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Radicalisation de la critique sociale

Convergences des résistances vers les désobéissances sociales

Faire face à la guerre sociale

Le projet de ce livre, issu d’un ensemble d’expériences sociales et professionnelles, constitue une somme de réflexions accumulées depuis plus de quatre années et traduit la transformation intellectuelle d’un citoyen engagé. 

D’origine sociale issue d’une famille humble et modeste, accaparée par les difficultés économiques, je me retrouvais, devenu adulte,  rapidement à accepter un projet social qui devait me permettre d’assurer ma survie, dans un environnement que je pressentais parsemé d’aléas.  

L’analyse de mon parcours réflexif permet de retracer l’émergence d’une conception d’un courage des gouvernés, entre la désobéissance et le désengagement social. Un courage qui s’affirme comme une attitude, une reformulation de la relation que chacun entretient avec soi-même. Un courage qui serait pensé sur le mode d’une conquête de l’autonomie, un courage qui consisterait aussi au refus de l’emprise du pouvoir sur la conduite de nos existences. L’urgence de notre lucidité doit être de s’extirper de notre docilité.

C’est pourquoi j’ai souhaité écrire ce livre pour revenir au fondement de la citoyenneté afin de penser un courage comme fidélité à soi-même, fidélité à la manifestation de la pluralité humaine et comme support à un existence responsable et engagée.

La première forme de la désobéissance sociale consiste en la rébellion. Le rebelle est celui qui ne se plie pas aux ordres, le rebelle n’est pas réfléchi, la résistance s’inscrit dans son caractère.  Ainsi, il arrive que des individus soumis deviennent des rebelles, surtout lorsque les réserves de la propension à la soumission ont été épuisées.

La rébellion va du simple refus d’obéir à la révolte non violente. Au lieu de courber la tête, le rebelle se relève, fait face et regarde droit dans les yeux les dominants. Alors qu’il suffit de ne pas vouloir obéir pour être rebelle, la révolte suppose l’action. Les actes de résistance, les positions de refus, les comportements de désobéissance sociale traduisent les formes à engager face à toutes les injonctions exigées. A. Camus définit ainsi l’homme révolté : « un homme qui dit non » (Camus, L’Homme révolté, 1965).

Dans le passage de la rébellion à la révolte, l’on observe, pour le premier, le simple refus d’obéir, alors que pour le second, l’on conditionne la désobéissance du révolté à des justifications sociales. La désobéissance sans âme et sans raison tourne court et se transforme souvent en une nouvelle forme de soumission.

Dans mes réflexions, j’ai toujours conçu que la désobéissance sociale devait considérer sans relâche que nos intérêts étaient différents de ceux des dirigeants et que nous ne devions jamais nous laisser persuader du contraire. Les dominants recherchent le pouvoir, l’influence, la richesse, comme des fins en elles-mêmes alors que nous, citoyens, attendons la santé, la paix, l’activité créatrice et l’amour. Les décideurs, grâce au pouvoir et aux richesses qu’ils détiennent, ne manquent pas de porte-parole pour défendre leurs intérêts. Pour nous, individus femmes et hommes, cela signifie que nous avons l’exigence de comprendre la nécessité de penser et d’agir par nous-mêmes, en accord avec d’autres membres de la collectivité.

J’aborde une critique sociale radicale, dans le sens d’une critique compréhensive, d’une critique pragmatique, renouant des liens avec les perspectives d’émancipation cultivée par la désobéissance sociale et inspirée par mes bifurcations professionnelles et mes expériences successives. Nous pouvons concevoir que la pensée de la désobéissance sociale pourrait représenter la condition de l’émancipation des citoyens. Mais aussi, la compléter comme un processus d’autonomisation par rapport à des logiques de domination, supposant l’accroissement des capacités d’expression, d’être entendu et de faire entendre sa voix.  La désobéissance sociale affirme des perspectives de dépassement face aux dominations, porteuses de mécanismes incapacitants comme l’humiliation, la perte de confiance, la dévalorisation, la honte, la culpabilité, le mépris social, transformant les interactions entre les dominés et les dominants et ainsi, favoriser l’émancipation. Et elle peut même ajouter des ressources dans l’outillage de ceux qui s’efforcent aujourd’hui de repenser des stratégies menant à une critique sociale radicale.  

La désobéissance sociale ne peut se limiter à des modifications limitées au sein des structures dominantes, mais elle doit être mise au service des acteurs, dans un horizon de transformation radicale pour nourrir une contestation plus globalisée, en lien avec d’autres formes d’actions, comme les résistances aux injonctions, les luttes revendicatives et les expériences alternatives.

L’usage de la désobéissance sociale peut participer à réinventer une voie pour une transformation sociale du XXIe siècle. Cela suppose de ne pas opposer désobéissance et rébellion, mais de procéder à un réagencement associant les trois supports sociaux que sont la critique sociale radicale, la désobéissance sociale et l’émancipation, produisant ainsi une logique de défatalisation des impératifs sociaux dominants, condition nécessaire pour déployer un enclenchement de processus de réappropriation de droits sociaux.

Face à des médias qui appartiennent la plupart à des groupes capitalistes qui ont toutes les raisons de ne pas vouloir que certaines opinions s’expriment, face à l’endoctrinement porté par ces supports de communication, j’ai un seul objectif – encourager les lecteurs à entreprendre une démarche qu’on pourrait qualifier « d’autodéfense intellectuelle » et suggérer des manières de procéder. Autrement dit, aider les citoyens à saper les efforts soutenus consacrés à « fabriquer le consentement » destinés à les transformer en corps apathiques pour ensuite, en produire des supports sociaux comme pour outiller les individus afin de présider à leur propre destinée.

Les capacités de coercition diminuant, il est naturel de chercher à contrôler l’opinion pour l’autorité et la domination des élites.  Ma préoccupation est d’aider les salariés, femmes et hommes à contrecarrer les efforts de ceux qui entendent régner sur l’esprit des citoyens. Notre discernement doit nous permettre de confondre les auto-désignés – les hommes responsables – de mener leurs affaires du monde en toute quiétude.

À la suite de Georges Orwell, j’ai perçu que les élites devaient réprimer la mémoire, mais aussi la conscience de ce qui se passe sous nos yeux, car, si la population comprend les desseins des dirigeants, il devient impératif de s’opposer à ces funestes projets de destruction des conditions sociales si durement conquises.  D’années d’expériences en réflexions alternatives consacrées aux méthodes de battage managérial, m’ont convaincu que celles-ci sont mobilisées afin d’obtenir un vaste soutien aux intérêts particuliers qui dominent la sphère des entreprises, des gouvernants au service du secteur privé.

Finalement, il s’avère effectivement que les puissants sont en position d’imposer la trame des discours, de décider ce que le bon peuple a le droit de voir, d’entendre et de penser pour mieux conditionner l’opinion à coups de campagnes de propagande, bien éloignées de la réalité.

Un grand nombre d’intellectuels ou de professionnels de la politique s’insurgent contre une prétendue « culture de l’excuse » véhiculée par la sociologie quand elle rappelle le rôle des déterminants sociaux.

L’objectif de ce discours, induit par cette idéologie de la responsabilité est clair : légitimer les dominants et les vainqueurs de toutes sortes, notamment ceux qui réussissent scolairement comme professionnellement. Nous sommes riches, mais nous ne le devons qu’à nous-mêmes, nous sommes scolairement brillants, mais cela tient uniquement à nos qualités intellectuelles, ou à la méritocratie. Nous sommes célèbres et reconnus, mais c’est exclusivement grâce à notre exceptionnel talent. La domination de certains groupes sur d’autres n’est que la résultante de choix ou de réussites individuelles, en dehors de toutes logiques sociales.

Sans s’interroger sur quel type d’individu donne son consentement, à la suite de quoi, dans quelles conditions sociales se crée sa production, après quelles séries d’expériences, dans quels contextes sociaux, économiques, politiques ou culturels, on ne perçoit pas la réalité objective des rapports humains.

Quelle que soit la nature de la domination, économique, politique, culturelle, sexuelle, sociale, je m’appuie sur les pratiques du consentement pour comprendre la domination et loue ceux qui ont la déférence de percevoir les arrière-pensées des gouvernants, démontrant par-là, la traduction du consentement volontaire, consentement individuel qui efface toute idée d’asservissement.

Comprendre appelle à s’appuyer sur les sciences sociales afin de produire les conditions d’interprétation et la recherche des causes sociales, origines de toute la détresse humaine.

