques énoncées depuis quelques décennies.
Les conditions réunies pour un tel projet de jeu passent par les trois qualités évoquées plus haut, à savoir, la vitesse d’exécution, la haute technicité des attitudes, des mouvements et des réflexes, le tout associé à l’intelligence situationnelle des joueurs.
Cela conditionne la réorganisation de la formation initiale chez les plus jeunes, parmi lesquels il faudra détecter les prémices de ces qualités-là, leur apporter les fondamentaux de ces pratiques et surtout les mettre très tôt en situation réelle de jeu. Ils pourront alors développer ces capacités identifiées comme incontournables et vers lesquelles tout joueur devra s’évertuer à les renforcer afin d’être capable de s’adapter à toute situation de jeu nouvelle et imprévue.
Ainsi nous retrouverons des avants à la dextérité digne des plus grands, des transmissions rapides et précises, des passes ajustées dans n’importe quelle situation, des joueurs focalisés sur la conquête du ballon et non la destruction de l’adversaire, des joueurs qui proposent de nombreuses alternatives, disposant d’une panoplie de solutions techniques applicables à des contextes de jeu inédits et déroutants.
Nous admirerons des demis qui maîtrisent toutes les variations de combinaisons possibles, les anticipent, les réalisent avec le maximum de vitesse, dominant les gestes techniques les plus complexes ou remarquables, toujours au service d’un partenaire et du collectif.
Nous serons fascinés par des trois-quarts (arrière compris) préparés à toutes les initiatives possibles, qui favorisent les décalages, l’évitement, l’engagement dans les espaces, s’engouffrant dans les intervalles crées, toutes ces techniques en mouvement pratiquées avec la plus grande vitesse, la vélocité nécessaire et la précision requise qui ont pour objectif de déstabiliser les adversaires, de les éviter, de les dépasser pour parvenir derrière la ligne d’embut.
Il s’entend que la base de la formation doit s’organiser autour de la répétition des conditions réelles de match afin de permettre aux joueurs d’emmagasiner des situations de jeu inconnues, de mémoriser des comportements appris, de faire preuve d’inventivité afin de proposer des positions aléatoires, seules à même de désorienter l’adversaire. Ces jeunes joueurs seront alors animés par une inspiration sans cesse renouvelée. De plus ils seront légitimés par des postures, des attitudes et des réflexes singuliers et non conformistes.
J’ajouterai que cette formation doit s’appuyer sur des valeurs de respect, d’humilité, de tolérance, de santé des joueurs, de plaisir de jeu au service du collectif et les faire partager à tous les staffs techniques, administratifs et dirigeants – sans oublier les adversaires et les arbitres.
Imaginons un Rugby futur que nous pratiquerions avec la vitesse du plus rapide, l’évitement des plus virtuoses et l’intelligence situationnelle des meilleurs stratèges.
Tout cela suggère une déconnexion entre les enjeux économiques, médiatico-politiques de la part des dirigeants, des instances nationales et des Clubs. Le Rugby n’est pas au service des intérêts personnels et financiers mais doit être vu dans l’intérêt général des jeunes pratiquants.
J’entends aussi rejeter cette nouvelle vision purement comptable du Rugby, sous formes de statistiques diverses tel que le pratiquent les « contrôleurs de gestion », producteurs de données et de résultats, qui n’ont de valeur que pour ceux/celles qui les produisent. Ce sont des données qui se révèlent donc inutiles si ce n’est pour les médias et les experts, donnant la vision d’un sport tel que le Rugby (et d’autres), gérés comme le gouvernement qui administrerait la France dans l’attente de la parution des statistiques.
Je rappelle que « le contrôle de gestion », « la comptabilité » et « les statistiques » ne sont que des outils et que comme tels, ils doivent être destinés à des usages spécifiques, au service d’une politique d’ensemble, d’une vision, d’une stratégie de Club et d’une ambition pour un projet de jeu. Sans ces prérequis, tous ces outils, les personnes qui les produisent et les analyses ne font que du bruit dans le vide des organisations du sport.
Un autre aspect de cet environnement relatif au Rugby, mais aussi à d’autres sports mérite une attention particulière. La société médiatique récente n’a pas réduit – elle a plutôt multiplié – les fonctions parasitaires et aliénantes : la publicité, les relations publiques, la communication, l’endoctrinement et le gaspillage organisé. Tous ces paramètres ne sont plus désormais que des dépenses improductives, mais elles intègrent les coûts productifs de base. Ce sont ces mêmes coûts que la société médiatique fait assumer, par duplicité, aux futurs abonnés modestes .
« La pensée unidimensionnelle » est rationnellement récupérée par les faiseurs de politique sportives et par leurs fournisseurs d’informations de masse, dans un univers spéculatif, plein d’hypothèses, qui trouvent en elles-mêmes leur justification et qui, répétées de façon incessante et exclusive, fonctionnent comme des somnifères de la pensée, associées à des formules sous forme de « slogan » publicitaire.
La pensée individuelle, « noyée dans la communication de masse », selon Herbert Marcuse,pointe ainsi le double rôle des médias : informer et ou divertir, conditionner et ou endoctriner. Les comportements et les pensées « s’unidimensionnalisent » par la publicité, l’industrie des loisirs et de l’information. Les conséquences sont des discours de journalistes, experts et autres conseillers qui nous vendent leurs théories, leurs stratégies sportives et entretiennent ainsi le système médiatique dans une déchéance culturelle qui résulte de la communication de masse. Celle-ci a « marchandisé » tous les domaines culturels mais aussi les différents sports, et réduit à néant tout pouvoir de subversion propre à notre vision du Rugby. Se pose alors la question de la production superflue, question la plus immorale, désormais identifiée comme vitale pour attirer les futurs abonnés téléspectateurs ou spectateurs dans les stades.
Ces multiples réflexions doivent être menées avec toutes les bonnes volontés concernées, sans parti pris, ouvertes sur les pratiques d’autres horizons, et appuyées par des considérations altruistes et généreuses.
Nous ne sommes pas encore sortis d’une pandémie de SARS-CoV-2. Elle a déjà remis en cause les modèles économiques installés. Ses conséquences futures vont remettre en cause tous les comportements passés et nous obliger à repenser le futur du Rugby, en reconstruisant de nouveaux projets centrés autour d’une vision qui devra, d’abord, intégrer les dimensions de responsabilité, sociétale et durable autour d’enjeux sportifs au service de ces missions-là.
2- AVANT-PROPOS
Une organisation, quel que soit son secteur d’activité, est performante lorsqu’elle réussit à établir une correspondance entre sa chaîne de valeur, celle de ses clients, celle de ses prestataires et fournisseurs, ses salariés et managers, ses dirigeants, ses actionnaires et les institutions publiques : soit finalement toutes les parties prenantes à la valeur créée par les organisations.
La profitabilité de la chaîne de valeur des organisations dépend donc de la consistance et de l’équilibre des activités globales dans laquelle s’insère la production des différentes composantes. Replacé dans la construction de la vision stratégique d’une association humaine et collective à mission économique, sociale et responsable, le concept de la chaîne de valeur élargie conduit à définir l’impact durable, sociétal et environnemental de ces acteurs économiques comme l’accroissement de la valeur créée par le commun, écologique et sociétal, que son action permet.
Un acteur social crée de la valeur à partir de ressources partagées qui définit la valeur ajoutée qui ne peut seulement se traduire que par une marge bénéficiaire. S’y ajoute aussi un enrichissement du commun, caractérisant l’impact social.
Synchroniquement, les activités économiques ne peuvent se résumer à l’exploitation des ressources naturelles collectives pour produire des bénéfices singuliers. Néanmoins il existe aussi par la production, des alternatives durables afin d’en limiter les impacts environnementaux.
Ces raisonnements peuvent être aussi appliqués au service public afin de ne considérer la dépense publique, non plus sous l’aspect exclusivement de coût, mais de traduire, par le concept de chaîne de la valeur, la contribution à la création de valeur sur un espace défini, sur une agglomération, sur un territoire : cela étant, il est entendu que ces trois topographies sont destinées à l’ensemble des citoyens.
De par mon activité de formateur et intervenant dans l’environnement du sport, porté par des pratiques pédagogiques innovantes, par la volonté de rendre accessible au plus grand nombre une approche systémique appliquée à l’apprentissage dans l’univers du sport (*1), j’ai souhaité contribuer au débat sur l’application du concept de chaîne de la valeur dans l’écosystème du Rugby professionnel.
J’ai essayé de démontrer que la vision purement mécanique de la valeur aboutit à des contre-performances économiques, sociales et environnementales. Pure illusion d’économiste, le management du secteur du sport professionnel, du Rugby en particulier, à la façon d’un marché de consommateurs que l’on conditionne, pose aujourd’hui la question de la transformation de la vision globale du secteur analysé, et de la réalisation d’une véritable démocratie participative et sportive.
Si les données économiques et financières conservent une image très austère et technique, elles sont en réalité, aussi un système de représentation du monde qui détermine la vision et la mission d’une organisation.
Par le travail que je vous propose, j’ai tenté d’illustrer l’influence du système économique sur le comportement des acteurs économiques et sportifs. Je propose de considérer la production d’externalités sociales négatives comme une dette auprès des Clubs. Lorsque des Clubs recrutent des salariés et des managers avec des rémunérations indignes, associées à des contrats de travail précaires, l’organisation sportive fait une sorte d’emprunt social. C’est un passif social qui devrait être intégré comme tel dans le bilan des Clubs. La nécessité de proposer une réflexion sur la déconstruction de la chaîne de la valeur dans l’écosystème du Rugby professionnel m’a conduit à établir un diagnostic de cette chaîne de la valeur, d’en établir une synthèse et d’exposer quelques recommandations portant sur les enjeux d’un développement du sport et du Rugby en particulier, intégrant les dimensions de responsabilités, sociétales et durables afin de contribuer à une valorisation des externalités produites au bénéfice de toutes les parties prenantes.
3- INTRODUCTION
Le Coronavirus (ou Covid-19) révélateur de la fragilité de la filière business sportif et en particulier de la chaîne de valeur du Rugby professionnel ?
Il semble en effet que les Clubs professionnels de Rugby ne sortiront pas indemnes de la crise, et, à l’image de la société, il y aura sans doute de nouvelles normalités. Reste à savoir si celles-ci tireront le Rugby français encore plus vers le bas ou encore plus dans le rouge qu’il ne l’était avant la crise, en particulier d’une chaîne de valeur incompatible avec les critères de responsabilité, de facteurs de risque, d’éthique, d’engagement sociétal et de partage de la richesse créée.
Afin de démontrer mon raisonnement, je m’appuierai sur les données économiques publiées par la Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion, dénommée – DNACG – relativement aux années 2015/2016 à 2018/2019 – soit 4 saisons consécutives.
Pour mieux étayer mes arguments, je proposerai mon diagnostic de la chaîne de valeur intégrée du Rugby et projetterai mes réflexions sur les différents niveaux de production et de capture de la valeur ainsi créée.
Avant mes développements, je rappellerai le contexte des données économiques collectées et du modèle de la chaîne de valeur.
La DNACG publie à chaque fin de saison les résultats consolidés de l’ensemble des Clubs de Rugby, TOP 14 et PRO D2. Deux remarques s’imposent à ce niveau-là, à qui veut travailler sur ces informations à caractère économique mais aussi publique.
La première porte sur une insuffisance notoire desdites informations, trop agrégées, incomplètes, insuffisamment détaillées et regroupées de manière incohérente. La seconde porte sur la fréquence et la date de parution : c’est-à-dire une seule fois par an et 1 an après la fin de la saison – alors que les comptes des Clubs sont arrêtés au 30 juin de chaque année et présentés dans les 3 mois suivants.
J’ai emprunté le modèle de la chaîne de valeur, concept développé par Michael Porter en 1985, consistant à simplifier l’organisation d’un Club, comme un enchaînement d’activités interconnectées qui développent chacune une valeur plus ou moins stratégique et importante pour ledit Club. Elle peut être utilisée pour décrire les combinaisons d’activités mises en place dans le Club en vue de créer un avantage concurrentiel et de proposer une offre commerciale intéressante pour l’ensemble des parties prenantes.
Dans une filière « sport intégré », les chaînes de valeur de chacun des acteurs, Clubs, joueurs, staff technique, managers, salariés, sponsors, spectateurs, diffuseurs, prestataires et fournisseurs, institutions, actionnaires et financeurs, se coordonnent et s’imbriquent pour aboutir à la vente de différentes prestations réalisées sous forme d’évènements et de spectacles auxquels sont associés la commercialisation de produits dérivés.
Sans l’ensemble de ces acteurs, il n’y a pas de produits, ni de prestations finies accessibles pour les clients. Et chacun des acteurs contribue et apporte une partie de la valeur.
