Chronique politique : 4 avril 2015

Un citoyen qui croit aux prophéties auto réalisatrices !

Source de l’article d’origine : Chronique politique – Mediapart.fr – Le blog de Guy Bulit

  1. Transparence et vertu de l’action politique

 J’ai rêvé d’une société ou la transparence politique serait élevée au rang de vertu, qui permettrait à tout citoyen, de connaitre et de porter un jugement critique sur les engagements et les dépenses des élus.

J’ai rêvé d’une société ou les élites politico-médiatiques arrêteraient de porter des jugements condescendant et des opinions arrogantes sur « les gens de peu » tenant du mépris et de l’avilissement.

J’ai rêvé d’une démocratie, gagnée par la confiance, accordée par l’ensemble des citoyens à ses représentants, créant ainsi une forme d’appartenance, emblématique d’un attachement à nos institutions politiques.

J’ai rêvé d’une République dans laquelle tous les ressortissants, confrontés aux études qui montrent leur intérêt de plus en plus élevé pour la « chose » politique, auraient retrouvé toute leur capacité d’implication critique, et contribueraient de manière positive aux débats publics.

J’ai rêvé d’un espace public dans lequel, ce que pense le citoyen correspond à ce qu’il voit faire par l’homme politique, avec des conséquences concrètes pour la constance dans l’action et des choix de société décidés à l’unisson de tous les bénéficiaires.

J’ai rêvé d’un système politique, aux antipodes de la démocratie actuelle, confrontée simultanément à une perte de bien fondé et un manque d’efficience, avec des implications sur le niveau local, régional, national et supranational, reposant sur l’efficacité et sur la légitimité, dans lequel un équilibre serait trouvé entre le temps des décisions et les acceptations attendues;

J’ai rêvé d’une société publique dans laquelle les informations et les débats proposés porteraient sur l’impartialité des renseignements transmis, qui subrogerait un dialogue désinvolte, témoignage d’un mépris social pour ceux que les dépenses somptuaires indignent.

J’ai rêvé de responsables politiques qui ne se cacheraient pas derrière de faux semblant pour analyser les causes d’une très forte abstention ou de votes vers des extrêmes, en suggérant un vote « obligatoire », oubliant les leçons de pays voisin et une introspection de leurs responsabilités.

J’ai rêvé d’une organisation politique, sociale et économique dans laquelle aucun « expert » ne sauraient se juger par lui-même, mais soumis à l’appréciation des électeurs et des citoyens au regard de leurs vertus et de leurs contributions dont l’ensemble de la population tirerait avantage.

J’ai rêvé d’un engagement politique, élevé au rang de vertu par son dévouement, moyen le plus efficace, le plus équitable, le plus transparent, avec pour objectif, l’affectation des charges et des prérogatives publiques afin de désigner tous ceux qui pèseront sur les orientations législatives.

J’ai rêvé d’une société politique dans laquelle la connivence et la soumission ne seront plus, exalter par les engagements pris par les nouveaux responsables du jeu démocratique et emporter par les espoirs de tous les citoyens en la croyance de nos institutions, converties à l’exemplarité.

J’ai rêvé d’un pouvoir représentatif qui, en lieu et place d’une aristocratie héréditaire, maitre d’œuvre de la confiscation de la démocratie par les élites, les médias et les hommes « supérieurs », apporterait la sérénité de notre vivre ensemble pour retrouver la confiance durablement perdue.

J’ai rêvé de la disparition de mots tels que Monsieur plus le Titre, Monsieur plus la Fonction, les mots assujettis ou usagers, afin de réconcilier les citoyens avec leurs représentants et ne plus porter « en symbole » comme un étendard le statut social et politique qui constitue la première apologie du mépris.

J’ai rêvé que tous les candidats et les élus prêteraient attention à toutes les femmes et hommes de leurs collectivités ou circonscriptions, non pas seulement quelques semaines avant les élections sur les marchés, lors de rassemblement ou de réunions selon leurs besoins mais, plutôt tout au long de leur mandature et qui dédieraient leur tout temps et leur engagement au gré des nécessités des populations.