La dimension eudémonique renvoie au travail pensé, à tout ce qui fait que l’individu estime qu’il peut s’accomplir dans le travail. Ce terme provient du grec « eudaïmon » qui signifie « bonheur ». Dans le domaine du travail, il s’agit du sens que l’individu donne et trouve à son travail, de la façon dont il s’y réalise.

La dimension hédonique (Du grec ancien « hédonè », signifiant « plaisir ») renvoie au travail ressenti, sous la forme d’émotions positives et négatives éprouvées au travail. Dans le champ du travail, elle a plutôt trait à des domaines qui relèvent de l’opinion, et sont particulièrement malléables en fonction du contexte voire de l’humeur des salariés

Désormais, la performance des organisations est obligatoire, c’est l’une des conditions de leur survie. Mais elle ne peut plus être exigée à n’importe quel prix humain.

À quoi bon perdre sa vie à la gagner ?

C’est dans une telle situation de crise que j’examine, avec lucidité, les signes de la résistance. Depuis de nombreuses années, j’assiste à des stratégies de survie et à la débandade des forces sociales. Les individus s’incrustent dans la zone grise de la précarité, s’accrochent désespérément aux reliquats d’acquis sociaux tout heureux qu’ils puissent encore passer sous les fourches caudines des dirigeants d’entreprises. Les malchanceux, écartés de la rationalité économique, même plus exploitables, sont laissés-pour-compte, à la désespérance sociale et au dépérissement humain. Il aura fallu de longue série de mouvements sociaux et de provocations médiatiques pour que la misère sociale échappe à la cécité collective. Il s’agit, maintenant de rencontrer une résistance à l’exclusion économique, à l’exclusion sociale, à l’exclusion climatique par le courage intellectuel et politique et de renouer avec une critique radicale de l’ordre social présent.

Les décisions politiques et économiques répondent à des logiques de rentabilité, scellant le sort de milliers de salariés dont un certain nombre grossira les rangs des exclus sociaux. La précarité sociale devient le terreau des peurs, des haines, des ressentiments qui, paradoxalement, se portent sur ceux-là mêmes dont la menace d’exclusion se rapproche. Je pourrais penser que la répression suffira à dissuader les rebelles, mais c’est oublier que toute confrontation violente accroît la fracture sociale qui se trouve, bien souvent, à la source des mouvements de désobéissance.

La fracture sociale décrite trouve son origine dans les disparités économiques et socioculturelles, disparités qui ne se manifestent plus seulement dans des rapports inégalitaires ou d’exploitation économique, mais aussi par des mécanismes d’exclusion de couches sociales entières du bénéfice de droits élémentaires – droit au logement, droit au travail ou à un revenu décent, droit à l’éducation, droit à la participation active à la vie publique.

Exclusions qui, loin d’être les effets accidentels d’une conjoncture économique, sont renforcées par des dispositions légales régissant de façon restrictive le droit aux prestations sociales, les conditions d’intégration des classes défavorisées, les possibilités de réinsertion économique, la sécurité de l’emploi, ou l’autonomie du salarié face à son employeur.

À l’opposé, une complète liberté est laissée aux maîtres du jeu économique planétaire, d’agir en fonction de leurs propres intérêts, fût-ce au prix de la dérégulation sociale et de la paupérisation de régions entières.

Parti d’une culture du pauvre, mes bifurcations professionnelles, socle de mes trajectoires, ont construit mon matriçage intellectuel, renforcé en cela par mes divers apprentissages sociaux pour arriver à la fabrication sociale d’un individu sensible aux évolutions de l’environnement économique et entrepreneurial.

Les constats de dégénérescence sociale, de l’hégémonie gestionnaire dans les entreprises, la singularité de l’homme unidimensionnel ont nourrit ma critique sociale.

La déconstruction des pouvoirs et des relations dans l’entreprise, les espaces de résistivité associés au discernement organisationnel m’ont autorisé à relever le défi de devenir un individu singulier.

Par la réinvention d’un nouveau contrat social, par la volonté d’exprimer mon courage de la liberté, par des actes de résistance et de désobéissance sociale, j’exprime une sensibilité personnelle, destinée à produire des supports et des outils servant la justice sociale.     

La dénonciation des méthodes de défaisance sociale, l’émergence de nouvelles voies de sorties des relations sociales, la résonance avec l’actualité concernant des mouvements sociaux inédits constituent une démarche singulière pour répondre à la misère grandissante des nombreuses couches de la population. 

Ma conclusion témoigne d’une volonté de sortir de cette illusion de la liberté qui nous est proposé depuis des décennies afin d’imaginer d’autres formes de valeurs du travail.

H. D. Thoreau nous rappelle à la volonté et à la conscience individuelle de l’individu. Pas besoin d’être en groupe pour s’opposer et résister. Le fait de penser l’action individuelle de cette manière nous incite aux résistances et à la désobéissance sociale.

Dans l’ouvrage « Civil Disobedience ou Désobéissance civile », écrit en 1849, H. D. Thoreau cite : « même si le gouvernement a été choisi par le peuple pour exercer sa volonté, le citoyen ne doit pas abandonner sa conscience au législateur, le respect de la loi vient après celui du droit. »

Diplômé des DESS de l’IAE Grenoble et de l’IAE Paris, d’un MBA de l’ESG Executive et d’un Executive Master de Sciences Po Paris, Guy Bulit est intervenant et formateur auprès d’Audencia Business School, MBA ESG, ESG Guadeloupe et ESG Sport, AMOS Business School, Sport Management School et ISC Business School.

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Trajectoire biographique au milieu de scènes d’interactions et de socialisation

Source de l’article d’origine : Trajectoire biographique au milieu de scènes d’interactions et de socialisation – Mediapart.fr – Le blog de Guy Bulit

Un gouvernement, des dirigeants qui ne trouvent pas indigne que leurs concitoyens, leurs employés usent de prérogatives pour obtenir la réalisation de leur autonomie, de leur responsabilité, de leur bonheur et de leur liberté obtiendra la reconnaissance de toutes ces femmes et hommes pour là et maintenant, et qui perdura au travers des générations.

En ce qui concerne les choses humaines, ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas s’indigner, mais comprendre. Spinoza.

Issu d’une famille modeste, d’un milieu rural, père agriculteur puis agent municipal, mère au foyer, je n’ai pas eu le bénéfice de ce que Bourdieu nomme « le capital culturel ». L’attention porté par ma famille à mon encontre valait toutes les cultures possibles, pensait-je à ce moment-là !

Ma personnalité s’est affirmée au travers de mes diverses expériences professionnelles, identifiées très tôt comme source de progrès social et humain.

Dès mon plus jeune âge, j’ai commencé à multiplier les emplois saisonniers d’étés afin de pourvoir à mes propres besoins économiques sans me soucier des conséquences sur mes capacités intellectuelles. Un seul objectif me guidait, celui de survivre dans un environnement que je nommerai hostile.

Mon parcours scolaire, déstabilisé par les incessants déménagements de mes parents, m’ont conduit rapidement vers des filières professionnelles. Sensibilisé très tôt aux contraintes économiques et sociales de mon environnement familial, j’intégrai enfin un lycée technique avec une motivation décuplée qui me permis de surnager et d’obtenir des résultats encourageants.

Destin porté par un ami proche, reçu par sa famille, fils de réfugié républicain espagnol, je découvris George Orwell et « Son Hommage à la Catalogne » qui me mit en relation avec les approches anarchistes et marxistes. La richesse des analyses des relations entre les militaires, sans expériences et avec leur hiérarchie me permit de me familiariser avec le système de fonctionnement démocratique instauré par l’Armée Populaire espagnole.

Décrit par Orwell, le point essentiel était l’égalité entre les officiers et les hommes de troupe, avec comme finalité de réaliser une société sans classe. Orwell, très critiqué, défendais ce mode de gouvernance égalitaire.

Fortement influencé par les relations humanistes des milices espagnoles républicaines et la lecture de Orwell, je me construisis dans cet environnement social qui me déterminait à devenir le citoyen que mes origines m’avaient tracé.

A cette époque-là, ma soif de vivre me poussait à multiplier les petits « jobs » d’été, aider en cela par mon père qui se démenait pour me trouver quelques opportunités. Très jeune, rapidement je travaillais comme ouvrier agricole et découvrit le dur labeur des champs qui commençait à forger en moi l’idée que je devrais aller contre les déterminismes sociaux que je portais.

Une deuxième expérience d’été me donna l’occasion de découvrir les contraintes de l’entreprise agro-alimentaire dans laquelle je multipliais les heures de travail afin de percevoir un salaire décent qui me permettait d’obtenir une relative liberté sociale vis à vis de ma famille.