En somme et en termes de management organisationnel, l’environnement constitue un écosystème dans lequel se meuvent des facteurs socio-économiques qui influent sur la vie du Club : la concurrence, l’État, la législation sociale, financière et commerciale, les groupes de pression, lobbies, les syndicats, les associations de consommateurs et les institutions. Autrement dit, ces composantes ne sont pas isolées : elles forment les parties prenantes de la chaîne de valeur intégrée ; elles s’imbriquent et structurent un environnement à cinq pôles :
- Un pôle sociétal
- Un pôle sportif
- Un pôle entreprise
- Un pôle investisseur
- Un pôle institutionnel
J’ajoute que l’identité de l’environnement des Clubs n’est pas statique. L’environnement que nous venons de définir change de nature : il est turbulent.
La turbulence entraînera des modifications dans l’environnement qui auront un impact sur l’organisation des Clubs. Les causes des turbulences, généralement relevées dans la littérature, sont la complexité, l’incertitude et le dynamisme.
La complexité correspond à l’hétérogénéité et à l’étendue des activités d’une organisation ou d’un Club de sport.
L’incertitude est le manque d’informations sur des facteurs environnementaux rendant impossible la prévision de l’impact d’une décision spécifique sur l’organisation des Clubs.
Quant au dynamisme, il entraîne l’absence de modèles, en renforçant le caractère imprédictible de variations des facteurs constituant l’environnement.
Le dynamisme peut se trouver représenté par l’instabilité du marché, la modification de la structure concurrentielle ou l’amélioration des technologies.
3.1- Performance sportive contre performance sociétale
Dans certains pays, le sport spectacle est un business comme un autre. Les acteurs économiques y investissent dans le but de créer de la valeur financière. C’est, par exemple, le cas en Amérique du Nord où les principales compétitions sportives sont organisées en ligues fermées : ce qui évite le spectre de la relégation et ses conséquences financières. En France, les 14 Clubs du TOP 14 et les 16 Clubs de PRO D2 ont le statut de sociétés commerciales. Mais si formellement, le cadre juridique est tout à fait comparable à celui des entreprises privées classiques des autres secteurs de l’économie, la réalité économique actuelle des Clubs est assez différente.
Peu de propriétaires acceptent aujourd’hui de combler continuellement les déficits des Clubs. La régulation mise en place par la DNACG a pour objectif l’équilibre financier. La performance sportive est prédominante mais la dimension financière ne peut être une simple variable d’ajustement, en particulier sans vision à long terme. L’objectif d’un Club ne peut être limité à celui d’optimiser les résultats sportifs sous la contrainte de l’équilibre financier, mais de proposer et d’imaginer une réponse à d’autres valeurs, avec pour ambition de porter un projet sociétal, responsable et durable. C’est un modèle qui devra transformer la vision des Clubs de Rugby professionnel et intégrer toutes les notions de complexité dans leur approche managériale.
3.2- Une gouvernance partenariale
Au sein des Clubs, diverses parties prenantes évoluent avec des degrés d’influence différents. L’économie du Rugby professionnel tourne autour de la valorisation de quatre actifs immatériels : le pôle sportif qui constitue le « capital sportif » représenté par les effectifs, par le talent des joueurs associé aux managers sportifs du Club ; le pôle sociétal qui constitue le « capital sociétal » composé des spectateurs, de la population régionale, des collectivités, du Centre de formation et des téléspectateurs ; le pôle entreprise qui constitue le « capital attractivité » rassemblé autour des sponsors pour contribuer au développement de la marque du Club par sa notoriété et son image ; le pôle investisseur représentant le « capital financier », bâti autour des associés, des actionnaires potentiels et des prestataires financiers dans le dessein de pourvoir au développement du Club.
3.3- Quatre Hypothèses de travail
L’hypothèse globale que je souhaite démontrer repose sur une analyse des faits qui me permettent d’énoncer quatre sous-hypothèses :
1. Que les institutions nationales, chargées d’orienter l’économie du Rugby, ont promu un modèle financier du Rugby basé d’abord sur les aspects purement sportifs pour s’emparer des ressources produites, au détriment de toute éthique sportive et sociétale. Ces mêmes institutions ont permis à une minorité d’acteurs du sport de s’approprier la valeur créée par les Clubs, au détriment des actionnaires, des salariés de l’administration, des prestataires, des fournisseurs et des parties prenantes externes.
2. Par ailleurs, ce modèle économique, dès sa promotion portait en lui les germes de l’échec à long terme, fondé sur une accumulation de facteurs de risques. Ces risques sont liés aux aléas sportifs, intrinsèques à l’activité, des risques liés à la dépendance de la principale source de revenu (plus de 50%) que sont les ventes auprès des sponsors, eux-mêmes conditionnés aux aléas des résultats sportifs.
3. J’ajoute que l’appropriation de la valeur créée par les Clubs par le pôle sportif ne laisse que très peu de ressources pour les autres parties prenantes internes aux organisations en place qui pourraient conduire d’autres orientations équitables intégrant l’ensemble de la chaine de la valeur.
4. En dernier lieu, le rapprochement entre, d’une part les enjeux économiques dictés par des aléas sportifs récurrents et les ressources requises pour y faire face, édifie le fondement de divergences propices à des modes de management des Clubs qui réconcilieraient toutes les parties prenantes.
4- ANALYSE DE LA CHAÎNE DE VALEUR DANS LE RUGBY PROFESSIONNEL
Mon analyse s’appuiera sur une organisation de la chaîne de la valeur du Rugby professionnel, représentée à la fin du paragraphe. Il s’agit de l’ensemble des activités produites dans un Club par les divers pôles de management.
Je prends comme hypothèse que la répartition de la valeur créée dans cette filière sportive n’est pas répartie équitablement et que la capture de celle-ci se fait uniquement au profit de quelques acteurs, au détriment de la plupart des autres parties prenantes.
Ma démonstration partira de la vision portée par les instances dirigeantes de Clubs jusqu’à la finalisation de la communication affichée par les Clubs et les institutions.
4.1- Vision
La mondialisation du Rugby n’a pas empêché les supporters, mais aussi une partie de la population attachée à ses repères, de continuer à vivre le Rugby localement. Ce décalage n’a pas produit les mêmes effets pour les supporters d’équipes des grandes villes françaises, qui sortent gagnantes de la compétition sportive et financière, que pour les supporters des équipes de Rugby des plus petites villes qui luttent pour le maintien en TOP 14.
La libre circulation des joueurs, entraînant une forte mobilité dans les plus petits Clubs professionnels, a introduit un décalage entre les supporters attachés à leur Club et les joueurs de Rugby qui ne font que passer. Cette attitude est source de critiques envers cette forme de Rugby qui révèle un décalage entre la vision des supporters, attachés aux valeurs traditionnelles, et la réalité du Rugby actuel.
Confortés par des perspectives de croissance démesurée, les dirigeants de tous les Clubs, petits ou grands, ambitieux ou raisonnables, ont totalement négligé le fondement sociétal d’un Club professionnel. Le constat présent nous porte à la connaissance d’une vision simpliste affichée, qui se résume d’une part à respecter les équilibres financiers (DNACG oblige) et d’autre part, à assurer le développement des centres de formation afin d’y produire les futurs joueurs professionnels de demain – sources de nouveaux revenus.
Par ailleurs, je rappelle que la vision, comme la mission ou la vocation, procèdent comme des éléments fondateurs d’une organisation ou d’un Club. Ils sont stables et solides. Sur ceux-ci, le déploiement organisationnel va se dérouler étape par étape. Ces étapes sont planifiées sur le court et long terme, tels que les buts et les objectifs.
Trois piliers se trouvent à la base de toute planification. Ils influenceront le futur d’un Club ainsi que les décisions qui seront prises :
- La vision
- La mission
- Les valeurs
Ensemble, ils constitueront l’ADN des Clubs.
Du point de vue interne, la vision, la mission et les valeurs :
- Déterminent une ligne de conduite ;
- Facilitent la prise de décision ;
- Favorisent la mobilisation et l’optimisation des ressources.
Du point de vue externe, ils caractérisent :
- La marque unique et différenciante du Club ;
- La crédibilité auprès de l’ensemble des parties prenantes ;
- La présence d’une orientation précise ;
- Une démarche mobilisatrice intégrant toutes les parties prenantes.
Aujourd’hui, une telle vision restrictive, ne peut que conduire le Rugby dans une impasse, mise en évidence par les conséquences de la pandémie actuelle.
Cet ADN des Clubs déterminera la structuration de la chaîne de valeur intégrée du Rugby professionnel et orientera l’approche de la capture de celle-ci aux bénéfices des différentes parties prenantes.
4.2- Projet sportif
Tous les grands Clubs de Rugby ont un projet sportif sur le court et le long terme. Le projet sportif, déterminé par la vision du Club, permettra les prises de décisions différentes selon les horizons retenus.
En effet, avoir une vision à long terme, sur 10 ou 15 ans, définira les grandes tendances de l’évolution du Club. Y compris dans un contexte économique fluctuant et incertain, soumis à des aléas plus ou moins importants, le projet devra s’adapter. Celui-ci constituera la direction à suivre.
L’horizon à moyen terme, entre 2 et 5 ans doit être plus défini, avec un vrai projet structurant, accompagné des ressources et des capacités à mettre en œuvre.
Enfin, le projet à court terme, sur la saison à venir, assigne concrètement les actions opérationnelles à mettre en œuvre.
Le projet sportif traduira la vision limitative des dirigeants, qui, mobilisés par les enjeux économiques, restreindront leur dessein à la focalisation sur les résultats et la performance du pôle sportif.
Un projet sportif, qui ne vise que les seuls résultats, est confronté aux aléas inéluctables du jeu et ne survit que par des décisions stimulant un management inflationniste et néfaste quant au devenir du Club.
Les orientations du projet sportif nous permettent de comprendre comment la valeur sera répartie dans le temps au bénéfice des divers acteurs du processus décisionnel.
4.3- Management organisationnel – Marketing – Exploitation
Les actions pilotées par le Management organisationnel traduisent aussi la vision prônée par les Directions de Clubs. Le constat que je peux déduire me laisse à penser que la majeure partie des pratiques se concentre vers les prises de décisions ayant trait, en priorité, aux joueurs et au staff, aux infrastructures, aux équipements et aux opérations d’audit et de contrôle – conformément aux exigences de la DNACG.
Alors quelle interprétation et quelle analyse peut-on réaliser de la chaîne de valeur intégrée du Rugby professionnel, selon, dans un premier temps, la capacité des Clubs à créer de la valeur, et dans un autre, comment celle-ci est-elle distribuée pour l’ensemble des parties prenantes ?
En vue de démontrer mon hypothèse, je m’appuierai sur la répartition de la valeur ajoutée, qui une fois créée, doit être partagée entre les différents bénéficiaires.
4.4- Les enjeux du partage de la valeur ajoutée
Le partage de la valeur ajoutée a des conséquences sur les différents bénéficiaires. Elle est :
- Affectée aux salariés : leur pouvoir d’achat s’améliore. Elle permet également le recrutement de nouveaux salariés qui a pour effet d’acquérir de nouvelles compétences et de nouvelles capacités, mieux rémunérées.
- Allouée aux Clubs : la valeur ajoutée permet de fortifier la capacité de développement et d’augmenter la part d’autofinancement de ses investissements.
- Distribuée aux propriétaires des Clubs : elle accroît l’importance de leurs dividendes et permet de renforcer leur attractivité vis-à-vis d’investisseurs potentiels.
- Créée par les Clubs : la valeur ajoutée contribue à l’augmentation du PIB, par la collecte d’impôts, de taxes et de cotisations, destinés à garantir le bon fonctionnement des infrastructures, à la qualité des prestations sociales et à pourvoir au développement régional.
- Collectée par les banques : la valeur ajoutée épargnée pourra être prêtée plus facilement à l’ensemble des Clubs qui ont besoin de financement.
Pour l’ensemble des Clubs du TOP 14, la valeur ajoutée affiche une très faible progression entre les saisons 2015/2016 et 2018/2019 passant de 208 009 K€ à 227 322 K€, mais dont la part dans la totalité des produits d’exploitation diminue de plus de 4%, soit 14 000 K€.
Après avoir décomposé et analysé les données économiques de la DNACG, j’exprimerai les choix et les décisions prises par les Directions en évaluant les conséquences sur les différents acteurs de la chaîne de valeur, en me posant la question pour chacun d’eux :
4.5- Quelle valeur créée, perçue ou détruite et pour qui ?
4.6- La création de valeur
Le projet économique des Clubs peut être décrit comme une logique d’organisation à des fins de création de valeur pour l’ensemble des clients, de capture de valeur pour les Clubs et pour leurs partenaires. Création et capture de valeur sont donc au centre de la vision et des missions assignés aux différents Clubs. Considérée comme un concept important de management des organisations (en particulier sportives), la valeur créée et capturée conditionne l’ADN des Clubs comme vu précédemment, tant vis-à-vis des parties prenantes internes qu’externes.