J’ai rêvé que nos dirigeants politiques n’auraient plus comme seul objectif la prise du pouvoir et de s’y maintenir lorsque il est pris ; et que contrairement à ce qui est annoncé, dès que l’on parle de bien de la nation, de république, du souci du peuple, d’intérêt général, c’est fait pour exactement pour défendre l’inverse ; ce qui intéressent nos élites qui nous parle d’intérêt général, c’est leur intérêt personnel ! 

J’ai rêvé d’une politique qui aurait retrouvé le sens du concret, du réel ; de ne plus faire de la politique avec des idées, des concepts, des grands débats, mais la penser en résolution du factuel, de la vérité, de la dignité, du pouvoir d’achat, de l’éducation de ses enfants, de l’accès aux soins et de bénéficier de sa tranquillité.

J’ai rêvé une société dans laquelle, des femmes et des hommes choisis par la population, profondément motivés, missionnaires pour un projet collectif, des personnes qui auraient le sentiment profond de porter une ambition pour leur pays, d’afficher un destin, de communiquer une âme à leurs concitoyens et de donner des raisons profondes de se battre !

J’ai rêvé de décideurs politiques, sans suffisance pour ne point mépriser les personnes, qui leurs permettraient de passer d’une logique de l’obéissance à une logique de responsabilité.

J’ai rêvé d’une société dans laquelle les femmes et les hommes ne paieraient plus la mauvaise gestion, le trop de papiers inutiles, le trop de réunions absurdes, le trop de commissions farfelues, le trop d’incompétence et tout l’argent dilapidé par nos gouvernants!

J’ai rêvé d’un peuple qui pourrait avoir des élus qu’il respecte par isomorphie, qui finiraient par être des représentants politiques respectables, afin d’ériger la confiance en vertu cardinale.

J’ai rêvé d’une société où nous aurions moins de certitudes quand nous devons avoir de plus en plus de convictions, ou nous pourrions croire en un avenir plus prospère, ou pour faire face à l’incertitude, il ne faut surtout pas avoir de certitude que l’on va appliquer à l’incertitude, mais porter des vérités .

        2. Représentation et participation citoyenne

 J’ai rêvé d’une représentation politique, portée par un système de quotas, appliqué à toute la sociologie française et qui, comme un symbole, accorderait le droit à la délégation de responsabilités à des élus correspondant à leurs électeurs.

J’ai rêvé d’un système électoral ouvert à tous, non aristocratique qui permettrait la représentation de tous, d’égal à égal, bénéficiant d’un accès, à la hauteur de tout un chacun, à la parole et aux propositions, et non d’une reproduction des soi-disant « meilleurs » ou « supérieurs » aux citoyens.

J’ai rêvé de représentants politiques, élus ou désignés, issus de toutes les classes sociales et de toutes les origines, qui ne soient pas affidés à de grandes familles, associations, partis ou syndicats, qui ne s’échangeraient pas les postes, une pseudo-élite s’arrogeant tous les pouvoirs, qui ne laisse aux citoyens qu’un ambigu refus électoral, plus fictif que réel, adossés à un « jeu » truqué, par des choix offerts toujours prédéterminés. 

J’ai rêvé d’une démocratie ou les élites accepteraient que le peuple, dans sa multitude, tous les âges, tous les sexes, toutes les origines, toutes les vertus, toutes les misères, pourrait se choisir des représentants fidèles à leurs convictions, qui gouverneraient par délégation selon leur engagement, remis en cause ou révoqués pour non probité.

J’ai rêvé que les citoyens, forcés de s’abstenir pour tous les « rêves »non satisfaits, soient comptabilisés, pris en considération au même titre que les électeurs, certains votants par complaisance ou intérêt, afin d’en « peser » l’accablement.