Et aussi d’appréhender les premières relations hiérarchiques telles qu’elles pouvaient être pratiquer dans ces circonstances particulières tant par le climat social de la période que par l’absence de gratitude de la part des cadres dirigeants.

Et j’expérimentais mes premiers pas de refus de cette forme de relation vis-à-vis d’un contremaitre qui m’imposait des travaux très dégradant et que je devais seul assurer. Malgré mon jeune âge, mon indignation, traduite par une première colère sociale m’amena à refuser d’exercer cette mission et, après gain de cause, je changeais de poste, et pris conscience de la misère et de l’exploitation de la classe ouvrière.

Mes premières réflexions devaient me convaincre de m’immerger au sein de la classe des salariés, être l’un d’eux et comprendre avec eux les relations sociales bâties sur l’autorité. Mu par ma solitude, j’aiguisai mes pensées portant sur l’oppression subi par les employés de ce monde industriel et agricole. C’est ainsi que mes réflexions s’orientèrent vers le sort de la classe ouvrière. Pour la première fois, je prenais conscience que je faisais partie de cette classe et, conjointement avec eux, j’étais une des victimes symboliques de ces injustices.

Il me suffisait d’abaisser mon regard sur cette terre pour découvrir une classe ouvrière souffrant des humiliations, insupportables à endurer et dont j’allais partager l’humilité. D’un autre côté, à cette époque, je ne m’intéressais pas spécialement à la politique, pas plus qu’à toute autre doctrine économique. Il me semblait alors que l’injustice économique cesserait le jour où nous le voudrions vraiment, lorsque nous résisterions à l’aliénation qui détruit chacun d’entre nous.

 Toute mon adolescence se mélangeait entre mes travaux d’été et mes études lycéennes qui confortèrent, expériences après expériences, mes convictions que la seule chose au nom de laquelle nous pouvions combattre ensemble, c’était l’idéal vers lequel nous devions tendre : le sens de la justice et de la liberté.

Par ces motivations, ma première alternative intervint au moment de ma décision à faire mon service militaire ou pas et dans quelle condition.

Ma réflexion me conduit à accepter le service militaire afin de ne pas nuire à ma famille et à mes futurs projets ; tout en exploitant toutes les failles de l’organisation militaire, refuser tous les exercices militaires, et avoir comme seul horizon l’objectif de passer le moins de jours possibles dans ce cadre verrouillé.

 Observateur objectif du climat social qui m’entourait, je désirais déterminer si l’état des choses que je vivais était tolérable ou intolérable et si dans le monde qui était le mien, certains faits ou évènements sociaux présentaient une exigence morale de nature à justifier une forme de refus de l’autorité.

Pour G. Orwell, « les classes sociales empêchent toute communication : ce sont des aquariums que l’on ne peut franchir, mais abolir les classes d’un autre côté, c’est en quelque sorte, perdre de sa personnalité, de son éducation, de ses goûts, de sa morale »

C’est dans ce paradoxe que j’inscrivis mon futur parcours professionnel. Faire en sorte d’abolir mes origines sociales et sortir de mon univers familial ou participer à une forme de compromission personnelle en intégrant un univers économique dont je pressentais les méfaits humanistes. Ma situation familiale et financière ne m’offrait aucune alternative et j’assimilais les préceptes entrepreneuriaux pour me projeter dans des projets professionnels que je pensais pouvoir élaborer le plus rapidement possible.

Pour contre balancer mon arbitrage, je m’appliquais immédiatement à ne pas renier mes origines et à contribuer, sous quelques formes que ce fut, au respect des individus avec lesquels j’aurais à collaborer, leur apporter toutes les marques de considérations, toutes mes compétences pour les faire progresser socialement.

Partager entre les diverses responsabilités dont j’assumais la charge avec le maximum de résultat et la poursuite de mes études supérieures en alternance, je me forgeais une capacité de réflexion, dans un premier temps, en orientant mes thèmes d’observations sur le monde de l‘entreprise et dans un second temps sur mes interrogations sociales de ce monde-là.

A la lecture de nombreuses revues et nombreux livres sur le Management d’entreprise, que j’abandonnais après quelques années d’expériences et d’applications, j’orientais mes centres d’intérêts vers les approches sociales et humanistes rencontrées dans le champs politique et économique.

Mes pratiques professionnelles me mettaient en présence de questionnements pour lesquels j’apportais des réponses les plus objectives possibles, me heurtant aux différentes hiérarchies qui s’appliquaient à me faire dévier de mes convictions.

La lecture « Quai de Wigan » de G. Orwell m’éclairait sur les pratiques sociales qui étaient en cours et susciter en moi nombre d’interpellations que j’essayais de traduire dans mes gestes professionnels.

Les conditions de travail, la montée inéluctable du chômage, la situation du logement, l’état d’alimentation des salariés, me procuraient une forme de refus de ces circonstances et m’interrogeait sur les causes et les origines de celles-ci.  

Le système de classes sociales a pour caractère essentiel de ne pouvoir s’expliciter qu’en terme économique. Il s’agit d’une stratification par la fortune sur lequel vient se greffer un système de castes auxquelles s’ajoutent le poids des traditions. En cela, on hérite ainsi d’un certain prestige social qui a d’avantage de signification que l’argent lui -même et constitue une distinction sociale. Et plus je croisais les différents niveaux hiérarchiques et plus je constatais que des personnes avaient bénéficié de cette différenciation pour imposer une autorité fondée sur ce statut au détriment des compétences professionnelles.

Je vérifiais que la classe moyenne considérait les ouvriers, les salariés, les employés souvent comme des gens insignifiant, sous-entendu des « sous-individus » et les dénigraient facilement, jugeant que leurs comportements étaient inscrits dans leurs gènes. 

Simultanément, je percevais que les différences de classes étaient insurmontables, que les barrières sociales se hérissaient entre les personnes comme des fossés qu’il était difficile de franchir. Finalement, ces distinctions sociales ne pouvaient pas s’effacer, tant les conditions économiques et originelles des personnes étaient là pour me le rappeler.

Le monde salarié est composé de deux types d’individus ; d’un côté, il y a ceux celui qui restent égaux à eux-mêmes et qui continuent d’occuper les mêmes fonctions et de l’autre ceux qui ont poursuivi leurs études, leur permettant ainsi de s’élever dans la société, ce dont je fais partie. Quoiqu’il en soit, la rencontre entre les deux mondes, celui des dominants et celui des dominés ne peut avoir lieu que lors des conflits sociaux ou des résistances aux soumissions.

Depuis toutes ces années, les profits sont devenus colossaux, les salaires patronaux exorbitants et on assiste bien à une précarisation de l’emploi qui se fait au détriment des salariés dont les situations sont de plus en plus intolérables.

Et force est de constater que la situation n’a guère évolué. L’ouvrier, le salarié est bien quelqu’un qu’on manipule et qu’on ne respecte pas. Malgré tous les dossiers analysant les potentialités de poursuite d’activité lors des crises sociales, qui ne présentent aucune utilité puisque les décisions de cessation ont été prise bien avant par les institutions publiques, les actionnaires et les dirigeants, démontrant le plus grand mépris pour les individus sans travail. De plus, comme pour « acheter » les approbations sociales, les propres responsables des défaillances d’entreprises proposent des sommes importantes afin de les fermer sans rébellion, tout en contribuant à diviser les salariés, décisions qui attestent d’une indifférence insoutenable vis à vis des conséquences des fermetures de firmes et d’un désintérêt pour l’avenir de ceux-là. Par ces modalités de tromperie, ces comportements patronaux fait de mauvaise foi, on pourrait évoquer une forme de totalitarisme des classes dirigeantes et pour elles, la fin justifierait les moyens.

Nous pouvons remarquer que les classes sociales ont évolué. Les ouvriers, que l’on appelle maintenant agents de production, employés, techniciens de je ne sais quoi, tendrait à faire penser qu’une classe est en train de disparaître. Cependant, les rapports de force entre les classes sociales se sont déplacés vers des considérations incluant la vie sociale, économique et culturelle, mais n’ont pas disparu pour autant.

Les salariés sont tout autant exploités qu’il y quelques dizaines d’années et sont toujours moins reconnus et plus méprisés par la classe dirigeante. Les actionnaires, de plus en plus arrogant, se réservent en effet des profits de plus en plus importants et organisent une précarité toujours plus pesante sur le reste de la société sans en mesurer les effets, comme si finalement les salariés n’existaient plus, soutenus par des hommes politiques qui ne sont pas en reste.