Les nombreuses décisions en matière de management des Clubs sont corrélées aux directives prises de création de valeur et de capture de valeur. Les innovations, les services proposés, l’exploration de nouveau segment de marché concernent plutôt la création de valeur, tandis que le fait de profiter d’un fort pouvoir de négociation sur les parties prenantes internes et externes relèvent de la capture de valeur.
Le prix qu’un supporter, un fan, un sponsor, un citoyen, un diffuseur est prêt à payer pour un service ou un produit est une échelle de la valeur créée tandis que le bénéfice qui en est retiré est une mesure de la valeur capturée.
Les premiers bénéficiaires de la création de valeur reviennent à l’ensemble des employés, sportifs et administrations. Dans l’intention de disposer de salariés requis, formés, stables, motivés par leur emploi, ayant les capacités fondamentales, il est prioritaire pour les Clubs qui souhaitent conserver les compétences d’apporter des réponses aux différents acteurs. Cette valeur ne comprend pas que le salaire, mais intègre des éléments subjectifs comme le sentiment d’appartenance, la sécurité de l’emploi, l’accomplissement au travail et les perspectives d’avenir. La détermination de la valeur créée pour les salariés nécessite donc de distinguer la rétribution perçue, du salaire objectif. A contrario, toutes ces distinctions s’additionnent pour constituer toutes conditions requises afin de produire une valeur jugée suffisante qui doit contribuer à la satisfaction de tous les clients.
Relativement aux actionnaires, les Clubs ont une injonction : Il s’agit de la contrepartie aux apports de fonds, aux risques pris, servie en termes monétaires par des dividendes. La valeur attribuée aux titres par les actionnaires est influencée par l’image des Clubs, les résultats sportifs et économiques, une vision à long terme, les risques actuels et futurs qu’ils présentent et les projets de développement.
Pour les autres parties prenantes intéressées à la performance comme les fournisseurs, le volume de vente, le délai de paiement, l’innovation recherchée, le développement des savoir-faire, la coopération et l’appartenance, l’intégration à des projets de médiatisation et de notoriété, la valorisation des relations commerciales et la fidélisation caractérisent la contribution à leur valeur qui répondront par plus de qualité, de réactivité, de flexibilité et des tarifications optimisées.
Pour les collectivités, les Clubs constituent un écosystème dans lequel les institutions sont intégrées, qui, bénéficiant de taxes et d’impôts locaux, proposeront leurs prestations de services, aideront à des efforts de préservation de l’environnement, à des implantations d’installations, à des comportements citoyens et à la participation à la vie collective.
Je retiendrai, parmi l’ensemble des parties prenantes, les protagonistes suivants sous quatre modalités :
- Les promoteurs du modèle du Rugby professionnel
- Les contributeurs à la création de valeur
- Les parties prenantes internes des Clubs
- Les parties prenantes externes aux Clubs
5- PROMOTEURS ET PRÉBANDIERS À LA FOIS
5.1- Les institutions nationales du Rugby – FFR – LNR et DNACG
À côté des parties prenantes principales, j’entends les actionnaires, les joueurs et les spectateurs, on peut identifier d’autres parties prenantes telles que les instances dirigeantes, la Fédération Française de Rugby (FFR) et la Ligue Nationale de Rugby (LNR). La ligue professionnelle garantit aux Clubs la majorité des revenus issus des droits TV et leur impose un minimum de règles de gestion par le biais de la DNACG.
Dans l’objectif de limiter les pertes opérationnelles subies par un certain nombre de Clubs de Rugby, la DNACG a mis en place depuis 2012 de nouvelles réglementations visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs. La vocation essentielle de la DNACG est d’assurer l’équité sportive et économique des championnats TOP 14 et PRO D2, afin d’éviter que la compétition puisse être faussée par des Clubs qui engageraient des charges trop élevées sans justifier des ressources nécessaires à leur financement. Il s’agit également de contribuer à la pérennité économique et sportive des Clubs, ce qui est d’autant plus indispensable dans une période d’incertitude économique, faisant suite à une décennie de forte croissance du Rugby professionnel. Au-delà de cela, et depuis sa création en 1999, la DNACG contribue à assurer une mission d’aide aux Clubs, symbolisée par le « A » de son sigle. Cette approche, qui était tout particulièrement nécessaire dans une période de professionnalisation du Rugby, reste toujours utile, notamment pour les Clubs promus de divisions inférieures ou dans des situations économiques complexes comme celles faisant suite à la pandémie actuelle.
Le mode d’allocation des revenus issus des droits TV, bien qu’égalitaire et fonction des résultats des compétitions procure un avantage concurrentiel pour les Clubs ayant déjà atteint un certain niveau de développement économique, créant ainsi une concurrence inéquitable avec les autres Clubs. Ce modèle économique produit un processus inflationniste, autant sur le prix des joueurs que sur leurs salaires. C’est néfaste à l’équité sportive et à la pérennité des Clubs. Par leurs décisions, la LNR et la DNACG amplifient indirectement les risques économiques par la dépendance aux revenus apportés par les sponsors. Et elles altèrent la qualité des prestations commercialisées en diminuant l’incertitude sur l’identité du vainqueur des compétitions nationales ou internationales, tout en autorisant quelques Clubs à capturer la plus grande part des revenus générés.
Une prise en compte des dérives inflationnistes et des risques liés à des surendettements justifierait de limiter le montant de dette des Clubs et leur permettre de se financer par recours à des capitaux propres.
5.2- Les institutions nationales du Rugby – FFR
Avant de comprendre le mode de création de valeur et sa réparation pour l’ensemble des Clubs du TOP 14, je voudrais me focaliser sur l’interprétation des résultats économiques de la FFR. Celle-ci est un acteur majeur de la chaîne de valeur du Rugby français et, à ce titre, mérite une attention particulière.
Je précise que toutes les données utilisées sont issues du rapport du Commissaire aux Comptes de la FFR, publié le 19 Novembre 2019.
Je m’appuierai dans un premier temps sur le Compte de Résultat de la FFR.
Je débuterai mon analyse par les Produits d’exploitation de la FFR, durant la période du 1er Juillet 2015 au 30 Juin 2019, soit 4 saisons, définies comme :
- 2016
- 2017
- 2018
- 2019
Ce premier graphique nous montre une forte érosion des produits d’exploitation qui passent de 119 367 K€ à 102 514 K€, soit une diminution de près de 20%, en Euros courant.
Un des facteurs importants de baisse porte sur les Recettes matches en France, qui perdent 8 500 K€, sur la même période et ne représentent plus que 16,5% du total des produits contre 21,3% en 2015/2016.
Une autre curiosité apparaît, celle d’une forte augmentation des Reprises sur provisions qui passe de 68 K€ à 2 737 K€, soit une variation à la hause de 2 669 K€, qui vient atténuer la dégradation des activités.
L’analyse des charges d’exploitation représentées par les graphiques ci-dessous et portant sur l’ensemble des Achats + Sous-traitance + Services extérieurs montre une stabilité dans le temps et s’établit à près de 34% des produits.
On peut détailler certaines catégories de dépenses comme celles relatives à l’Habillement-Equipement et les Frais médicaux qui constituent la plus grande partie des dérives, soit respectivement + 280 % à hauteur de 4 349 K€ et 273% pour un montant de 5 588 K€.
De même, l’observation du poste Frais de déplacements indique une forte augmentation en valeur absolue, passant de 19 533 K€ à 20 995 K€ sur une période pendant laquelle l’activité a diminué de 20% ! Mais surtout tout cela montre une très forte augmentation de ces dépenses corrélées aux produits d’exploitation progressant de 16,4 % à 20,5% des activités soit une variation de + 25% !
Parmi les frais de déplacements, le poste de dépenses pour Vie fédérale attire l’attention par une variation de + 156% à hauteur de 1882 K€.
Relativement aux charges de personnel, on peut constater une très importante dérive : elles passent de 19 469 K€ à 26 339 K€, soit 35% de plus, tandis que le total des activités baissait de 20% ! Et ce total représente 25,7% de celles-ci (charges du personnel), soit une dérive de + 58% par rapport à la saison 2015/2016.
Au regard des données brutes relatives aux charges salariales, on assiste à un changement de structure de la FFR qui se traduit par une très forte progression du nombre de Cadres, passant de 61 à 106 personnes soit près du double, constituant la principale cause de l’augmentation importante des effectifs.
L’analyse détaille des charges de personnel retient l’attention dans le sens où la masse salariale des personnels titulaires avec les Charges Sociales (CS) passe de 10 429 K€ à 15 069 K€ soit une progression significative de + 144% et passe de 52,6% à 57,2% de la totalité de salaires.
Le salaire moyen, avec les charges, par titulaire passe de 50,9 K€ à 61,1 K€ annuel, soit 2890 € brut mensuel en 2015/2016 et 3 680 € brut mensuel en 2018/2019.
Alors que le nombre de joueurs sous contrat FFR est passé de 33 à 39 (soit + 18 %), la masse salariale – avec les charges de celle-ci – évolue de 9 220 K€ vers 11 269 K€ soit + 22% : ces chiffres traduisent une stagnation des salaires relatifs aux sportifs. Plus significatif, la part des salaires des joueurs dans le total des salaires chargés passent de 47,4% à 42,8%, soit une baisse de – 10% !
Les salaires mensuels moyens avec les charges des sportifs correspond à 190,2 K€, soit 10 800 €/mois en 2015/2016 pour 209,8 K€ soit 12 700 € /mois en 2018/2019.
La comparaison du coût des salaires + CS par catégorie nous éclaire beaucoup mieux sur l’origine des dérives de ce poste-là.
En effet, on peut constater que les salaires annuels des salariés et des joueurs sont quasiment stables sur la période 2015/2016 à 2018/2019. Par reflet, cela démontre que les dérives analysées ont pour cause une très forte capture de la masse salariale par les hauts dirigeants, pour lesquels les salaires + CS annuels sont passés de 37 K€/an en 2015/2016 à 194 K€/an soit une variation de 525% !!
Les résultats présentés ci-dessous nous affichent une perte de valeur ajoutée de 4 % par rapport à la totalité des produits d’exploitation, ce qui représentent une perte de valeur ajoutée de l’ordre de 40 000 K€. Celle-ci est passée de 58 635 K€ en 105/2016 à 46 567 K€ en 2018/2019, soit une baisse de 20%.
Par ailleurs, nous pouvons remarquer que, pendant la même période, la part des salaires dans la valeur ajoutée est passée de 33,2% à 56,6% soit une dérive significative + 70% !!
J’ajoute que la participation aux résultats pour l’ensemble des salariés, qui était de 506 K€ pour la saison 2015/2016, est égale à « 0 € » pour les 2 dernières saisons 2017/2018 et 2018/2019.
Nous pouvons en déduire qu’en raison de la répartition des coûts des salaires, cette dérive a pour origines principales :
- Un recrutement de cadres largement au-dessus des moyens de la FFR
- Une rémunération des hauts dirigeants que la FFR ne peut supporter.
Je porte une attention particulière sur la constitution des résultats d’exploitation et du résultat net.
En effet le résultat d’exploitation va passer de 6 724 K€ positif, soit 5,6% du total des produits, à une perte de 1 502 K€, soit – 1,5% des activités.
L’analyse approfondie de la réalisation du résultat d’exploitation pour la saison 2018/2019, amène à prendre en considération des opérations que l’on ne peut pas qualifier de courantes et donc purement exceptionnelles, par conséquent non récurrentes.
Un retraitement de ces opérations conduit au résultat d’exploitation suivant :
- La neutralisation de la reprise sur provisions, à hauteur de 2 737 K€, considérées comme un produit d’exploitation montre un Résultat d’exploitation négatif pour 4 239 K€, soit 4,1% du total des activités, bien loin du résultat publié !
Quant au résultat net affiché, il va passer de 3 753 K€ positif, soit 3,1% du total des produits, à un bénéfice de 211 K€, soit 0,2% des activités.
Comment passe-t-on d’un résultat d’exploitation négatif à un résultat net positif ?
De même, l’analyse approfondie de la réalisation du résultat net pour la saison 2018/2019, amène à prendre en considération des opérations que l’on ne peut pas qualifier de courantes et donc purement exceptionnelles, a fortiori non récurrentes.
Un retraitement de ces opérations conduit au résultat net suivant :
- La neutralisation du résultat financier positif de 882 K€, en fait une reprise sur provision, c’est-à-dire le même retraitement pour un résultat exceptionnel positif de 76 K€, en fait une reprise sur provision, là aussi et enfin, un crédit d’impôt de 753 K€. L’ensemble des corrections conduit à un résultat net négatif pour 4 239 K€, soit 4,1% du total des activités, bien loin du résultat positif publié !
Cette première analyse, à partir des données d’exploitation retracent bien les orientations de la FFR sur les 4 dernières saisons.
Comment alors interpréter les données issues du bilan de la FFR sur cette même période, soit de 2015/2016 à 2018/2019 ?
Le graphique ci-dessous nous montre l’évolution des ressources nettes de la FFR, le besoin en fonds de roulement nécessaire et l’impact sur la trésorerie.