J’ai rêvé d’une représentation nationale, qui sans considération aucune, s’évertuant à représenter le peuple de France, ne symboliserait plus ses propres intérêts, qui constituée de mandataires et non de « sénateurs », serait au nombre de 1 élu pour 200 000 habitants et 1 désigné pour le même nombre d’habitants.

J’ai rêvé d’institutions politiques ou aucun élus ne pourraient renouveler son mandat dans le temps, ou aucun élus ne s’autoriseraient à briguer plusieurs mandats électifs simultanément, mais s’accommoderaient d’une seule vocation, celle d’incarner son électorat et restituer la confiance apportée à ses représentants.

J’ai rêvé à une société ou les femmes et les hommes peu qualifiés n’entretiendraient plus d’angoisse à l’égard du monde extérieur, et qui éliminerait la fracture sociale actuelle entre ceux qui ont les « bonnes » formations et ceux qui se sont limités à des études secondaires.

J’ai rêvé d’un Parlement ou les « peu » qualifiés seraient représentés au même titre que toutes les autres classes sociales, opposé à une démocratie de « diplômés et de nantis», manifestant ainsi une forte aspiration à un engagement dans la vie des affaires publiques.

J’ai rêvé d’une communauté de citoyens ou la « désobéissance civile » serait brandie par le plus grand nombre, refusant d’apporter sa voix à un gouvernement qui ne respecterait pas des principes de justice et d’impartialité.

J’ai rêvé d’un système d’élection dans lequel le droit de vote serait redevenu une composante reconnue de la citoyenneté, par l’organisation d’une démocratie délibérative qui introduira des chemins vers l’émergence d’avis dument informé et la création d’opinions individuelles.

J’ai rêvé d’une représentation électorale qui serait le reflet objectif des classes sociales et ne pénaliserait pas les catégories affectés par la précarité et l’instabilité professionnelle, avec pour conséquences de fortes inégalités territoriales.

J’ai rêvé d’un système électoral qui n’aggrave pas les inégalités de représentation par des contraintes insupportables et inutiles(ou peut-être utiles !), des démarches d’inscriptions sur des listes, porteur d’isolement et d’ostracisme, engendrant des phénomènes de rejet.

J’ai rêvé de constitution de liste et de dépôts de candidature basés sur une représentativité sociale avérée, caractérisés par des femmes et des hommes au service de leurs électeurs, et non pas d’ « apparatchiks » de la politiques, de descendances claniques ou de transmissions héréditaires.

    3. Communication et médiatisation

 J’ai rêvé d’un journalisme télévisuel, écrit ou sur le Net, respectueux d’un pluralisme, non pas guidé par le poids des partis politiques, mais par la représentativité sociologique de la France, et qui ne serait pas le complaisant d’une propagande au service des élites, des « penseurs pour le peuple » et des puissants.

J’ai rêvé d’une démocratie qui, au-delà des discours des « donneurs de leçon médiatiques », lèverait, par une réconciliation avec les masses, une majorité pour croire en sa pratique universelle, partagée et encouragée.

J’ai rêvé de gouvernants qui, impuissants face à la désespérance, génératrice de désespoir et de colère, et qui, ajouté à leurs incapacités, ne s’accompagneraient pas d’une surexposition médiatique allant du trivial aux conflits futiles.

J’ai rêvé d’une structure sociale dans laquelle les responsables politiques, économiques, journalistiques n’ajouteraient pas à l’accentuation de « l’incidentalisme »qui autorise les journalistes à privilégier les incidents qui attirent les médias au détriment des réflexions de fond, déchainant une hystérie médiatique exagérée et artificielle qui n’est pas de nature à restaurer ni les vérités, ni la confiance.

J’ai rêvé d’une convention clairvoyante ou les élus et les dirigeants politiques prendraient en considération les analyses objectives des intellectuels et des chercheurs de tout bord, afin d’affermir leurs prises de décisions et non de servir de supplétifs aux vedettes des soi-disant « experts »présent dans les médias.

J’ai rêvé d’un système politique ou le dialogue serait permanent entre des responsables élus ou désignés et les citoyens, ou chacun prendrait le temps réfléchir, de s’informer, sans aucune « pression » médiatique, électorale ou « sondagiaire ».