 Quant au chômage, il frappe toujours de plein fouet les générations actuelles et ce, de la même manière qu’il touchait les familles de la fin du siècle dernier. Avec pour changement, une propension à rendre responsable, celui qui ne sait pas trouver du travail là, où il pourrait exister, sanctionner par sa résignation, pendant que les dirigeants qui délocalisent pourtant leurs entreprises ou qui licencient pour faire monter leurs actions coulent de beaux jours.

« Nous avons tous quelque chose à gagner du socialisme » disait George Orwell, il prenait position pour une société sans classes. Il avait anticipé ce qu’il advient ou, aujourd’hui, on assiste progressivement à la disparition de la classe moyenne. Bientôt ne subsistera plus que deux classes, celle des riches et celle des pauvres ou celles qui auront su mieux profiter du « capital culturel » transmis par les générations passées. Le libéralisme économique continue à broyer des vies entières mais il n’y a que les producteurs de cinéma belges et britanniques pour s’en émouvoir. La culture ouvrière a du mal à résister, les syndicats abdiquent généreusement et nous nous trouvons dans la situation, ou nourri par les injustices sociales et le désordre libéral, progressent les haines entre les populations. Près de un demi-siècle après, nous avons le devoir de nous interroger sur les changements ou plutôt les non changements dans la société actuelle et l’impératif de nous détacher de nos servitudes.

Lors de mes premières responsabilités en tant que technicien méthodes, j’ai côtoyé les ouvriers et ouvrières de près. Mes relations étaient basées sur le respect, l’objectivité et les explications sur les approches du métier dont j’assumais la tâche.

Pendant cette période, j’ai découvert deux livres qui corroboraient mes impressions professionnelles touchant aux relations de travail.

« La condition ouvrière et Les réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale » de Simone Weil m’ont montré comment le travail est au centre de l’analyse de l’oppression que dessine Simone Weil parce que le travail de masse, dans lequel l’ouvrier n’est qu’un exécutant mécanique d’un processus qui lui échappe, appauvrit la pensée, ce que je constatais après chaque journée passé auprès d’eux.

« Rien ne paralyse plus la pensée que le sentiment d’infériorité nécessairement imposé par les atteintes quotidiennes de la pauvreté, de la subordination, de la dépendance. La première chose à faire est de les aider à retrouver ou à conserver selon le cas, le sentiment de leur dignité ». Simone Weil « La Condition ouvrière ».

De par mes pratiques dans les ateliers, il s’agissait de rompre avec une vision théorique des enjeux sociaux. Entrer à l’usine c’est, comme le dit Simone Weil, à de nombreuses reprises, « entrer en contact avec la vie réelle ».

Je participais à chaque offre d’emploi, au recrutement des opérateurs ou opératrices afin de pourvoir les postes de travail en demande. Dès l’embauche, on percevait l’humiliation lorsque, en milieu rural, on n’en « mène pas large » quand on vient quémander un tout petit emploi manuel, avec pour toute réponse « rien » aux questions sur les diplômes, les qualifications, sur ce qu’on sait faire de particulier et je pouvais discerner dans leurs yeux l’humiliation de ce « rien ». Quant à moi, je notais que les contre maîtres, dès l’arrivée d’un candidat ouvrier insoupçonnable, se faisait leurs réflexions comme, « voilà un homme de la campagne, endurant à souhait, mais pas très dégourdi, c’est l’individu souhaité, il ne fera pas d’histoires ». Ces récits convergent de manière aussi radicale l’un et l’autre sur un point : à l’usine, on n’est « rien », le gage de cette authenticité tient à cet étonnement dans les pratiques du réel.

Si pour Simone Weil « le premier détail qui, dans la journée, rend la servitude sensible, c’est la pendule de pointage », chaque jour, je vérifiais que l’aliénation consistait en la réification du temps, temps que nous devions comptabiliser, le mettre sur le « bon » de l’ouvrière, inscrit « temps perdu ou temps passé » et en feignant de ne pas avoir à le compter, c’était affirmer un pouvoir arbitraire que je ne possédais pas.

Savoir mesurer le temps, les différences entre la perfection et la malfaçon, associée à son action tenait en grande partie à la vitesse d’exécution de l’opératrice. Tous les relevés de temps consacrés au décompte des heures et des ratios de productivité, qui servaient de référence pour les rémunérations aux pièces. A chaque jour, étaient noté le nombre de pièces effectuées et le salaire qui devrait y correspondre.

Durant mes journées, je quantifiais la répétition des gestes, la monotonie des tâches, la fatigue et l’humiliation qui se traduisaient par une alternance désordonnée entre les considérations techniques émises par la hiérarchie et les disparités relatives aux salaires. Je pressentais que l’organisation du travail à l’usine faisait naitre une forme de déracinement par les relations qu’elle imposait aux salariés de production, entre la séparation du travail intellectuel et du travail manuel.

L’usine, dans sa condition, produit la rationalisation des tâches qui fait de cette manufacture autre chose qu’un simple lieu pour le travail que l’on pourrait quitter indemne dès la sonnerie libératrice. S’il faut, comme le dit Simone Weil, « laisser son âme au vestiaire » à chaque fois qu’on y pénètre, il est à craindre qu’une désappropriation de son travail, associée à la perte de sens de sa propre vie, survienne.

J’assistais chaque matin à l’arrivée de centaines de salariés, et l’ouverture des portes de l’usine forgeait en moi, une vision qui révéler la manière dont les ouvrières et les ouvriers s’extirper de leur torpeur pour aller accomplir leur engagement professionnel. Je notais aussi les différences de comportement des contremaitres, des cadres et des administratifs qui, eux s’arrogeaient toutes les dispositions pour exhiber leur statut social, comme un défilé dans lequel il fallait « être », passant par des entrés distinctes, utilisant des emplacements réservés pour leurs véhicules. L’ouvrier était détourné de son statut d’homme, faisait allégeance, soumis aux contraintes sociales imposées, avec comme conséquence la perte de son emploi, s’il ne les respectait pas. C’est ce surgissement des privilèges qui fait dépérir l’égalité entre les individus et crée un système de pouvoir qui est à la base de l’oppression.

Les conséquences de la misère et du travail de masse, se trouve dans l’apport de Simone Weil, et je ressentais cette situation, conjuguer avec mes origines sociales, celles de mes parents et le milieu dans lequel j’opérais. Et la soumission peut paralyser la pensée presque aussi sûrement que la terreur peut la faire taire. La dignité est sur le plan social aussi nécessaire que la vérité l’est sur le plan politique.

Pour Simone Weil, « l’homme serait condamné à être opprimé ». Au fur et à mesure que l’individu se libère des violences sociales, il subit alors l’oppression d’une société de production dont les moyens et les fins lui échappent. Survient alors le clivage entre ceux qui pensent et coordonnent et ceux qui exécutent. L’oppression, qui engendre non pas la révolte mais la soumission, tend constamment à augmenter, car celui qui détient le pouvoir doit lutter, soit pour le maintenir en l’état, soit contre la désobéissance des subordonnés et contre les appétits des concurrents qui veulent s’emparer de son pouvoir.

L’émancipation de cette oppression ne saurait, malgré une réorganisation totale du travail, malgré le syndicalisme qui représente alors la société libre et la résistance des individus, être convenable, tant la collaboration et la collusion des représentants syndicaux participent plus à la défense de leurs intérêts personnels que de ceux des salariés qu’ils sont fondés de défendre.

Je dénonçais, déjà, l’abrutissement et l’abêtissement des salariés, manipulés par les discours technocrates, faisant passer ce qui était perçu négatif comme indissociable d’une vie meilleure, légitimer par les experts sur les médias locaux et nationaux. A consulter les grilles des programmes des médias télévisuels et écrits, je pense que la pensée et la liberté ne sont pas pour demain, que l’oppression a encore de beaux jours devant elle, et pour longtemps.

Ils appelaient cela, entre eux, des « trajectoires« . Plus précisément, des « trajectoires d’effectifs« . C’est le terme qui revenait apparemment dans les directives, les circulaires fixant des « objectifs » qui descendaient du sommet à la base, et dans les rapports qui remontaient de la base au sommet. Ce mot, « trajectoires« , servait à masquer la réalité de la chose : des démissions forcées. Virer les plus fragiles, les irrécupérables, les familles mono parentales, trop souvent marquées par l’absentéisme, les « marqués » politiquement.

Si ces nouvelles s’étaient difficilement trouvées une place à la une des médias du matin, dans l’hystérie médiatique ambiante, elle pesait d’un poids pourtant considérable. Pour faire partir les « invirables », on les écœurait, afin de définir une « déstabilisation positive« . Ce dévoilement de la novlangue médiatico-libérale, on n’osait pas rêver d’y assister un jour.