Les ressources nettes passent de 5 049 K€ à des ressources négatives de – 5 142 K€ pour la saison 2018/2019. Associé à une forte augmentation du Besoin en fonds de roulement qui passe de – 10 781 K€ à 15 572 K€, la trésorerie diminue de 20 714 K€, correspondant à 20% du total des produits soit 2,5 mois d’activités ou à 80% de masse salariale annuelle :
On peut constater une forte augmentation des investissements, au même moment où l’activité de la FFR diminuait de 20%, pénalisant la trésorerie.
Ces investissements ont porté sur la conception d’un nouveau site internet pour une valeur de 1 120 K€ et sur la rénovation et les coûts d’installation du Centre National du Rugby pour un montant de 3 239 K€.
Au regard de l’ensemble des résultats économiques et financiers de la FFR, il est nécessaire de mettre en regard ses performances, en particulier de ses hauts dirigeants.
Pour rappel :
- Les résultats sportifs de l’Equipe de France
- La qualité du jeu pratiqué
- Des litiges avec des fournisseurs nécessitant un montant important de provisions, à hauteur de 4 000 K€.
- Le paiement de litiges sociaux à hauteur de 1 000 K€.
- La condamnation de La Fédération française de Rugby (FFR) à verser 3 360 K€ à une collectivité pour l’abandon en 2016 du projet de Grand Stade au sud de Paris.
- La demande d’indemnité pour l’abandon du projet du Grand stade pour un montant de 19 000 K€, très peu provisionnée.
- La perte de sponsors historiques du Rugby français, tel que BMW, pour une perte de 4 700 K€/an.
- L’évolution des recettes issues des matches internationaux en baisse 32% par match et de 7 833 K€ pour la totalité des recettes issues des matches internationaux.
- Les recettes issues des cotisations passent de 8 145 K€ à 4 057 K€, soit une baisse de 4 088 K€ et de 50 % !!
- Et ce, pour une cotisation par licencié qui passe de 18,59 € à 14,41 €, soit une nouvelle baisse de plus de 22%.
- Cette dernière est associée à une décrue du nombre de licenciés qui passe entre 2015/2016 et 2018/2019 de 438 144 à 281 554 licenciés soit, là aussi une baisse de plus de 36%.
- Ensuite, on constate une perte de 16 000 gamins dans les Ecoles de Rugby depuis 2012.
Je conclurai cette première partie sur le rôle résumé des institutions nationales du Rugby français assuré par la FFR. Au vu des performances de l’organisation FFR et de ses résultats économiques, je peux conclure que cette institution, garante de l’organisation du Rugby français ne contribue pas à la création de valeur de son propre sport, mais capture la valeur produite à son propre profit.
6- LES CONTRIBUTEURS À LA CRÉATION DE VALEUR
6.1- Les supporters
Les clients des Clubs, constitués des supporters et des abonnés, représentent une source de revenu importante dans l’économie du Rugby professionnel. Les Clubs déploient l’utilisation des outils du marketing expérientiel dans l’intention de développer les recettes liées au merchandising en jouant sur l’attachement sentimental du supporter au Club ou à son identification à un joueur vedette, et en essayant de faire en sorte que le stade devienne un lieu de vie. Ce faisant, la dimension sociétale du Club dans son propre écosystème est oblitérée.
Chaque activité du Club contribue à la valeur créée. Celle-ci doit être perçue par les supporters comme répondant à leurs attentes. Valeur subjective s’il en est. En outre, si le client ne perçoit pas assez de valeur, il pourra choisir et s’orienter vers d’autres loisirs sportifs ou culturels qui répondront mieux à ses espérances.
Le supporter est supposé acheter des prestations de spectacles sportifs qui présentera la différence entre la valeur perçue et le prix à payer comme la plus favorable.
De nombreux Clubs se posent la question de savoir si un supporter est un client comme un autre ou pas. Les supporters, par tradition, sont un peu plus que de simples clients car, typiquement ils s’identifient de manière très particulière aux valeurs du Club. Le Club en retour s’assure de leur fidélité.
Par l’approche « Rugby business », les Clubs tendent de plus en plus à traiter le supporter comme un client. Cela se fait de plus en plus ressentir du côté des fans. Être considéré comme un simple client peut dévaluer le concept de supporter et augmenter l’impression de n’être qu’une source de profits commerciaux, c’est une disposition péjorativement ressentie par les supporters.
D’une certaine façon, le supporter recherche dans son Club d’autres relations que proprement commerciales. Une qualité de service optimale doit répondre à ses attentes. Les supporters sont donc des acteurs cruciaux dans la vie de chaque Club. Leur rôle au sein du Club ne peut pas être sous-estimé tant ils peuvent influencer ou affecter l’ensemble de la structure dudit Club de Rugby.
Par conséquent, la valeur perçue par les supporters intègre une forte valeur d’estime, correspondant à l’image apportée par les prestations, tant par leur disponibilité, leur qualité que par leurs aspects affectifs produisant implicitement la valeur ressentie desdites prestations. Celle-ci, subjective, est influencée par la presse, les associations de consommateurs, les réseaux sociaux et les groupes de supporters.
La « satisfaction du supporter » permet sa fidélisation. Cela influence et réduit le coût des transactions pour la recherche de nouveaux supporters.
La valeur ainsi créée pour le supporter est déterminée par la chaîne de valeur intégrée, de la proposition du spectacle sportif jusqu’à son exploitation dans le Stade (avant, pendant et après l’événement lui-même) et qu’elle n’intègre pas que des dimensions tarifaires.
Les informations économiques, issues du dernier rapport de la DNACG pour la saison 2018/2019, à notre disposition traduisent une stagnation des revenus résultant de la billetterie et ce, depuis les 3 dernières saisons : elle représente 11% du total des revenus.
Si l’ensemble des recettes représentent 351 673 K€ sur la saison 2018/2019, en progression de 49 106 K€, soit 16% sur la période analysée, les « recettes matches », à hauteur de 46 996 K€ ont diminué de – 4 217 K€, ce qui représente – 8%. Les recettes matches ne représentant plus que 13% du total des revenus contre 17% pour la période 2015/2016, soit un recul de plus de 20%.
Nous pouvons constater le même comportement pour les recettes matches par Club avec une baisse de 8% sur la période en euros € constants.
Récapitulatif des moyennes de spectateurs en Top 14 par Club et par saison depuis la saison 2009-2010 jusqu’à la saison 2018-2019
Malgré le développement, l’adaptation et les travaux réalisés dans les stades de Rugby, malgré la médiatisation portée par la course aux « stars du Rugby », le nombre de spectateurs par matches s’immobilise autour d’une moyenne en dessous de 14 000 par match, desquels, nous devons déduire le nombre de « spectateurs non payants », pour un taux de remplissage moyen de 70%.
Au vu des tarifs moyens pratiqués, soit 25 € par spectateur et par match, on peut facilement en déduire que la perception par les supporters montre une différence significative entre la valeur perçue et le prix à payer, limitant leur engagement et leur passion.
6.2- Les sponsors
Les revenus agrégés du sponsoring et de la publicité représentent 170 054 K€ soit 48 % du total des produits. Ils sont en augmentation de 17 % entre la saison 2015/2016 et la saison 2018/2019.
Comment analyser la valeur perçue par les sponsors ? En sachant que ces revenus constituent la première source de produits pour l’ensemble des Clubs du TOP 14.
On peut constater que le poids de ces revenus constitue une forte dépendance aux décisions des partenaires et par là, une obligation vitale pour les Clubs de proposer les meilleures activations marketing pour ces sponsors.
Le peu d’informations sponsoring à ma disposition ne m’empêche pas d’émettre quelques hypothèses de manière à démontrer que les démarches proposées par les Clubs ne répondent pas aux attentes des sponsors.
La vision des Clubs de Rugby professionnel, principalement orientée performance et résultats sportifs, n’offre que peu d’attractivités et d’alternatives aux yeux des annonceurs. En raison de résultats sportifs aléatoires, non récurrents, les Clubs offrent peu de visibilité et de notoriété aux sponsors, en particulier lors de période de résultats négatifs ou lors de des non-participations aux phases finales ou européennes.
En TOP 14, de rares Clubs affichent une sécurité quant au niveau des résultats sportifs. De cet état de fait, le peu de Clubs qui bénéficient d’une importante exposition médiatique, réduisent les arguments pour les annonceurs, qui devraient pouvoir profiter d’importantes retombées médias.
L’intégration récente des notions de ROI (retour sur investissement) dans les opérations de partenariats sportifs contraint les Clubs à de grandes campagnes d’activation, en regard d’optimiser les enjeux de notoriété et d’image de marque pour les annonceurs. La seule visibilité ne suffit plus pour les partenaires. Les activations, avec des objectifs et des indicateurs précis, jouent un rôle croissant dans la définition et l’exécution des accords de sponsoring.
Face à ces exigences de ROI (retour sur investissement) de la part des annonceurs dans le dessein de justifier de la rentabilité de leur investissement substantiel pour acquérir des droits et activer leurs partenariats, les Clubs doivent de se doter d’outils de monitoring pour suivre au mieux les retombées. Tous les partenaires cherchent à calculer le plus finement possible leur retour sur investissement.
À travers différents métriques – indicateurs de performance, enquêtes d’opinion, enquêtes online lors des événements, mesures de ventes sur un secteur géographique précis, feed-back des réseaux sociaux -, les annonceurs pourront apprécier la pertinence d’un contrat de sponsoring, ayant pour objectif de renouveler le contrat de partenariat, conditionné par les réponses apportées par les Clubs.
Nous pouvons déjà constater que les conséquences de la pandémie anticipent une baisse de 25 à 30% des revenus provenant des sponsors.
Une question se pose alors : comment se fait-il que les retombées du sponsoring soient si peu évaluées et offrent si peu de visibilité pour les annonceurs au point de sacrifier 25 à 30% de leur budget ?
6.3- Les diffuseurs
La contribution totale des droits audiovisuels au total des produits se monte à 69 086 K€, soit 20% du total des revenus, pour une augmentation de 11% sur la même période.
CANAL+
Le groupe historique de télévision payante Canal+ a confirmé qu’il allait « tailler à la hache » dans ses effectifs en France, où il est confronté à une double concurrence : celle de BeIN Sports, de SFR et de Mediapro dans le sport.
De plans de restructuration après d’autres, Canal+ continue de réduire ses effectifs à hauteur d’environ 500 collaborateurs sur les 2.600 qu’il compte en France ; réduction appelée comme il se doit « projet de transformation ». Les objectifs sont la compression du nombre de salarié en réduisant les coûts et la distribution afin de verser un maximum de dividendes au détriment des salaires.
Depuis 2015, les précédents plans d’économie n’ont pas suffi à enrayer les difficultés de Canal+. Attaquée sur tous les fronts, la société voit le nombre d’abonnements individuels directs reculer et a perdu près de 2 millions de fidèles sur cette période, à 4,5 millions d’abonnés. Les difficultés s’accumulent face aux concurrents.
Je peux déduire que sur cette marche des diffuseurs, il semble que la rentabilité soit loin du compte au regard des investissements consentis dans l’achat des droits de diffusion. La concurrence entre les opérateurs, celle des nouvelles plateformes comme Amazon et Netflix et les tendances des consommateurs vers le streaming, constituent de nouveaux risques de dégradation du montant tarifé des droits audiovisuels perçus par les Clubs.
6.4- Les produits dérives et le merchandising
Le poids économique des produits dérivés et du merchandising, ajouté aux autres produits, culmine à hauteur de 16 526 K€, soit 5% de l’ensemble des revenus, pour une progression qui a doublé sur la période. Il est à noter le faible poids économique des activités de merchandising pour les Clubs du TOP 14.
Mais au-delà des recettes réalisées, il est important de comprendre la Marge Commerciale sur les ventes des produits dérivés. Dans les faits, pour chaque produit vendu, le Club n’encaisse environ que 10% de la recette finale. 30% va au distributeur, 30% à l’équipementier, 10% au fabricant (ainsi qu’aux frais de logistique) et aux Etats, via les taxes.
Je peux en déduire que la contribution des produits dérivés aux bénéfices des Clubs représente seulement un apport marginal à la performance économique, estimé à 0,5%.
L’intégration de compétences, de capacités et de savoir-faire dans les métiers de la supply chain constitue un défi pour l’amélioration des résultats financiers issus de la commercialisation des produits dérivés.
6.5- Synthèse des produits d’exploitation
De par la dépendance auprès des partenaires et des droits TV (soit près de 70% du total des revenus d’exploitation du TOP 14), il est facile d’imaginer que le modèle économique du Rugby ne présente pas toutes les garanties de survie à une pandémie telle que nous la vivons, mais au-delà, il est dans l’impossibilité de faire face à la défaillance de certains sponsors ou d’échec sportif.
