SUPER LEAGUE : CE QUE L’ARGENT FAIT AU FOOT …
Un séisme a secoué le monde du Football sur l’échelle de Richter des Clubs les plus riches de la planète. En effet, il y a quelques jours 12 équipes ont annoncé une création d’une super Ligue Européenne privée et dissidente.
Lors de cet épisode illustrant une tentative avortée, on a voué aux gémonies tout à la fois la fin de l’esprit sportif, la fin du mérite, la fin de la solidarité, la victoire du lucre somptuaire, etc…
En qualité de Sportagogue [1], tentons d’y voir plus clair.
Financé par la banque américaine JP MORGAN avec un accord chiffré entre 4 et 6 milliards d’euros, cette Super Ligue (European Super League) serait animée par les 12 équipes suivantes des Clubs les plus riches d’Europe. Quelles sont alors ces équipes en lice et que représentent précisément leurs poids financiers ? Voici ce que l’on peut en dire d’après le journal italien La Gazzetta dello Sport :
- Real de Madrid (901 millions d’euros de dettes) Propriétaire : Florentino Pérez, PDG d’une entreprise de construction
- Manchester United (528.6 millions d’euros de dettes) Propriétaires : les frères Avram et Joel Glazer propriétaires aussi de franchises de la NFL.
- Juventus de Turin – coté en Bourse – (458.3 millions d’euros de dettes)
- AC Milan (151.8 millions d’euros de dettes)
- Arsenal (125.4 millions d’euros de dettes)
- Atlético Madrid (494.2 millions d’euros de dettes)
- Chelsea FC (1.510 millions d’euros de dettes) – Dette record – Propriétaire : Roman Abramovitch, homme d’affaires et oligarque russe
- FC Barcelone (1.173 milliards d’euros de dettes)
- Inter Milan (631.1 millions d’euros de dettes)
- Liverpool (272 millions d’euros de dettes)
- Manchester City (200 millions d’euros de dettes)
- Tottenham (1.280 milliard d’euros de dettes)
QUELLES ONT ÉTÉ LES REACTIONS À CHAUD ?
o L’Argent des sponsors et les droits de retransmissions aiguisent les convoitises.
o UEFA dénonce la concurrence déloyale, menace de sanctions. L’actuel Président de UEFA Aleksander Ceferin a déclaré : « Les joueurs qui évolueront dans les équipes susceptibles de jouer dans la Ligue fermée, seront interdits de participation à la coupe du Monde et aux Euros ».[2]
o La France et la Grande-Bretagne ont fait part de leur opposition à la tenue de cette nouvelle compétition qui menace le principes de solidarité du foot.
o Une controverse a surgi au moment où un mouvement prône le boycott de la Coupe du Monde au Qatar. Ce pays est accusé de ne pas respecter les droits humains.
Ces 12 Clubs sont très riches mais aussi très endettés : 6 milliards d’euros de perte pour les 12 concernés ; Ils sont menacés par des fonds vautours.
L’épidémie de Covid-19 a provoqué une baisse drastique des recettes publicitaires. Cela veut dire une baisse des revenus de diffusion estimée à 937 millions d’euros (-23%), additionnée à une baisse des recettes liées aux matchs (reportés, annulés ou joués/repris à huis-clos) de 257 millions d’euros (-17%)
Pour la saison 2021 en cours, il y a une absence abyssale de recettes (zéro billetterie) et un rabais de diffusion des 5 grandes Ligues et de l’UEFA
RAPPELONS LE RÉSUMÉ CHRONOLOGIQUE
Le dernier rapport Football Money League stipule que :
L’objectif premier de la création souhaitée de cette Super Ligue est de sauver les Clubs de la faillite.
Si cette Super Ligue avait été actée, nous aurions eu un schisme net dans un monde de Football divisé en :
1. Une petite portion congrue de Clubs très privés regroupant les plus grandes écuries européennes. Il était prévu que chaque Club fondateur reçoive jusqu’à 355 millions d’euros rien qu’en rejoignant la compétition.
2. Les autres clubs se partageant les miettes restantes
La distribution des recettes aurait suivi les parts suivantes, selon L’équipe 21 :
👉 32.5% des recettes pour les 12 équipes permanentes
👉 32.5% des recettes pour les 20 équipes participantes
👉 20% au mérite sportif (c’est-à-dire la performance liée aux résultats des rencontres)
👉 15% pour la notoriété des équipes : en clair, on évoque ici leur audience respective.
Tous les participants auraient gagné au moins 145 millions d’euros. Par conséquent, le dernier classé à cette Super Ligue imaginée aurait gagné plus que le vainqueur de la Champions League à qui l’on octroie 140 millions d’euros. [3]
Par conséquent, c’est bien l’avènement de la disparition de l’esprit sportif, de l’affirmation décomplexée du divertissement mercantile et de la marchandisation accélérée du Football qui est furtivement en marche.
Nous n’allons pas aborder ici l’épais dossier de la répartition des droits TV car nous aurons l’occasion prochainement d’examiner attentivement cela dans une prochaine publication.
En définitive, comment traduire cette capture de la solidarité, de l’égalité entre les hommes, de la justice sociale même, par le plus grand sport populaire de la planète ? Ce dossier de création de Super League est un serpent de mer, ourdi depuis 20 ans au bas mot.
Dans un monde footballistique post-Covid, voilà donc vers ce quoi tend le « monde d’après » en marche ! …
Guy Bulit
Sportagogie © – Alternative Pédagogique et Critique Sociale du Sport
SOURCES WEBOGRAPHIQUES :
[1] Néologisme conceptuel dont vous pouvez retrouver la définition sur le lien suivant : http://sportagogie.com/index.php/penser-en-sportagogue/
[2] https://www.arte.tv/fr/videos/097407-168-A/28-minutes/ – Présentation le 20 avril 2021 : Élisabeth Quin avec 3 invités : Paul Dietschy (Historien français, spécialisé dans le domaine du sport et particulièrement du football qui pense que « la disproportion de l’argent pervertit le milieu du foot. Cette super Ligue casse la dynamique d’ascension sociale des joueurs ». Virginie Phulpin (Éditorialiste sport chez Europe 1) qui écrit que « « les joueurs ne sont ni consultés ni informés. Ils sont une marchandise dans une bataille qui les dépasse. ». Et Pierre Rondeau (Professeur d’économie) qui estime que « Le football n’échappe pas aux logiques capitalistiques ».
[3] https://www.youtube.com/watch?v=JNbpavxMEok – Comment les milliardaires ont failli tuer le football – BLAST – Le 23 avril 2021
Diplômé des DESS de l’IAE Grenoble et de l’IAE Paris, d’un MBA en Management des Organisations et Entreprises du Sport de l’ESG Executive et d’un Executive Master en Sociologie de l’entreprise et conduite du changement de Sciences Po Paris, Guy Bulit est intervenant et formateur auprès d’Audencia Business School, MBA ESG, ESG Guadeloupe et ESG Sport, AMOS Business School, Sport Management School et ISC Business School.
Il est également le Président-Fondateur des sociétés Sport Management Pédagogie, Immersive & Active Sports Games et créateur du site Internet Sportagogie©
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