L’organisation du travail à l’usine, telle que je l’appréhendais, telle que la pratiquais, était un modèle pour comprendre ce que définit cette réduction du monde. Dans la manufacture, l’organisation du travail procédait de la logique de la production mise en forme par la rationalisation, supposait la possibilité de circonscrire chaque geste pour des fins prédéfinis, impliquait l’application d’une telle attention, qu’aucune absence ne pouvait être tolérer.

Souvenons-nous des explications de Taylor, « Observer les mouvements instinctifs et les appétits des ouvriers, de comprendre par où il faut les approcher et par quels moyens contenir non seulement leurs mouvements mais aussi leurs comportements ».

Au-delà de l’organisation, de la division du travail, ce sont les privilèges et non la propriété qui sont à l’origine de l’oppression. 

Les écrits de Simone Weil sont d’une étonnante actualité, « Le chaos de la vie économique est évident. Dans l’exécution même du travail, la subordination d’esclaves irresponsables à des chefs débordés par la quantité des choses à surveiller, est cause de malfaçons et de négligences innombrables ; ce mal, d’abord limité aux grandes entreprises industrielles, s’est étendu aux champs, là où les paysans sont asservis à la manière des ouvriers ».

Après chaque étape de ma vie professionnelle, j’ai exercé le droit « de dire non », non à la poursuite de mes responsabilités dans cet environnement, au risque de « perdre mon âme », au risque de devoir repartir à zéro. Ayant acquis suffisamment de compétences pour exercer de nouvelles missions, je décidais de m’investir sur un nouveau projet en collaboration avec une société qui me confiait une responsabilité de gestion d’une unité de production, en totale autonomie.

Mes passions pour les lectures de livres de management s’étant éteintes, je m’orientais de plus en plus vers des thématiques de réflexions qui pourraient étayer ma conscience sociale et humaniste. Mes années passées avaient été marqué par les mouvements pacifistes menées aux Etat Unis en faveur de la discrimination raciale, par la façon dont l’Inde avait conquis son indépendance sans une guerre coloniale et par les rebellions en Afrique du Sud contre l’Apartheid.

Passionné d’histoire et de philosophie politique, je me convertissais à la lecture d’ouvrages portant sur les causes et les résolutions de ces conflits à la fois politiques que sociologiques. La découverte du concept de désobéissance civile m’interpella et je m’attachais à la compréhension de son origine.

Ainsi, la lecture de « La désobéissance civile » de Henry David Thoreau changea mon existence et me donna les armes pour lutter contre un environnement économico-social que je ne comprenais plus, ou plutôt, trop bien.

Les études politiques situent l’origine moderne de la désobéissance civile à Etienne de La Boétie qui écrit vers 1548 son fameux « Discours de la servitude volontaire ». Dans ce texte, La Boétie fait la démonstration étonnante que ce sont les peuples qui sont responsables de leur propre oppression. Tout simplement, nous dit-il, « parce que le tyran tient son pouvoir et sa force de l’obéissance servile de ses sujets, et si le peuple ne fait rien pour refuser cette servitude, c’est qu’il l’accepte », d’où l’expression paradoxale de servitude volontaire.

Plus tard, les philosophes des Lumières vont être amenés à s’interroger sur l’attitude du citoyen, lorsque les libertés fondamentales sont bafouées par le gouvernement. Certains philosophes vont mettre l’accent sur le droit de résister au pouvoir lorsqu’il ne respecte pas, de manière flagrante, les principes fondamentaux du contrat. Le philosophe anglais John Locke estime que le peuple est fondé à s’insurger contre les abus du gouvernement, voire à instaurer un nouveau gouvernement, « Si les hommes font les lois pour régler les actions des membres de l’Etat, elles doivent être aussi faites pour les leurs propres et doivent être conformes aux attentes des citoyens ; sur les lois fondamentales ayant pour objet la conservation des individus, il n’y a aucun décret humain qui puisse être bon et valable lorsqu’il est contraire à ces lois».

Au-delà de notre vielle Europe, c’est lors de la Révolution Américaine, que se produisit l’un des actes de « désobéissance civile » les plus reconnu de l’histoire américaine, la célèbre « Boston Tea Party ». Le 16 décembre 1773, pour protester contre les taxes sur le thé et contre les restrictions britanniques sur les exportations et les importations, les colons, déguisés en Amérindiens, investirent des navires de la compagnie britannique et jetèrent à la mer toute leur cargaison de thé. Cette « Boston Tea Party » sera suivie par un boycott des marchandises anglaises, puis par la fermeture du port aux navires anglais. C’était l’un des premiers actes de désobéissance collectif revendiqué comme tel.

Thomas Jefferson (1743-1826), le principal rédacteur de la Déclaration d’Indépendance Américaine, et troisième Président des Etats-Unis, justifiera cet acte de désobéissance par ces mots, « Il existe des situations extraordinaires qui exigent une interposition extraordinaire. Un peuple exaspéré, qui sent que le pouvoir est entre ses mains, ne se laisse pas facilement contenir dans de strictes limites ».

Nous devons noter aussi que la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis précise « que le gouvernement n’a de légitimité que dans la mesure où il respecte et fait respecter les droits fondamentaux ». Elle indique que « les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir leurs droits inaliénables. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant de la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur ».

Thoreau, dans son texte explique « qu’il ne suffit pas de condamner par la parole, les injustices, il ne suffit pas de voter une fois par an même dans le sens de la justice, il ne suffit pas de vouloir amender la loi injuste pour l’améliorer », la question que pose Thoreau à chacun est qu’il ne faut pas être soi-même complice de l’injustice que l’on condamne. Thoreau montre que notre responsabilité d’individu est engagée dans l’injustice lorsqu’on obéit à la loi qui engendre l’injustice. « Si la machine gouvernementale veut faire de nous l’instrument de l’injustice envers notre prochain, alors je vous le dis, enfreignez la loi. Que votre vie soit un contre-frottement pour stopper la machine. Il faut que je veille, en tout cas, à ne pas me prêter au mal que je condamne ».

Thoreau fonde ainsi le devoir de désobéissance de l’individu face à l’Etat. L’homme juste affirme sa liberté et sa dignité par un acte d’insoumission qui le met en accord avec sa conscience. L’acte de désobéissance doit être authentique, c’est-à-dire qu’il faut être prêt à assumer les conséquences de son acte. « Sous un gouvernement qui emprisonne quiconque injustement, la véritable place d’un homme juste est aussi en prison ».

Si je me suis décidé à parler ainsi, ce n’est pas que je vise à atteindre la notoriété tant recherchée de nos jours ; je suis suffisamment lucide pour refuser toute compromission mais je souhaite plutôt modestement essayer de rendre la Lumière aux plus humbles d’entre nous, aux plus démunis, aux plus préoccupés par notre évolution sociale, aux plus sensibles pour le respect de nos valeurs. Mais je juge qu’il s’agit surtout de la motivation d’un citoyen impliqué, qui estime que faire passer ses convictions au service du bien public, ne peut produire que des effets salutaires.

Mais depuis quand voit-on nos dirigeants politiques, économistes, chefs d’entreprises se préoccuper des problèmes sociaux, des contraintes professionnelles, des craintes de l’avenir, des ambitions de leurs citoyens ?

Quelle éducation pour nous, nos enfants ? Quel projet social pour nos familles ? Quelles propositions pour développer l’emploi des jeunes, des sans ou peu diplômés, des seniors, des français issus de l’immigration ? En quoi vos institutions peuvent contribuer à améliorer notre quotidien ?

Ils préfèrent sacrifier aux faveurs médiatiques du moment, les intérêts des salariés ; eh bien, que croyez-vous qu’il arriva ?  

Pouvoir de tous les leurs, profit pour leurs affidés, corruption pour tous et leurs conséquences sociales supportées par les salariés.

Et honte à eux face aux résultats de leurs politiques sociales au service des puissants et contre les plus modestes !

Comparons, citoyens, la façon d’agir de nos anciens et la nôtre. Que des informations spectaculaires, des exemples concrets des pratiques et des comportements de nos gouvernants, pour une communication communicante à grand spectacle

Monopolisant l’espace médiatique proposé par des patrons de presse à leur service, ces hommes, ces experts ne cherchent qu’à plaire et paraitre auprès des citoyens et des salariés français afin d’obtenir l’adhésion à leurs funestes projets.