Il est à noter que le TOP 14 dépend pour 7 747 K€ de subventions, soit 2% des revenus, et de 24 493 K€ d’autres produits, soit 7%. Ces 2 postes représentant malgré tout près de 10 % e l’ensemble.
Par-delà les particularités propres à chaque contributeur de revenus des Clubs, je remarque que l’ensemble de ces acteurs économiques se comportent de manière à rendre dépendants financièrement la totalité des Clubs. En effet, hormis les recettes de billetterie et de produits dérivés, les sommes d’argent dues aux Clubs constituent un risque majeur sur leur financement d’exploitation. Le total des créances dues, soit 88 052 K€, accable les Clubs par des retards de paiement récurrents, qui représentent 90 Jours de crédit clients, soit 3 Mois de délai en moyen de paiement, alors qu’une loi, dit LME de 2008 (Loi de Modernisation de l’Économie du 4 août 2008) limite lesdits délais de paiement à 45 Jours ! Sachant que les recettes générées de la billetterie et des produits dérivés constituent 18% en moyenne, il est facile d’imaginer la position des Clubs face à une telle dépendance financière à court terme et les conséquences en termes économiques, d’image et des conditions d’exploitation.
7- PARTIES PRENANTES INTERNES AU CLUB
7.1- Les joueurs salariés
L’analyse des données à notre disposition, peu explicites, nous conduit à plusieurs constats.
Pour la saison 2018/2019, la part des salaires et charges sociales consolidé pour tous les Clubs du TOP 14 est valorisée à 242 391 K€, en croissance de 27,2% par rapport à la saison 2015/2016 et représente 69% du total des revenus des Clubs, contre 66% pour la saison 2015/2016.
Cette dérive des salaires est à mettre en relation avec l’évolution des revenus qui ne progressent que de 17,7%.
Ce qui signifie que l’ensemble des salaires versés absorbent 107% de la valeur ajoutée produite par les Clubs.
La décomposition des salaires par catégorie de salariés est plus significative. Le poids des salaires des joueurs professionnels correspond à 77,5 % de la masse salariale totale et capture 83% de la Valeur ajoutée produite.
Il est à mentionner que la masse salariale de tout le domaine sportif « joueurs et staffs » correspond à 91 % du total des salaires et absorbe 97% de la valeur ajoutée créée par les Clubs.
30% des joueurs les mieux payés capturent plus de 50% de la masse salariale.
Bien qu’une moyenne ne soit pas représentative des salaires des joueurs, selon une estimation de 500 joueurs professionnels en TOP 14, le salaire moyen annuel avec les charges sociales par joueur, s’élève à 376 K€ soit près de 31 300 € par mois.
Aucun secteur d’activité ne peut supporter un groupe de salariés, y compris pour des joueurs à forte notoriété d’absorber 91% du total des revenus et 97% de la valeur ajoutée.
Un des secteurs d’activité avec lequel nous pouvons établir des correspondances est celui de la production audiovisuelle. Établissons quelques comparaisons.
Ledit secteur d’activité réalise autour de 3 000 M€ de chiffre d’affaires : on saisit que c’est 10 fois plus que celui du Rugby. Au regard de ces recettes, la part des salaires représente 730 M€ environ (soit 25% du CA produit). Pour une valeur ajoutée de 2 550 M€, les salaires pèsent 40 % de la VA créée. (Source : Étude sur le tissu économique du secteur de la production audiovisuelle – CSA 2017)
La comparaison entre les deux secteurs d’activité, similaires par leurs finalités et par les publics visés, nous permet de mieux comprendre la structure économique des Clubs et de démontrer en quoi le modèle du Rugby ne peut résister à aucune crise, a fortiori à une pandémie mettant à l’arrêt toutes les activités de spectacles sportifs.
7.2- Les staffs techniques
L’ensemble des staffs techniques représente 13,5 % de la masse salariale, qui ponctionne 14% de la valeur ajoutée. Avec une hypothèse de 15 Personnes de staff technique par Club, le salaire moyen avec les charges sociales s’élève à 164 000 € par an, soit 13 600 € environ par mois.
Nous pouvons là aussi comparer avec les salaires des ingénieurs par exemple dont le revenu annuel moyen est compris entre 30 000 € et 100 000 €, selon l’ancienneté.
7.3 Les salariés de l’administration
L’ensemble des salariés de l’administration consomment 9 % de la totalité de la masse salariale, soit 10% de la valeur ajoutée.
Peu d’informations sur ces personnels-là, et pour cause me semble-t-il !
J’émets là aussi, l’hypothèse de 80 administratifs par Club de TOP14, ce qui nous amène à des salaires annuels avec les charges sociales de 20 000 €, soit 1660 € mensuels. Sachant que les dirigeants et les cadres perçoivent des salaires nettement supérieurs, cela nous laisse des revenus moyens par employé largement en dessous du SMIC.
On pourra deviner le peu de reconnaissance de cette catégorie de salariés, ayant toutes les responsabilités opérationnelles, administratives et commerciales de la production de spectacles sportifs.
7.4- Les honoraires agents sportifs et médicaux
Les honoraires d’agents représentent près de 3,1% du total des revenus, pour un montant de 11 032 K€, en forte dérive de 23% par rapport à la saison 2015/2016 et capturent 5% de la valeur ajoutée produite.
Finalement, le Rugby, ce n’est pas que du Rugby, mais des joueurs considérés comme des marchandises et des produits financiers. Des marchandises que tous les agents sportifs du monde essayent de monnayer le plus cher possible afin de produire un maximum de commissions.
7.5- L’État et les organismes sociaux
Le poids des charges sociales et des impôts représente près de 20% des revenus totaux, ce qui constitue 33% de la valeur ajoutée.
La perception par l’État de cette partie de valeur ajoutée correspond à l’ensemble des charges collectées par les Clubs sur la totalité des salaires, dans l’objectif de pourvoir au financement des dépenses de santé, d’accident, de chômage et de retraite des salariés.
De plus, l’État et les Régions contribuent au développement des activités sportives et aux investissements requis pour les installations.
Le corps d’État, par l’effet des subventions, participe aux actions éducatives par l’intermédiaire du sport.
En tant que garant, il permet aussi d’obtenir des prêts garantis qui soulagent les Clubs lors de problèmes de trésorerie conjoncturelle.
7.6- Les actionnaires et les investisseurs
Les intermédiaires financiers représentent 0,2 % du total des revenus, soit 0,15 % de la valeur ajoutée.
Les actionnaires et investisseurs ne perçoivent aucune valeur créée par le Club. En revanche, par leur abandon de créances sur les comptes courants d’associés, ils apportent aux Clubs 27 775 K€, soit près de 8 % du total des revenus et plus de 12% de la valeur ajoutée.
Nous verrons finalement que les résultats d’exploitation des Clubs du TOP 14, dépend finalement, de toujours des mêmes acteurs : les sponsors pour les contrats de sponsoring et les sponsors-actionnaires pour leurs apports et surtout leurs abandons de créances qui s’élèvent à près de 2 000 K€ par Club.
L’attractivité économique doit devenir un objectif majeur en vue de pouvoir attirer de nouveaux investisseurs. Cela passe par une rentabilité accrue, une maîtrise des risques économiques, une visibilité sur le long terme, fondée sur un projet sportif responsable, sociétal et durable.
Comment se structurent les capitaux permanents du Top 14 ?
L’ensemble des capitaux permanents, constitués des :
- Capitaux propres (Capital social Résultats)
- Emprunts à Long Terme, auprès des organismes financiers
- Compte apports en courants de la part des associés ou actionnaires
Progressent fortement sur la période 2015/2016 à 2018/2019, et sont multipliés par 2. Alors que les Résultats économiques montrent, sur la même période, une perte cumulée de 75 461 K€, nous pouvons constater une progression simultanée des capitaux propres. Les résultats, constituant une partie des capitaux propres, ceux-ci devraient diminuer d’autant.
Je peux en déduire le montant des recapitalisations effectué par les actionnaires.
Je déterminerai cette recapitalisation en avançant l’hypothèse que la totalité des pertes cumulées sont compensées par les actionnaires l’exercice suivant, 83 854 K€, ou près de 6 000 K€ par Club sur la période 2015/2016 à 2018/2019.
Après avoir constaté les pertes d’exploitation cumulées sur les 4 dernières saisons, le recours régulier aux actionnaires en place ou nouveaux investisseurs, il me semble difficile de nier que le modèle du TOP 14 ne peut perdurer en totale autonomie financière et que sa perte d’attractivité économique remet en cause sa pérennité.
7.7- Les Clubs
Pour les Clubs, le montant total d’amortissement se monte à hauteur de 11 743 K€, soit 3,3% du total des revenus.
Comme dans tout modèle organisationnel, le Club doit devenir le centre des activités vers lequel toutes les décisions seront focalisées. Et ce sont surtout l’image, la notoriété, l’histoire du Club, qui prennent leur place au-dessus de toutes les parties.
Par-delà la très faible valeur capturée par les Clubs, des indicateurs de déséquilibre financier apparaissent.
Le Fonds de roulement (Capitaux Permanents – Total des immobilisations) du TOP 14 diminue considérablement sur la période pour être proche de « 0 ». Autrement dit, tous les capitaux permanents sont absorbés par des opérations d’investissements, malgré de lourdes pertes et une capacité d’autofinancement négative.
L’exploitation génère un besoin en fonds de roulement négatif (ou Ressource en fonds de roulement), à hauteur de – 5 284 K€, par un recours à des crédits auprès des fournisseurs et des organismes sociaux allongés.
La résultante, la trésorerie d’exploitation, entre 2015/2016 et 2018/2019, passe 17 076 K€ à 5 763 K€, soit une baisse de 11 313 K€. La trésorerie présentée, positive provient de concours bancaire à court terme pour 15 889 K€.
7.8- Synthèse des résultats
Des résultats économiques du TOP 14, nous pouvons en déduire quelques réflexions significatives.
Confrontés à des recettes globales qui progressent faiblement, soit 4% par an, à des recettes matches qui diminuent de 9 % sur la même période, nous assistons à l’envolée de la masse salariale et des charges d’exploitation qui progressent de 27,2% et de 35,7% sur la période de 2015/2016 à 2018/2019.
On se rend compte que les dépenses d’achats, de services externes et autres services extérieurs dérivent fortement.
L’ensemble de ces charges-là constituent le fondement des résultats d’exploitation déficitaire et une Capacité d’autofinancement d’exploitation négative, mettant en péril la survie du modèle économique du TOP 14, en particulier par une insuffisance de capacité d’investissement.
Avec une perte d’exploitation de – 43 065 K€, qui représente 12,25% des produits d’exploitation, avec une dégradation multipliée par 3, il n’est pas concevable d’imaginer la continuité d’un tel modèle sans changements radicaux. Les conséquences de ces résultats économiques se traduisent par une Insuffisance de Capacité d’autofinancement d’exploitation de près de – 9% du total des revenus, ayant pour conséquence :
- Impossibilité de faire face à des risques conjoncturels ou structurels.
- Impossibilité d’améliorer la trésorerie d’exploitation
- Difficulté à pourvoir aux investissements requis
- Impossibilité de verser des dividendes aux actionnaires
- Perte d’attractivité pour les investisseurs
- Perte d’attractivité pour les sponsors face à des risques systémiques
De plus, et afin de permettre de limiter les résultats négatifs, nous constatons un recours à des opérations exceptionnelles, non récurrentes qui limitent les pertes.
Alors, comment expliquer un montant de produits exceptionnels à hauteur de 15 007 K€, multiplié par 10 sur les 4 dernières saisons, passant de 11% à 35% des résultats d’exploitation ?
Une des explications les plus crédibles portent sur d’importants abandons de créances de la part d’investisseurs, qui après avoir contribué à la recapitalisation et pourvu aux besoins de trésorerie laissent à la disposition des Clubs les créances ainsi créées.
8- PARTIES PRENANTES EXTERNES AU CLUB
8.1- Les fournisseurs et les prestataires de services
Fournisseurs, équipementiers, agences de sécurité, prestataires de services (médias, marketing et numériques) des Clubs de Rugby supportent à leurs risques, l’arrêt des compétitions et les difficultés du secteur. Par manque de prévisibilité et d’anticipation, des PME aux TPE pour la plupart, risquent de disparaître du paysage sportif et de mettre de nombreux emplois en péril – voire perdus dans un écosystème en danger.
L’arrêt définitif de la saison assombrit l’avenir de ces fournisseurs, dont la survie est souvent liée à celle des Clubs. Ceux-ci sont les moteurs de l’économie régionale. Plus de 5 000 emplois directs ou indirects sont concernés par les activités dans le secteur du Rugby professionnel.
Mais au-delà des conséquences sur cet écosystème, je tiens à rappeler que ce secteur d’activité sportif fait aussi et principalement appel à de nombreux vacataires, bénévoles, auto-entrepreneurs et micro-sociétés pour des rémunérations qui sont, soit des compléments de revenus réguliers pour les acteurs concernés, soit du chiffre d’affaires en moins. Cela débouche sur une perte importante des rémunérations mensuelles des salariés pouvant aller jusqu’à la suppression des emplois.