J’ai rêvé d’un gouvernement qui n’administrera que le peu fondamental, se concentrera sur l’édification d’un langage commun et explicite au plus grand nombre afin de refonder une démocratie accessible à tous, créant les conditions de la solidarité sur les désaccords qui déchirent la société.

J’ai rêvé de schéma médiatique qui assurerait l’égalité d’accès à la parole publique et aux outils de communication, en particulier à certains groupes sociaux à qui l’on n’accorde aucune visibilité médiatique, qui n’ont aucune capacité de défendre leurs opinions et qui font l’objet de stigmatisation.

J’ai rêvé de citoyens à qui l’on attribuerait toute latitude pour prendre le temps de la réflexion et élaborer des propositions et des avis responsables, contrairement à la pratique des sondages d’opinion, méprisant le principe du délai de discernement et donnant corps à des préjugés.

J’ai rêvé d’une nation ou le consentement des citoyens ne serait plus accordé aux représentants de celle-ci à la vue des servitudes endurées, ou les citoyens ne se résigneraient plus face aux injonctions médiatiques et sauraient dire non à toutes les décisions contraires à l’intérêt général!

J’ai rêvé que nos élites politiques et médiatiques ne confondraient pas, par isomorphisme les pyramides hiérarchiques et sociales, le fait qu’étant « tout puissants », nous laisseraient à penser qu’ils nous sont socialement supérieurs, mais que hiérarchiquement différent, ils sont socialement à égalité de citoyenneté et ne pas méconnaitre que les fausses révérences engendrent les vraies hypocrisies.

J’ai rêvé un Etat dans lequel l’obligation d’enseignement ne serait plus affichée par les médias et les gouvernants, mais qui engagerait un budget pour l’éducation dont exigent les femmes et les hommes pour bénéficier des compétences requises par l’économie et la société, condition indispensable à la survie de la cité.

J’ai rêvé de citoyens qui voient dans le regard des responsables politiques quelque chose qui ressemble à un espoir, une vision, un projet, une passion, qui admettront que ce qui nous a fait gagner hier peut nous faire perdre demain, et qui prédiront moins pour plus se projeter.

J’ai rêvé que le nombre de personnes, qui regrettent le passé sera moins important que les citoyens qui ont l’appétit du futur sinon, nous reviendrons au passé ; les faillites ne sont pas un hasard, c’est un environnement dans lequel le peuple n’a plus d’espoir.

J’ai rêvé d’une nation de visionnaires dans laquelle on ne prédirait pas l’avenir, mais on aurait l’envie de faire avec les femmes et les hommes un Etat meilleur sur le plan économique, meilleur sur le plan social, meilleur sur le plan environnemental, et qui s’engageraient sur des décisions impopulaires et peu médiatiques pour servir l’intérêt général de demain.

J’ai rêvé de responsables politiques visionnaires dans les projets, passionnant dans l’exécution, positif dans la conduite, exemplaire dans la morale pour rendre des femmes et des hommes apparemment ordinaires, des citoyens extraordinaires.

J’ai rêvé d’un Etat où les hommes politiques ne feraient pas de la politique leur métier mais leur passion d’un temps, sans visée à long terme, à y mettre toute leur force et leur conviction, avant de s’en retourner à leur véritable profession, car la recherche de l’élection sans fin est la mort de l’intérêt général et la victoire du populisme.

     4. Conclusion

 J’ai rêvé, contrairement aux « Faits du Prince » que, pour parvenir au pouvoir, tout n’était pas possible, et que pour s’y maintenir, tout n’était pas acceptable. !

J’ai rêvé, comme Mirabeau, que lorsque nous voyons ou nos belles têtes ont mené le pays, il ne serait pas inutile d’essayer les mauvaises !

« Soyez donc réso­lus à ne plus servir et vous serez libres »

Le discours de la servitude volontaire(1549)

Etienne de la Boétie(1530-1563)