Pendant que nos dirigeants historiques essayaient de construire des entreprises solidaires et dynamiques, tentaient de servir leurs citoyens, développaient un environnement favorable au développement des affaires, assuraient la promotion des valeurs d’éducation et de travail, le tout avec l’objectif de favoriser « l’ascenseur social » espéré par tant de gens modestes et de sans grade.

Qu’est-il arrivé ?

Vous, dirigeants de pacotilles avaient le champ libre sur l’espace médiatique, à votre service, sur l’économie que vous orientez, en fonction des intérêts de vos serviteurs, dans le domaine social pour lequel vous prononcez des lois scélérates destinées à maintenir les plus démunis dans une plus grande dépendance encore, avec pour seul souci de les faire taire, sur vos choix économiques qui vous permettent de décider des textes parlementaires, sans tenir compte des difficultés de la population, spoliant ceux-là même, qui ont élu vos suppôts.

Et si tout va mal pour une majorité de citoyens français, tout va pour le mieux pour quelques-uns !

Regardons les richesses produites aux profits de quelques magnats industriels, de quelques représentants politiques élus ou pas, de quelques membres des gouvernements successifs, de quelques dirigeants de société privé ou publiques, de quelques stars du système médiatique, sportifs ou du show-business, et vous comprendrez que, depuis cette date fatidique, nous avons été dépouillés de nos biens, de notre éducation, de nos emplois, de notre argent, de notre fierté, de notre solidarité et de notre futur !

Et surtout observons tous nos dignes représentants, politiques, dirigeants d’entreprises, syndicalistes : d’obscurs, ils sont devenus honorés, entourés de leur garde personnelle, de leurs communicants chargés de leur promotion, comme une vulgaire marchandise. Plus la société s’est abaissée, plus ils se sont élevés !

Et de toutes ces conséquences, quelles en sont les causes ?

Parce que nous avons accepté toutes ces dérives de la part de nos dirigeants !

Parce que nous avons laissé le pouvoir à nos gouvernants !

Parce que nous avons accordé notre confiance à nos représentants !

Parce que nous avons crus à leurs promesses !

Parce que nous acceptons notre servitude comme notre destinée !

Parce que, finalement, nous n’avons que les dirigeants que nous méritons !

Instruits de cette situation, ils se sont accaparés de tous nos pouvoirs, de toutes nos libertés, de toutes nos faiblesses, et maintenant, nous peuple, spolié, pétrifié, ne sommes là que pour fournir le nombre suffisant d’électeurs, lors des consultations électorales afin qu’ils bénéficient de leurs quotas de voix !

Et, comble du sacrifice, en période de festivités, d’élections, ou autres spectacles qu’ils nous offrent avec notre argent, nous pensons leur devoir comme de la reconnaissance.

Abordons en détail les aspects de notre servitude moderne, au regard de cette situation sociale pour ma part inacceptable.

Tous les domaines sont concernés, passant de la politique aux aspects sociétaux, des enjeux économiques aux contraintes environnementales.

Les racines de la résistance civile nous permettent de mettre en œuvre les formes les plus diverses de l’indignation et de la résistance, deux formes de luttes contre la globalisation culturelle unique et motivée par l’acculturation des peuples.

J’opposerai là, les formes violentes, non productives, aux pratiques non-violentes, efficaces méthodes de contestation des pouvoirs en place, la seule à promouvoir, de tradition philosophique profonde, qu’exprime la désobéissance citoyenne et civile, comme une pratique authentique de la résistance aux servitudes subies ou encouragées.

Au moment où de nombreux citoyens sont portés par une rage profonde contre les dirigeants économiques mais restent dans l’inaction, ne sachant quels aboutissements donner à leurs revendications, il est temps de rappeler l’existence de la désobéissance civile, et de l’ériger comme levier d’action incontournable à une époque où les moyens techniques numériques offrent toutes les solutions pour relier entre eux les citoyens conscients des dérives oligarchiques et populistes de nos gouvernants.

La première raison qui nous y incite est la soumission dont nous sommes tous coupables à travers nos actes, nos décisions, perçus comme de non-actes, à la source de nos désillusions.

Par confort, par intérêt, par habitude, par distraction, par passivité, nous nous soumettons aux servitudes que fait peser sur nous le pouvoir et nous sommes prêt à renoncer à nos libertés. Alors, la seule réponse possible prend le nom de « résistance ».

Alors que les pouvoirs nous soumettent à leurs désirs de puissance par des pratiques allant invariablement du haut vers le bas, nous ne pourrons résister qu’en organisant des processus de non-collaboration, de non-participation, de passivité active remontant du bas vers le haut du pouvoir.

A un moment où nous tous, consommateurs et acteurs du monde économique, disposons de tous les leviers pour imposer des pratiques politiques, financières, sociales et environnementales, pourquoi ne les utiliserions-nous pas ?

Alors que, souvent, nous participons, par notre soumission à des modes de fonctionnement sociaux inacceptables, à des abus de pouvoirs de la part de nos dirigeants, et ce à notre détriment, à notre misère, nous, citoyens éclairés et concernés, devons être résolu à ne plus servir ces représentants et alors nous obtiendrons la liberté de transformer ce monde dans lequel nous nous inscrivons.

Et si nous parlons des libertés, de notre liberté, il est un moyen sur lequel nous devons méditer et surtout ne pas déroger. La conscience, la liberté de conscience ne peut être profanée, quel que soit le type de pouvoir, quels que soient les modalités de représentation. Le fait de pouvoir élire librement nos représentants, ne supprime ni les dominants, ni les dominés.

La liberté de conscience se situe au-dessus de toute autre liberté. Aucun absolu de contrainte, de sécurité, de contrôle, absolument aucune injonction ne peut justifier qu’on outrage les consciences. Dans ce que transmet l’apprentissage, on le sait tous, même se tromper, au-delà d’un droit, constitue une source de créativité !

La conscience, objet de toutes les attentions bonnes et mauvaises, ne peut souffrir d’une quelconque faiblesse. Cette force morale propre à chacun de nous transportera tous les individus vers la réflexion, vers la recherche des solutions les mieux adaptées à la résolution des divergences, vers la non-soumission, qui ensuite débouchera sur les actions de désobéissance citoyenne.

La résistance civile nous renvoie à nos démissions quotidiennes : Acheter des produits fabriqués dans des pays dans lesquels les salaires sont misérables et les salariés ramenés à des statuts d’esclaves, accepter des hausses démesurés d’impôts nationaux ou locaux pour financer des dépenses sans aucune justification, ni économique, ni sociale, pendant que les actionnaires, dirigeants de grandes firmes, banquiers construisent des plans d’évasions fiscales, ou tout simplement en élisant des représentants corrompus, mis en examen , se complaisant dans la fraude fiscale.

N’a-t-on pas le droit et le devoir de résister contre des pratiques qui nous amènent tout droit vers la paupérisation des peuples ?

Utiliser le droit se révèlerait la solution la plus juste. Cependant, il me semble que le devoir s’impose pour toute résistance civile. Et même si le droit n’apparait à l’évidence pas, il n’y a aucune conséquence de s’adosser à des pratiques de désobéissance citoyenne, dans la mesure où nous avons le devoir d’intenter ce type d’action. On peut définir ce type d’action comme la résilience des citoyens à la domination, à l’assujettissement, à la souffrance, à l’injustice qui ne passeront pas par nous.

Chaque individu concerné n’a pas à éliminer ses conceptions politiques, savamment instillées dans la conscience de chacun d’entre nous, mais a le devoir de ne pas y collaborer et en conséquence d’utiliser les moyens de résistances dont nous disposons. En se comportant en individu fier de ses idéaux, en agissant efficacement contre les tous puissants, coupables de la distraction abrutissante qui nous manipule et nous trainent vers la soumission, en consommant dignement des produits issus de producteurs responsables, en refusant tous les mensonges des communicants, je m’oppose aux responsables politiques, économiques et médiatiques qui m’indignent par leur comportement et par leur immoralité. J’ajoute qu’il n’est pas besoin de se réunir en comité, association ou autre groupuscule, prôner la violence pour s’attaquer à ces servitudes, mais de favoriser des prises de positions adaptées à chaque problématique et d’être acteur des actions attendues par les citoyens.

Je voudrais porter à la conscience de tout un chacun que la révolution numérique, du point de vue de la philosophie et de l’éthique de la technologie, ne produit pas les effets sociaux et politiques dont les médias nous assomment en permanence ; ce n’est que de la « spectacularisation » car les réseaux socio-numériques commerciaux ne contribuent pas à la promotion d’une culture de résistance.

Si nous savons utiliser ces outils communicationnels, avec une dimension d’éthique comportementale pour des actions soutenables et efficaces, alors se produiront des effets inespérés dans la conscience des citoyens et de tous les individus.