La situation économique des Clubs que nous avons vue jusque-là, augure de décisions opérationnelles à prendre : de l’abandon de projets, en passant par des réductions budgétaires afin de limiter les dépenses et les engagements. S’y agrège aussi le flou relatif au monde amateur qui est un gros pourvoyeur de projets d’installations sportives, engagés par les collectivités territoriales avec les prestations de services associés.
Lorsque l’on prend en compte les répercussions sur la totalité de la chaîne de production liée aux activités sportives, se profile derrière la crise économique, une crise sociale qui impactera en priorité les salariés précaires, les auto-entrepreneurs à activité aléatoire, les TPE et les PME dépendantes du secteur.
Indépendamment des contrecoups dues à la pandémie, je tiens à préciser certains aspects qui représentent des comportements irrationnels, pour ne pas dire de prédation de la part des Clubs, fragilisant tout l’écosystème des fournisseurs et des prestataires de services dans ce secteur d’activité.
Par des pratiques datant du siècle passé, l’analyse du montant des dettes auprès de l’ensemble des fournisseurs me laisse interdit. Le montant de la totalité des dettes est à hauteur de 94 790 K€ : ce qui représente en moyenne près de 4 mois de crédit auprès des fournisseurs et des organismes sociaux.
À partir de cette observation, je peux en déduire que les Clubs se « font » de la trésorerie sur le « dos » des fournisseurs, des prestataires et des organismes sociaux, rendant à nouveau friables ces secteurs d’activités.
8.2- Les institutions locales et régionales
Les collectivités locales et régionales aident les Clubs en investissant dans des équipements sportifs, en achetant des prestations de services et en subventionnant une partie de la formation, cruciale, pour l’ensemble des Clubs.
Pour l’ensemble du TOP 14, le montant total des subventions atteint 7 747 K€, soit le même montant que pour la saison 2015/2016 et représente près de 500 K€ par Club du TOP 14.
8.3- Les citoyens locaux et régionaux
Que retirent finalement les citoyens locaux et régionaux de cette chaîne de valeur intégrée ?
Sans surprise, lors des grands évènements sportifs, les tarifs de la plupart des hôtelleries, restaurations, transports, services de prestations, tous s’envolent au rythme des annonces. La loi de l’offre et de la demande est impitoyable, surtout pour les consommateurs, mais généreuse pour d’autres.
Scrutons ces tarifs finement.
Dans l’univers du stade, bière, sandwiches et autres denrées à des tarifs prohibitifs au vue de la qualité des produits.
5 euros pour un hamburger. 4 euros pour un hotdog, pour un sandwich au jambon ou un sandwich au poulet. Le sandwich provençal sera à 5 euros. La barquette de frites est à 2 euros.
Pour les « menus », une bière Heineken de 50 cl, des mini-saucissons et des chips sont vendus à 8 euros. Le menu hotdog avec frites et une boisson est pour sa part à 10 euros.
Pour les boissons, la bière sans alcool est à 4 euros, la Heineken à 5 euros. Les sodas comme le Coca-cola sont à 3 euros.
En TOP 14, c’est 20 euros en moyenne de dépenser par supporter. Le coût moyen du panier du supporter, pour une place la moins chère, pour un adulte (un sandwich jambon-beurre et un soda) est compris entre 18 € et 30 €.
À cette somme, il faudra ajouter le coût du déplacement au stade, les transports en commun et le parking.
Pour arriver au stade, il faudra débourser en plus les coûts des parkings, forfaits transport, compris entre 3 € et 15 €.
Pour l’achat d’un éventuel maillot, il faudra ajouter entre 70 € et 90 €.
Voir comment, un match devient un produit de luxe !
Nous savons que ce ne sont pas les seules dépenses. Or, nous avons vu que les droits audiovisuels, en augmentation régulière, vont léser en premier les téléspectateurs. Les chaînes, pour assurer leur rentabilité, accroîtront leur tarif d’abonnement. De fait, le citoyen deviendra la « vache à lait » des diffuseurs. L’explosion des droits génère des effets pervers pour les chaînes et pour les consommateurs, mouvements qui modifient le modèle économique. En effet, l’inflation du montant des dépenses audiovisuelles engagées astreint les canaux de diffusion payants à revoir à la hausse leurs tarifs pour tenter de rentabiliser leurs investissements. L’arrivée de nouveaux acteurs a contraint les téléspectateurs à multiplier les abonnements, grevant le budget des familles.
Dans le domaine d’une bulle spéculative des droits sportifs, le consommateur payeur, devient l’idiot de la chaîne de valeur intégrée, poussant celui-ci vers des alternatives légales ou illégales de manière à de contourner cette injonction médiatique.
9- SYNTHÈSE
Au terme de mon diagnostic de la chaîne de valeur intégrée au sport, appliqué au Rugby professionnel français, je propose une approche synthétique de ma démarche d’analyse.
En partant des hypothèses émises qui sont les suivantes, je rappelle :
La forme de gouvernance partenariale déployée entre les différentes institutions fait référence à des rapports de force et à des influences croisées. Poussés par la prédominance des enjeux individuels et particuliers, des flux financiers illégaux de l’industrie du sport prolifèrent, liés au dopage, aux paris sportifs opaques et à des conflits d’intérêts en faveur d’une des parties prenantes.
Ce qui se passe à l’intérieur des Clubs me semble plus important que les modifications de son environnement. On relativise ainsi l’importance des jeux concurrentiels pour faire prévaloir ses propres enjeux. Les progrès technologiques favorisent la fragmentation des processus de production des spectacles sportifs. La difficulté des contraintes de coût accroît le recours à des salariés internes et externes peu qualifiés et faiblement rémunérés.
Le développement des technologies a approfondi le fossé entre la valeur ajoutée pour les tâches de recherche, d’innovation, de conception, de préproduction (comme le marketing, la commercialisation et la médiatisation) et de post-production (comme les analyses statistiques, la gestion des data, les retours d’expériences des supporters et des sponsors) d’un côté ; et celles de la réalisation d’un spectacle sportif de l’autre. La valeur ajoutée se localise dans les tâches situées en amont et en aval de la production.
Les plates-formes numériques des Clubs pilotent les chaînes de valeur, apporte une autre illustration de la répartition de la valeur créée.
La production du spectacle sportif est assurée par différents employés qui travaillent dans le Club ou autour de celui-ci. La production devient un acte banal, peu qualifié, peu rémunéré, qui consiste à mettre en œuvre les injonctions des managers.
Le produit spectacle est rendu attractif par les équipes de développement, les animateurs des réseaux sociaux, les Stadium Managers, les Sponsoring Managers, les Digital Marketing Managers, les Community Managers, les responsables du Trade Marketing, les agents de joueur, les Data Analysts, les professionnels des médias, de la communication et de logiciels associés.
Autrement dit, les Clubs créent et capturent de la valeur en assurant la coordination de l’ensemble des acteurs situés en « pré » ou « post » production, comme les développeurs d’applications, les fournisseurs de technologies numériques, mais également les supporters et les fans répartis dans l’environnement Rugbystique. Dans la mesure où la valeur des services proposés augmente avec le nombre de ses fans et supporters, la création collective de valeur crée des effets de maillage. Les supporters et les fans deviennent des acteurs de la production. Ils sont incorporés dans les Clubs, en créant des effets de réputation fondée sur la qualité des prestations de services. L’extension des réseaux sociaux est un facteur notable de croissance. Le rythme de croissance d’un environnement numérique est la source déterminante de sa valeur. (Loi empirique de Metcalfe : « L’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs. »).
En diffusant rapidement de nouvelles perspectives et offres de prestations à travers l’organisation des Clubs, y compris hors des frontières, les plateformes digitales des Clubs redoublent leur pouvoir sur leur environnement, sur la croissance de leurs réseaux par rapport aux autres Clubs et aux autres activités sportives. Elles s’approprient ainsi la valeur ainsi créée, activant une dynamique du type « winner-takes-all » et atteignent des positions de référence.
La numérisation confère aux actifs immatériels un rôle prépondérant dans la répartition des revenus au sein des chaînes de valeur dans les Clubs de Rugby. Ces actifs englobent la recherche et le développement, la conception, les innovations numériques, les logiciels, les études de marché, les bases de données, les brevets et les applications qui imprègnent l’ensemble de la réalisation des spectacles sportifs.
En cherchant à identifier les gagnants et les perdants, j’observe qu’un premier clivage se forme entre les Clubs. Sont gagnants ceux qui ont un passé sportif au plus haut niveau, acquis des installations les plus modernes, disposent des plus gros budgets, avec une vision plus globale et sont leaders sur les applications numériques. Tandis que sont désignés comme perdants les Clubs au passé plus modeste, plus récent, disposant de petit ou budget moyen, insérés plus localement ou régionalement et incapables d’accéder aux actifs numériques les plus innovants. Face à l’incapacité de déposer des brevets ou de pouvoir acheter les solutions les plus performantes, ces Clubs-là s’exposent à leur lent déclin, face à la privatisation des actifs immatériels par d’autres clubs plus puissants et hégémoniques.
Autour des individus détenteurs d’actifs – comme les joueurs professionnels et les membres des staffs techniques (hautement rémunérés et mobiles, ayant accumulé des expériences sportives de haut niveau et disposant de pouvoir de négociation démesuré), on rencontre des salariés peu ou faiblement qualifiés, peu rémunérés, peu formés, peu mobiles et sans pouvoir de négociation.
Les outils numériques ont accru l’offre de travail, abaissé les barrières à l’entrée sur le marché de l’emploi pour des groupes (qui en étaient auparavant exclus) pour des tâches à faible contenu et avec peu de possibilités d’apprentissage.
Une opposition se dessine donc entre la base productrice, constituée de la réalisation de spectacles sportifs soutenus par du capital pratique (associé à du travail faiblement qualifié) et les décideurs de l’incorporel, centrés sur les applications, les prestations innovantes de services, la transformation des enjeux économiques et des qualifications professionnelles.
En se plaçant en chômage partiel, les Clubs seront exonérés de cotisations sociales patronales. Un bol d’air pour leurs finances.
Privés de recettes depuis la suspension du championnat de France, les Clubs de Rugby cherchent des solutions pour limiter la casse. Plusieurs ont déjà fait usage du dispositif mis en place par le gouvernement qui élargit le principe du chômage partiel à tous les secteurs d’activité agrémentés d’une allocation plus généreuse.
Concrètement, les Clubs cesseront de payer les salaires de leurs employés – dont les joueurs – et leurs verseront à la place une indemnisation chômage à hauteur de 70% de leur rémunération brute, soit environ à 84% du salaire net horaire. Cette indemnité ne peut pas être inférieure à 8,03 € par heure chômée. L’indemnité est versée par l’employeur à la date habituelle de versement du salaire et partiellement remboursée par l’État, dans la limite de 4.850 € par salarié ou 4,5 fois le SMIC.
Les indemnités d’activité partielle versées par l’employeur à ses salariés ne sont assujetties ni au versement forfaitaire sur les salaires, ni aux cotisations salariales et patronales de Sécurité sociale. Elles devraient permettre de réaliser des économies significatives à plusieurs Clubs du TOP 14 pendant l’arrêt du championnat.
En autorisant les Clubs à l’accès à ce chômage et au maintien du salaire de l’ensemble des salariés, les employeurs vont récupérer, en moyenne, entre 15 et 25% de la masse salariale.
On peut déduire que le modèle économique du Rugby fonctionne selon des pratiques des multinationales, une partie des salaires et des déficits des Clubs à la charge de la collectivité et des citoyens, et les bénéfices, capturés par les bénéficiaires de la chaîne de valeur intégrée, sont exonérés d’impôts par les largesses des institutions et par leurs agissements délictueux. Utiliser de l’argent public pour financer une partie des salaires des joueurs de Rugby, en sachant qu’il y en a tant de besoin dans beaucoup d’autres domaines plus importants (notamment l’éducation, et la santé au premier plan) semble pour le moins incongru à tout individu sain d’esprit.
Tout cela est sans compter l’impact sur le futur immédiat, lorsque le chômage partiel ne sera plus possible.
Mon analyse a surtout recherché à faire ressortir le choix d’un modèle économique basé sur des enjeux financiers à caractère spéculatif, puis inflationniste. Il est la source de facteurs accumulés de risques absolus, systémiques et socio-politiques.
Dans l’optique de consolider mon raisonnement, j’ai d’abord utilisé quelques ratios issus des Rapports de la DNACG sur les comptes des Clubs 2018/2019. Puis j’ai réalisé quelques ajustements pour en déterminer une mesure du risque selon le modèle d’exploitation.
Le premier ratio retenu : la couverture des salaires ou la mesure de la productivité des salariés
Ce ratio nous donne à voir quelle part du Total des produits est distribuée à l’ensemble des salariés.