Si nous savons mobiliser les supports technologiques, au service d’une nouvelle forme de résistance, qui présentent un formidable potentiel pour diffuser une prise de conscience des désastres vers lesquels nos dirigeants nous attirent, alors nous pourrons fonder des espoirs illimités pour soutenir nos indignations, pour convertir les idées en actions et contribuer au renforcement d’une nouvelle culture de résistance et de désobéissance civile.

N’oublions pas et méditons sur la réflexion, vielle de plus de vingt-cinq siècles, de Confucius, « Si un État est gouverné par les principes de la raison, alors pauvreté et misère sont des sujets de honte ; si un État n’est pas gouverné par les principes de la raison, alors richesses et honneurs sont des sujets de honte ».

Ce texte incarne et résume mes réflexions sur mes idéaux et mes « résistances » lors de mes différentes expériences professionnelles.

Après chaque injonction de mes hiérarchies, j’ai adopté un comportement d’abord de compréhension, puis d’analyse, ensuite seulement d’acceptation selon les intérêts que j’avais à défendre, les miens et ceux sur lesquels je devais exercer mes responsabilités, et qui donc, voyaient leur futur dépendre de mes décisions.

Mon parcours, en tant qu’homme pourrait être symbolisé par une succession de refus, d’insoumissions, mais aussi totalement investi dans mes missions en tant que responsable. Pour cela, il m’était impossible d’avoir le moindre échec qui compromettrais mes volontés de contribution au développement économique et social des collaborateurs avec qui je partageais les finalités des entreprises.

En cela, je me rapprochais d’un auteur et d’un texte qui a contribué à mes idéaux, je parle d’Albert Camus, dans « L’homme révolté » dans lequel il dit, « Qu’est-ce qu’un homme révolté ? un homme qui dit non », le non symbolisant l’existence d’une limite, d’une frontière au-delà de laquelle, tout comportement est intolérable. Le refus de collaborer est profondément positif puisqu’il révèle ce qui, en moi est toujours à défendre. L’insoumission est le fait du salarié informé, qui possède la conscience de ses droits.

Il existe une filiation entre Simone Weil et Albert Camus sur leur intransigeance vis-à-vis de la vérité dans le réel. Mes décisions traduisirent dans n’importe quelle situation sociale et économique la même fermeté quant aux accusations possibles. Ainsi, je n’eus pas de difficulté majeure à justifier mes choix, je n’eus pas à renouer avec la vérité que j’eusse trahi délibérément et je n’eus point à subir une perte d’estime de moi-même qui y conduit dans ces circonstances.

J’exercer ma lucidité, voir au-delà des fausses évidences, en refusant le manque de respect à mes collaborateurs et en leur apportant l’espoir. Mes pratiques managériales m’interdisent de rechercher, « le ou les coupables », toujours la quête du bouc émissaire, responsables de tous les dysfonctionnements, privilégiant en cela la compréhension de l’environnement, laissant l’espoir à des jours meilleurs. Le monde est si complexe que les changements ne pourront se faire que progressivement, sans pour autant condamner les aspirations issues de la rébellion toujours possible.

Adopter le refus, la désobéissance, c’est user de l’abstention volontaire à défaut de pouvoir agir selon ses croyances. Par cette attitude, je démontre que, malgré mon absence de pouvoir, je ne cautionne pas les décisions, les choix qui me sont imposés, et dans l’adversité, je me réapproprie une partie de mon existence. Retrouvant ainsi le peu de pouvoir qui se rétrécit à chaque instant, renonçant à l’échec, refusant les compromis, plutôt les compromissions, acceptant ce qui me semble bon pour les individus, apportant la preuve de l’obstination, et recommencer encore et encore, pour être juste entendu et reconnu.

Camus expliquait par le « refus de mentir sur ce que l’on sait » et par la « résistance à l’oppression », comment, malgré mes défaillances, mes incertitudes, mes doutes, j’ai sans cesse avancer, consenti à aller vers plus de vérité et vers plus de liberté.

Dans un monde médiatique ou la vitesse prime à la vérité, le souci de mieux informer, de mieux contribuer à la compréhension des événements sociaux doit nous engager sur la voie de la vérité, sans quoi nous perdrons toute la crédibilité durement acquise. Associer à des commentaires critiques, à l’émission de réserves, à des contradictions, à des commentaires argumentés, l’information portée par les dirigeants et les responsables permettra d’éclairer les salariés des réalités économiques et de gagner ainsi leur confiance. C’est à ce prix qu’une nouvelle forme de communication doit voir le jour, indépendante des conflits d’intérêts et des instances dirigeantes, afin de retrouver l’art de la critique, la pratique de la vérité et de la raison, sans quoi, ici comme ailleurs, tout sera dévalorisé.

Mes origines sociales, mon éducation, mes pratiques, me donnent à prendre conscience des difficultés des ouvriers, leurs façons de penser et il ne peut avoir à leur égard le moindre mépris vis-à-vis d’individus que je juge semblable à moi, à leur façon de se comporter, à leur manière de vivre ou de se tenir. J’expérimentais auprès d’eux, une forme de réconfort, une convocation à regarder leurs douleurs familiales et professionnelles, une invitation à réfléchir sur mon temps. A travers la morale politique d’Albert Camus, j’éprouvais une forme certaine de sensibilité ouvrière, faite de posture que j’appréciait telle que l’égalité plutôt que le prestige, la justice plutôt que la puissance. Cette sensibilité ouvrière, n’excluait pas, mais concourrait plutôt à des prises de positions qui n’admettaient pas l’absence de reconnaissance, la dévalorisation, l’humiliation. Chacun devait admettre implicitement que les rapports sociaux n’étaient pas seulement régis par des questions d’argent ou de profit, mais aussi par les sentiments qui nous interdisaient de sacrifier notre dignité, tout ce qui domine dans les relations entre les individus.

Albert Camus, dans le Mythe de Sisyphe, « Les dieux avaient condamné Sisyphe à rouler sans cesse un rocher jusqu’au sommet d’une montagne d’où la pierre retombait par son propre poids. Ils avaient pensé avec quelque raison qu’il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir », nous donne à voir dans la représentation du salarié, de l’employé, du collaborateur, du manager cadre ou du dirigeant, comment nous faisons abstraction de l’essence même des femmes et des hommes au travail, engagés par le sens, la reconnaissance et l’espoir, ainsi malheureux comme la pierre que nous roulons, prélude à la souffrance, aux risques psychosociaux, à la dépression, au burn-out, et même au suicide.

La quête de la reconnaissance s’impose comme un enjeu managérial face à de multiples incertitudes des métiers. Les demandes d’autonomie, les indéterminations de parcours dans les restructurations et les complexités d’intégration socio-professionnelles, l’instabilité des recrutements et des conditions d’emplois manifestent une perte de sens au travail et une diminution, voire une absence de reconnaissance. La conscience de la disparition de ces qualités professionnelles ne peut que contribuer à une dévalorisation de soi-même, et donc à la démonstration que je ne me reconnais plus dans mon engagement au travail.

Mais c’est aussi l’impossibilité d’être reconnu par ses pairs, sa hiérarchie, sa famille et son milieu social, confirmant ainsi que ce qui ferait sens pour moi, ne ferait plus sens pour l’autre. Il s’agit donc de rechercher cette quête, de toujours lutter afin d’obtenir la confirmation de sa propre valeur pour soi-même et aux yeux des autres si l’on ne veut pas endurer le mépris social. Au-delà de cette recherche, de maintenir un espoir de progrès social pour soutenir les salariés dans une environnement économique toujours plus contraint et source de désespoir pour les femmes et les hommes déconsidérés.

Des âmes condamnées à errer éternellement, comme trop d’hommes et de femmes le sont encore dans les entreprises, les organisations, et les administrations, à rouler tous les jours de la semaine, toutes les semaines du mois, tous les mois de l’année, et parfois des années durant, encore et toujours le même rocher.

Nul ne peut se satisfaire de sa condition et des conditions dans lesquelles les élites tiennent les citoyens, c’est à dire dans la médiocrité et la couardise. Les responsabilités de chacun appellent au refus d’accepter les décisions qui sont contraire au bien-être du plus grand nombre et contribuent à la paupérisation d’une partie toujours plus grande de la population, environ quelques 50 Millions d’habitants dont, pour la grande majorité, les revenus diminuent, tout en augmentant en nombre, quand simultanément, une catégorie de personne de moins en moins nombreuse, environ 1%, possède le quart de la richesse nationale.  