Soit : Masse salariale chargée/ Total des produits récurrents.
À partir de ce ratio, je propose de déterminer un seuil maximum de la masse salariale totale par rapport au total des produits, soit 45%. Ce seuil me semble raisonnable afin d’assurer la pérennité des Clubs du TOP 14 et devrait être considéré comme une contrainte à ne pas dépasser.
Sur la période de 2015/2016 à 2018/2019, l’ensemble des Clubs du TOP 14 a une masse salariale qui varie entre 66% et 79% du total des produits, bien au-delà des 45% préconisé.
Pour être plus significatif, je propose de comparer la part des salaires au Total de la Valeur ajoutée produite par l’ensemble des Clubs.
Soit : Masse salariale chargée/ Total de la valeur ajoutée.
Selon ces deux ratios les plus critiques pour les Clubs, je constate que l’ensemble des salaires chargés représentent près de 70% du total des recettes, et de manière plus expressive, pèsent 107 % du total de la valeur ajoutée produite.
Ces deux ratios nous permettent de comprendre la totale dépendance des Clubs à la masse salariale à reverser.
On peut aussi observer que la part des salaires pour l’ensemble du pôle sportif représente 91% du total des salaires et capture 97% de la valeur ajoutée produite. Cela nous laisse imaginer la redistribution de ceux-ci auprès des salariés du pôle administratif et de facto nous explique la faible importance et la non moins faible reconnaissance des dirigeants accordée à ces personnels-là.
Le deuxième ratio retenu nous permet de porter un éclairage singulier sur le fonctionnement des Clubs face à leur manque de trésorerie : le ratio de la couverture des salaires est particulièrement édifiant à cet effet.
Soit : Masse salariale chargée/Trésorerie disponible.
Comme on peut le constater, la trésorerie d’exploitation disponible représente 0,29 mois, soit un peu plus d’1 semaine de la masse salariale mensuelle, y compris les charges. Ce ratio monte à 1,21 mois de trésorerie active, donc en incluant les concours bancaires à court terme.
J’ai démontré plus avant que les Clubs pratiquent une forme de crédit court terme, non négocié, mais plutôt imposé auprès de l’ensemble de leurs fournisseurs, des prestataires de services et des organismes sociaux.
Il est à noter une très forte baisse de ce ratio entre les saisons 2018 et 2019 qui passe de 3,5 mois à 1,21 Mois, soit une perte de trésorerie active de – 43 087 K€, avec pour principale origine, une perte de – 32 667 K€ de trésorerie d’exploitation.
La fragilité d’exploitation est évidente : elle met en relief la dépendance auprès des tiers.
Là aussi, je propose un indicateur-seuil à atteindre afin de garantir la sécurité des paiements des salaires et des charges, tout en assurant des règlements auprès des tiers dans des délais raisonnables. Ce seuil-là me semble devoir être à hauteur de 6 mois de couverture des salaires et charges par la trésorerie. Pour l’ensemble des Clubs du TOP 14, il manque de 4,8 mois de trésorerie, soit l’équivalent de 100 000 K€.
Un troisième ratio explique la situation financière à grand risque de l’ensemble des Clubs : la couverture de la totalité des dettes à court et long terme, y compris les comptes courants d’associés que ne sont que des dettes contractées auprès des actionnaires, comparées aux totaux des fonds propres.
Soit : Couverture du total des dettes LT+CT/ Total des capitaux propres
Ce résultat s’interprète comme l’ensemble des dettes qui représente plus de 3 fois les capitaux propres.
Un ratio objectif de 2 devrait être pris en considération afin de ne pas mettre les Clubs dans une situation de forte dépendance.
Une autre information relative à la dépendance des Clubs vis-à-vis de leurs actionnaires et de leurs investisseurs peut être mise en avant. Le rapport entre le total des dettes à long terme et les capitaux permanents sert normalement à financer l’ensemble des opérations d’investissement – opérations aussi de long terme. Ce qui m’importe, est de connaître la façon dont sont constitués les capitaux permanents.
On constate une dépendance relative aux prêteurs et aux investisseurs qui apportent 42% des capitaux permanents destinés aux financements. Il est nécessaire de mettre en regard de ce chiffre, le montant des recapitalisations qui permettent de faire baisser ce taux-là, par des opérations rendues obligatoires pour assurer la survie des Clubs.
Je ne ferai aucun commentaire sur les différents ratios de rentabilité puisque, avec des résultats négatifs, toute ambition de mesurer une quelconque performance économique est inutile.
Cependant, il existe un calcul de ratio instructif quant à sa pertinence et sa capacité à mesurer les dimensions de risques d’une organisation. Pour cela, on fait appel à un indicateur, le seul indicateur en « mode management » précurseur de risque, autrement dit ce qui nous permet d’apprécier la sensibilité ou l’élasticité de nos résultats économiques à la variabilité de notre activité.
Il s’agit du : Levier d’exploitation, issu du calcul du Compte de résultat différentiel.
Pour sa détermination précise, j’ai eu besoin de définir quelques hypothèses d’analyse des comptes présentés par la DNACG. Pour cela, il faut identifier les charges variables des charges fixes, en établir la répartition, qui nous amènera au calcul de la Marge sur Coûts variables et nous conduira au levier d’exploitation.
J’ai considéré que l’ensemble des salaires avait une part fixe de 75% et une part variable de 25%, ce qui est loin d’être le cas selon les données de la DNACG, mais j’ai incorporé l’application des règles du chômage partiel, financé par l‘Etat. Pour l’ensemble des charges, j’ai pris en compte 20% de charges variables, celles requise pour l’organisation des matches et 80% de charges fixes.
Je précise que, même si mes hypothèses de répartition charges fixes contre charges variables sont inexactes, cela ne produirait que peu d’effet sur mes résultats obtenus.
Cela m’amène donc à déterminer le seuil de rentabilité. Comme on peut le constater, le seuil de rentabilité des Clubs du TOP 14 atteint 408 566 K€, soit 116% d’activité qui représentent 418 Jours, soit près de 14 mois requis. Pour le moment, une année est faite de 12 mois : peut-être faudra-t-il passer à 14, pour la seule activité Rugby !
On peut aussi apprécier la dégradation régulière de ce seuil de rentabilité qui atteint 127% par rapport à la saison 2015/2016.
On constate une marge de sécurité négative bien entendu à hauteur de – 16% avec une insuffisance d’activité de – 56 893 K€.
Enfin un Levier d’exploitation de – 6 qui nous indique un niveau de risque si l’on perdure selon ce modèle économique. D’ailleurs, dans cette situation, la perte de 1% de tous nos produits, amputerait l’ensemble des résultats des Clubs de 6 % de résultat !
Si nous estimons que pour la saison 2019/2020, la dégradation d’activité sera de l’ordre comprise entre 20% (Hypothèse 2) et 25% (Hypothèse 1), nous pouvons considérer une perte d’exploitation globale pour l’ensemble des Clubs du TOP 14 comprise entre – 53 241 K€ et 66 551 K€.
Au terme de ma synthèse, je propose sous forme de schéma, un processus d’analyse des risques que j’ai utilisé pour démontrer que mes hypothèses de départ correspondaient bien un état des lieux du Rugby professionnel. Ce faisant, je montre que celui-ci porte en lui tous les fondements d’un modèle à très hauts risques, loin de toute réalité économique responsable, sociétale et durable.
J’ai aussi conçu pour cet exercice un modèle de scénario d’apparition des risques inhérents au secteur du Rugby professionnel qui met en évidence l’ensemble des facteurs de risques, depuis leurs origines jusqu’aux conséquences touchant l’ensemble des parties prenantes.
10- CONCLUSION
Pour offrir aux différents clients, spectateurs, supporters, sponsors et diffuseurs une expérience évènementielle homogène et convaincante, la chaîne de valeur intégrée des Clubs doit fonctionner comme une seule et même entité. L’intégration de toutes les parties prenantes dans les processus des divers métiers jouera un rôle essentiel dans la maximisation de revenus et se retrouve au cœur de la chaîne de valeur intégrée.
La situation d’incertitude consubstantielle au résultat sportif, constitue le fondement du secteur sportif, sa réalité, ses aléas, son imprévisibilité, son indétermination et son mystère. Mais il compose aussi la ferveur, la passion, les émotions qui exaltent l’intérêt du sport spectacle.
Aujourd’hui, bien que corrélés avec les budgets et le potentiel économique régional, les résultats économiques, sportifs et le classement du championnat doivent intégrer de multiples dimensions, auxquelles toutes les parties prenantes doivent contribuer. Si le plaisir d’un supporter dépend de la qualité technique d’un match et du suspense quant au résultat, il est de notre capacité à explorer d’autres horizons afin de restaurer un spectacle sportif plus ambitieux, plus large et plus attractif.
S’il est essentiel de recréer des situations d’incertitude tout au long de compétitions attirantes pour les spectateurs et téléspectateurs, il est aussi de notre responsabilité de limiter les risques substantiellement liés aux aléas sportifs – et à leurs conséquences. L’obligation ces Clubs doit être d’intégrer les imprévus, les aléas sportifs et les incertitudes dans leurs modèles économiques, et en même temps, de ne pas participer à l’inflation des investissements et sur la spéculation salariale des joueurs. Cette dernière participe à l’ajout de risques, aux risques sportifs déjà identifiés. Il ne s’agit pas d’imiter les concurrents sportifs, mais de concevoir des scénarios, des alternatives et d’en évaluer les enjeux à long terme.
Ainsi l’état du Rugby professionnel renvoie au système économique capitaliste qui s’est affirmé depuis quelques deux siècles. C’est la façon dont a été favorisé le développement du système de production de spectacle sportif qui a autorisé des comportements de prédation au nom du profit, niant au passage toutes les parties prenantes qui sont la cause de cette dégradation. Et c’est cela s’apparente à la notion de « capitalocène », proposé par Andreas Malm, professeur d’écologie humaine à l’université de Lund (Suède), et auteur de « L’anthropocène contre l’histoire : le réchauffement climatique à l’ère du capital » (*2), qui vient compléter et préciser la notion d’anthropocène.
Dans les circonstances actuelles, l’examen de la transition économique et sociale s’impose avec une urgence plus grande encore. Désormais, nous sommes invités à un risque de collision entre les engagements de court terme et les orientations à long terme. Des choix urgents, de « court terme », devront être mis en œuvre pour lutter contre l’effondrement de l’économie du sport Rugby professionnel. Pourtant relancer le même modèle économique aux conditions identiques est plus que jamais un non-sens. Bien plus que « relancer » l’économie Rugbystique, il faut la transformer et la reconstruire. Ou pour le dire plus justement : les réorientations qui seront engagées constitueront les conditions de la transformation et de la reconstruction. Cela implique une conversion radicale, une sorte de désapprentissage des décisions politiques et économiques pour imaginer toutes les alternatives possibles.
Dans l’immédiat, le redémarrage de la production du spectacle Rugby nous assigne à la survie de tous les acteurs de la chaîne de valeur, à la protection des salariés, des travailleurs individuels, des indépendants, des auto-entrepreneurs, des micro-entreprises, des TPE et des PME. Ils ont tous de fortes dépendances coagulées à l’activité Rugby. Ils sont tous en situation de précarité, notamment tous ceux qui ne bénéficient pas d’une protection ou de protections très faibles. La recherche de l’unanimité sur l’ensemble de ces dimensions sociales instaurera les conditions du changement du modèle économique et des projets sportifs.
Pour ma part, les changements politiques des Clubs n’ont de sens que s’ils incluent déjà des perspectives de long terme et engagent les réorientations indispensables à l’écosystème du Rugby. Selon moi, il nous faut commencer à repenser les politiques et les orientations économiques des institutions et des Clubs, les organiser et les partager différemment, autour de pôles d’activités essentiels pour tous les acteurs de la chaîne de la valeur, comme : se divertir, participer à des spectacles sportifs, rechercher du sens à nos loisirs, se déplacer sobrement, se nourrir sainement, préserver l’environnement et le climat, rencontrer les acteurs sportifs, partager leurs passions, faire partie d’un groupe social référent, promouvoir une identité singulière, être acteur des projets et consommer en citoyen responsable.
Pourquoi penser en pôles d’activités ? D’abord parce la notion de secteurs économiques est le résultat de simples conventions, oubliant l’essentiel. C’est-à-dire ce qu’il nous faut préserver, développer, transformer, participer. Ces regroupements autour de grands pôles permet de repenser les prestations de services, de redéfinir leurs limites, de définir et d’inclure l’ensemble des activités à proposer au marché, toutes ces activités répondant aux attentes des citoyens.
En pensant en termes de grands pôles d’activités essentiels, on redonne du sens à l’action politique, sportive et sociale comme à l’activité économique en général. Aspect fondamental : il faut en finir avec l’idée que toute activité économique, quelle qu’elle soit, « crée seulement de la valeur financière » (*3). Il faut en revenir au substrat principal, à ce qui doit être au centre nucléaire des politiques sportives des instances et des Clubs, à l’intérieur des pôles : c’est la recherche du bien commun, du bien à partager.
Penser par grands pôles d’animations où se retrouvent des activités qui relèvent de toutes les parties prenantes publiques ou privées, d’entités propres et singulières (comme les coopératives, les associations et les entreprises à but non lucratif), permet aussi de promouvoir et de gérer la transition économique, sociale et environnementale dans de nouvelles conditions améliorées. S’engager dans cette transition implique qu’une partie des activités jugées socialement et écologiquement bénéfiques vont augmenter, tandis que d’autres seront appelées à diminuer. En les associant dans des mêmes pôles, on se donne des marges de manœuvre par des effets de compensation.
Dans le même temps, pour élaborer des choix politiques et économiques, on ne peut plus s’en tenir aux anciennes bases et aux compromis qui fondaient la création de richesse des organisations par la mesure de la seule production financière et de la valeur ajoutée.
Après cette période d’instabilité et de fortes turbulences, ces notions purement économiques ont perdu leur efficience, eu égard aux fourvoiements dans lesquels leur adoption infiltre les instances et l’ensemble des Clubs. Prenez les salaires des sportifs : dans la comptabilité des Clubs, ils dérivent beaucoup plus vite que la valeur ajoutée produite et capturent la totalité de celle-ci. Les droits audiovisuels inflationnistes, poussés par la concurrence, destructeurs ou appauvrissant les diffuseurs, densifie la valeur ajoutée. Nous voyons bien que nous ne pouvons plus seulement raisonner à partir de ces notions-là comme objectifs. Cette manière de penser nous conduit à l’anéantissement, pire encore, elle peut être mortifère pour la plupart des Clubs. Il nous faut inventer d’autres manières de concevoir et de mesurer en internalisant les externalités, en intégrant toutes les activités dégagées par les parties prenantes intégrées, positives comme négatives, oubliées par les méthodes existantes.
Quand les Clubs utilisent plusieurs dizaines de tarifs pour fixer le paiement des places de spectateurs, au lieu de faire en sorte que chacun paye le maximum de ce qu’il peut payer, sommes-nous encore dans un projet responsable, sociétal et durable ?
Avec l’évolution que connaissent tous les contributeurs aux recettes des Clubs, tout a été fait pour nous éloigner de la perception du bien commun. Précisément : l’association du bien commun et des prestations de services proposées se sont largement dissoutes.
- Remettre une gouvernance citoyenne au sein des institutions et des Clubs.
- Repenser leurs projets sportifs et économiques, pour renflammer leur vocation à être au service de tous, au service de tous les acteurs de la chaîne de valeur intégrée, des plus importants aux plus démunis.
- Redonner une voix aux citoyens, afin qu’ils soient associés à la gestion et à la conduite des ambitions des organisations du sport.
Le vrai public, les supporters, les fans, les citoyens n’auraient jamais autorisé les dérives liées aux pratiques salariales, aux investissements surdimensionnés, négligeant tous les risques inhérents à ces choix décisionnels pris par les Clubs. S’ils ont voix en assemblée, le large et vrai public – les citoyens -, ne laisseront plus jamais produire ces détournements. On ne peut plus longtemps laisser les citoyens en dehors de la conduite des organisations du sport qui sont aussi nos biens communs. Les citoyens doivent retrouver toute leur place dans ces modalités de gouvernance, et en symbiose avec tous les acteurs qui produisent et délivrent les spectacles sportifs. Ils sauront peser et infléchir les choix décisionnels, tant sur les projets sportifs, que économiques et sociaux et faire en sorte que l’accès à ces évènements soit universel, aussi bien pour les plus précaires d’entre eux – universalité au cœur de toute politique des biens communs.
Je pense beaucoup à des formules ouvertes telles que les assemblées citoyennes, les organisations associatives, les regroupements de supporters et de fans, les collectifs sportifs, à toutes ces formes bienveillantes de gouvernance accessibles à tous, dans lesquelles les citoyens peuvent participer aux délibérations, se réapproprier le pouvoir et la décision. À nous de soutenir toutes les formes nouvelles, émergentes, de cette nouvelle citoyenneté, et de favoriser leur extension et développement.
Et puisque, en tant que citoyens, nous sommes les principaux acheteurs des produits et des prestations de services proposées, nous ne sommes pas dépourvus de moyens pour limiter l’influence des grands prédateurs nationaux et internationaux sur leurs marchés, en réduisant ou en cessant d’accompagner leur comportement destructeur.
Malheureusement, je redoute que l’on oublie vite les leçons de cette pandémie ; et que comme sur le climat, on fasse bientôt bien plus de « pandémie-washing », que de mise en pratique de mesures effectives et efficaces, adossées à des projets responsables, sociétaux et durables. Cependant, mon espoir provient du fait, qu’il est clair que ce cycle financier libéral est clos. Il s’achève sur une triple catastrophe : sportive, économique et sociale. Jamais les inégalités de répartition de la valeur créée n’ont été poussées à un niveau si insupportable.
Les difficultés ne résident pas tant dans le rejet du modèle actuel que dans le fait de rendre crédibles les alternatives possibles. Rendre crédible ce que l’on peut faire autrement, que d’autres options existent, est à portée de main. Alors beaucoup de doutes seront levés et les conversions deviendront possibles. Nous devons les formuler, les penser et les proposer pour imaginer une utopie concrète que nous pourrons voir se matérialiser. C’est dans cet esprit que j’ai décidé de mener cette déconstruction de la chaîne de valeur du Rugby professionnel à laquelle j’ai consacré un engagement personnel singulier. Après ces années 2000-2020, après cette pandémie, il est temps d’imaginer et d’inscrire une perspective crédible, pour montrer au plus grand nombre des supporters, des fans, des spectateurs et des citoyens que l’on peut, que l’on doit, redéfinir et réécrire nos rôles dans la société. Je sais que cela prendra du temps.
Tout le travail sur la « société des communs » – les biens communs – se répand et devient force de transformation. Je suis, à chaque jour, plus convaincu, que les communs et le retour aux biens communs participeront à conjurer les malédictions. En nous attachant à la résolution des maux que nous connaissons, en donnant forme aux alternatives évoquées, en assurant leur extension et leur développement, le monde Rugbystique d’après est là, à portée de main. Il dépend de nous d’en accélérer la venue.
Cela nous amènera à transformer nos modes d’organisation, de structures pyramidales, selon lesquelles les décisions s’imposent, sous forme d’injonction, du haut vers le bas (top-down) des parties prenantes. Je propose d’inverser cette pyramide décisionnelle dans laquelle les orientations seraient partagées par l’ensemble des acteurs des Clubs, et appliquées selon une démarche du bas vers le haut (bottom-up). Les Clubs deviennent les moteurs de ce fonctionnement selon leur vision et leurs missions. Celles-ci sont déployées sur l’ensemble des activités identifiées, les institutions jouant le rôle de facilitateur, d’ambassadeur, de coordinateur et de ressource au service des projets singuliers de chaque Club.
Selon ce modèle économique, l’objectif est de concevoir une nouvelle organisation, dont la finalité, portée par une vision partagée par toutes les parties prenantes, concourra à la chaîne de valeur intégrée avec tous les acteurs, à la réduction de tous les risques identifiés. Cette construction est établie sur la confiance en l’avenir, pour tous les dirigeants, pour tous les salariés et pour toutes les parties prenantes, associées aux Clubs. Mais l’ensemble des Clubs doivent déconstruire leur propre modèle économique, afin d’en imaginer un autre, fondé sur des recettes et des ressources plus stables, plus récurrentes et plus larges, dont l’objectif sera de réduire le degré d’incertitude afin d’abaisser les risques inhérents aux activités sportives.
Mais pour compléter cette approche, j’ajoute qu’il faudra intégrer une autre dimension, celle de la valeur sociale créée. Pour cela, il faudra bien isoler les mécanismes créateurs de valeur économique des mécanismes créateurs de valeur sociale. Nous devons considérer que créer de la valeur sociale revient à ne pas capturer une valeur économique ou une utilité créée.
En d’autres termes, la création de services bénéfiques, reconnus comme valorisables et propices par un Club, consiste à faire des propositions de valeur aux sportifs, aux salariés, aux supporters, aux sponsors, aux diffuseurs et aux citoyens – in fine à toutes les parties prenantes, sans chercher à maximiser la capture de la valeur créée. C’est ce que nous devrons imaginer. Tout sera différent lorsqu’un Club acceptera de rémunérer équitablement l’ensemble des parties prenantes, mettra son pouvoir de négociation au service d’un projet responsable, sociétal et durable. Ou lorsqu’il interdira à une ou autre des parties prenantes de capturer la plus grande part de la valeur créée par l’activité sportive.
Reconnaissant l’existence d’un projet partagé, une telle démonstration permettra de ne pas opposer valeur sociale et valeur économique. Il ne s’agit pas d’opposer la création de valeur sociale et la recherche du profit, mais de considérer que la performance sociale est la condition de la performance sportive et économique. Nous devons démontrer que la création de valeur peut être appréhendée avec les approches de production, de capture et de partage de la richesse créée et que la performance économique et performance sociale est subsidiaire.
Le reflux actuel de la raison critique, ne signifie pas que la raison critique ait fait défaut, mais plutôt selon l’expression de Robert Castel que « la pratique critique » a fait défaut.
Un choix libre ne peut jamais être absolu, car « le fait de pouvoir élire librement des maîtres ne supprime ni les maîtres ni les esclaves » – dixit Herbert Marcuse dans « L’homme Unidimensionnel ».
Choisir librement parmi une grande variété de services sportifs, ce n’est pas être libre, si pour cela les femmes et les hommes sont soumis à un asservissement médiatisé, accablés par une vie faite de complexité et d’angoisse, aliénés par les « faux besoins ».
Si les individus renouvellent spontanément des besoins imposés sous forme d’abonnement ou autres, cela ne veut pas dire qu’ils sont autonomes ; cela prouve seulement que les injonctions accomplissent leurs finalités et témoignent de leurs efficacités.
Mais cela est une stratégie politico-économique d’aliénation et d’engrangement de profits immédiats. Cela ne justifie pas de détruire un sport centenaire, un jeu de villages, dont les valeurs sont à l’opposé des visées égoïstes.
Je veux inviter les passionnés de ce sport à penser de nouveau ce jeu de copains, qui, ni grands, ni gros, ni lourds, se sont fait des passes, se sont évités, se sont plaqués, se sont affrontés à la course, et ont finalement terminé par l’inévitable 3 -ème mi-temps.
Il est important de rappeler cette vérité de Marcuse : « Penser, c’est nier ».
Et je veux nier ici que le Rugby soit forcé de subir cette aliénation au pouvoir des instances purement économiques et médiatiques.
Sources
(*1) https://www.linkedin.com/in/guy-bulit-a03520140/ – https://www.linkedin.com/company/iasg-immersive-active-sports-games/ – https://www.linkedin.com/company/sport-management-pedagogie/
(*2) Andreas Malm, professeur d’écologie humaine à l’université de Lund (Suède), et auteur de « L’anthropocène contre l’histoire : le réchauffement climatique à l’ère du capital ». (Éd. La Fabrique, mars 2017).
(*3) Débats pour le renouvellement de la théorie critique, sous la direction d’Éric Martin et Maxime Ouellet « La tyrannie de la valeur ». (Ed. Collection Théorie – Librairie Decitre, 2014)
Table des matières
DÉCONSTRUCTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR FILIÈRE SPORT RUGBY
1- RÉFLEXIONS SUR L’ÉTAT DU RUGBY FRANÇAIS: NÉANT
1.1- Un état des lieux à faire
1.2- Une des causes principales : les statistiques médiatiques
1.4- Et quelles propositions ?
3.1- Performance sportive contre performance sociétale
3.2- Une gouvernance partenariale
3.3- Quatre Hypothèses de travail
4- ANALYSE DE LA CHAÎNE DE VALEUR DANS LE RUGBY PROFESSIONNE
4.3- Management organisationnel – Marketing – Exploitation
4.4- Les enjeux du partage de la valeur ajoutée
4.5- Quelle valeur créée, perçue ou détruite et pour qui ?
5- PROMOTEURS ET PRÉBANDIERS À LA FOIS
5.1- Les institutions nationales du Rugby – FFR – LNR et DNACG
5.2- Les institutions nationales du Rugby – FFR
6- LES CONTRIBUTEURS À LA CRÉATION DE VALEUR
6.4- Les produits dérives et le merchandising
6.5- Synthèse des produits d’exploitation
7- PARTIES PRENANTES INTERNES AU CLUB
7.3- Les salariés de l’administration
7.4- Les honoraires agents sportifs et médicaux
7.5- L’État et les organismes sociaux
7.6- Les actionnaires et les investisseurs
8- PARTIES PRENANTES EXTERNES AU CLUB
8.1- Les fournisseurs et les prestataires de services
8.2- Les institutions locales et régionales