Tout citoyen doit refuser de se retrouver en situation de dépendance intellectuelle, dans l’incapacité de penser par lui-même, avec pour seul horizon d’honorer ses obligations pendant qu’une minorité foule au pied ces mêmes exigences au détriment de la grande majorité des citoyens français.

Chaque individu doit contraindre les dirigeants politiques et économiques à écouter les exigences attendues afin de rendre l’autonomie, la responsabilité et la fraternité possibles, pour façonner les solidarités, fondée sur le respect de tout un chacun.

Les obligations des responsables politiques se reconnaissent dans la capacité des citoyens à retrouver et utiliser leur entendement critique pour permettre au plus grand nombre de participer et d’orienter les décisions politiques, tant au niveau local, que régional et national..

 La liberté de refuser, d’exiger plus de transparence, d’impulser des changements dévoilent que les individus sont maîtres de leur destin, aptes à raisonner par eux-mêmes, capable de secouer le joug des contraintes politiques et sociales.

Je démêle aussi les prescriptions des élites politiques et économiques, «ne philosophez plus, nous pensons pour vous ! »

Je discerne par ailleurs, des bruits qui me disent «ne rêvez plus, croyez en nous ! »

J’entends de tous côtés, «ne raisonnez plus, œuvrez pour nous !» ;

Et surtout, je flaire le «ne récusez plus et payez pour nous » !

En quoi, moi, salarié, employé, fonctionnaire, étudiant, retraité, petit commerçant, agriculteur, technicien ou cadre, homme ou femme, suis-je dans l’obligation d’accepter et de subir toutes les conditions imposées par des élus, des responsables politiques ou économiques qui n’apportent que le mépris et la misère du plus grand nombre et surtout des plus démunis ?

Surtout lorsque les porteurs de ces décisions, de ces projets de lois ne respectent pas eux-mêmes les plus minimes de conventions de loyauté et de transparence.

L’éthique oblige tout individu, qu’il soit représentant politique, dirigeant d’entreprise, élu local, départemental, régional ou national, ou homme et femme portant dignement ce pays qui nous a été légué par nos ascendants.

Le refus de tout arbitraire contraire aux intérêts du plus grand nombre, qui ne produit pas le bonheur des citoyens ne peut qu’être récusé par des actes de désobéissances civiles ou citoyennes. 

Les actes contraires devront être soumis à l’avis des citoyens pour en apprécier les fondements, leurs mises en application ou leurs désaveux. Cependant tous les individus qui iront à l’encontre de toutes ces décisions ne devront pas supporter l’injustice, mais au contraire exposer fièrement leur devoir de citoyen, en ayant contribué à démontrer les injustices induites par ces actes commis en leur noms par des représentants abusant de leurs pouvoirs.

Un gouvernement, des dirigeants qui ne trouvent pas indigne que leurs concitoyens, leurs employés usent de prérogatives pour obtenir la réalisation de leur autonomie, de leur responsabilité, de leur bonheur et de leur liberté obtiendra la reconnaissance de toutes ces femmes et hommes pour là et maintenant, et qui perdura au travers des générations. 

Et lorsque les entreprises, les hommes politiques reconnaitront enfin la dignité, la vocation pour la pensée libre, permettant à chacun d’utiliser sa pleine conscience aux décisions collectives, alors cette forme de raisonnement irriguera le plus grand nombre jusqu’à devenir la forme ultime de la cohésion au service de tous.

« Ayez le courage de vous servir de votre propre entendement ! » Emmanuel Kant

« Soyez résolus de ne plus servir, et vous voilà libres ». La Boétie

Chronique politique : 4 avril 2015

Un citoyen qui croit aux prophéties auto réalisatrices !

Source de l’article d’origine : Chronique politique – Mediapart.fr – Le blog de Guy Bulit

  1. Transparence et vertu de l’action politique

 J’ai rêvé d’une société ou la transparence politique serait élevée au rang de vertu, qui permettrait à tout citoyen, de connaitre et de porter un jugement critique sur les engagements et les dépenses des élus.

J’ai rêvé d’une société ou les élites politico-médiatiques arrêteraient de porter des jugements condescendant et des opinions arrogantes sur « les gens de peu » tenant du mépris et de l’avilissement.

J’ai rêvé d’une démocratie, gagnée par la confiance, accordée par l’ensemble des citoyens à ses représentants, créant ainsi une forme d’appartenance, emblématique d’un attachement à nos institutions politiques.

J’ai rêvé d’une République dans laquelle tous les ressortissants, confrontés aux études qui montrent leur intérêt de plus en plus élevé pour la « chose » politique, auraient retrouvé toute leur capacité d’implication critique, et contribueraient de manière positive aux débats publics.

J’ai rêvé d’un espace public dans lequel, ce que pense le citoyen correspond à ce qu’il voit faire par l’homme politique, avec des conséquences concrètes pour la constance dans l’action et des choix de société décidés à l’unisson de tous les bénéficiaires.

J’ai rêvé d’un système politique, aux antipodes de la démocratie actuelle, confrontée simultanément à une perte de bien fondé et un manque d’efficience, avec des implications sur le niveau local, régional, national et supranational, reposant sur l’efficacité et sur la légitimité, dans lequel un équilibre serait trouvé entre le temps des décisions et les acceptations attendues;

J’ai rêvé d’une société publique dans laquelle les informations et les débats proposés porteraient sur l’impartialité des renseignements transmis, qui subrogerait un dialogue désinvolte, témoignage d’un mépris social pour ceux que les dépenses somptuaires indignent.

J’ai rêvé de responsables politiques qui ne se cacheraient pas derrière de faux semblant pour analyser les causes d’une très forte abstention ou de votes vers des extrêmes, en suggérant un vote « obligatoire », oubliant les leçons de pays voisin et une introspection de leurs responsabilités.

J’ai rêvé d’une organisation politique, sociale et économique dans laquelle aucun « expert » ne sauraient se juger par lui-même, mais soumis à l’appréciation des électeurs et des citoyens au regard de leurs vertus et de leurs contributions dont l’ensemble de la population tirerait avantage.

J’ai rêvé d’un engagement politique, élevé au rang de vertu par son dévouement, moyen le plus efficace, le plus équitable, le plus transparent, avec pour objectif, l’affectation des charges et des prérogatives publiques afin de désigner tous ceux qui pèseront sur les orientations législatives.

J’ai rêvé d’une société politique dans laquelle la connivence et la soumission ne seront plus, exalter par les engagements pris par les nouveaux responsables du jeu démocratique et emporter par les espoirs de tous les citoyens en la croyance de nos institutions, converties à l’exemplarité.

J’ai rêvé d’un pouvoir représentatif qui, en lieu et place d’une aristocratie héréditaire, maitre d’œuvre de la confiscation de la démocratie par les élites, les médias et les hommes « supérieurs », apporterait la sérénité de notre vivre ensemble pour retrouver la confiance durablement perdue.

J’ai rêvé de la disparition de mots tels que Monsieur plus le Titre, Monsieur plus la Fonction, les mots assujettis ou usagers, afin de réconcilier les citoyens avec leurs représentants et ne plus porter « en symbole » comme un étendard le statut social et politique qui constitue la première apologie du mépris.

J’ai rêvé que tous les candidats et les élus prêteraient attention à toutes les femmes et hommes de leurs collectivités ou circonscriptions, non pas seulement quelques semaines avant les élections sur les marchés, lors de rassemblement ou de réunions selon leurs besoins mais, plutôt tout au long de leur mandature et qui dédieraient leur tout temps et leur engagement au gré des nécessités des populations.

J’ai rêvé que nos dirigeants politiques n’auraient plus comme seul objectif la prise du pouvoir et de s’y maintenir lorsque il est pris ; et que contrairement à ce qui est annoncé, dès que l’on parle de bien de la nation, de république, du souci du peuple, d’intérêt général, c’est fait pour exactement pour défendre l’inverse ; ce qui intéressent nos élites qui nous parle d’intérêt général, c’est leur intérêt personnel ! 

J’ai rêvé d’une politique qui aurait retrouvé le sens du concret, du réel ; de ne plus faire de la politique avec des idées, des concepts, des grands débats, mais la penser en résolution du factuel, de la vérité, de la dignité, du pouvoir d’achat, de l’éducation de ses enfants, de l’accès aux soins et de bénéficier de sa tranquillité.

J’ai rêvé une société dans laquelle, des femmes et des hommes choisis par la population, profondément motivés, missionnaires pour un projet collectif, des personnes qui auraient le sentiment profond de porter une ambition pour leur pays, d’afficher un destin, de communiquer une âme à leurs concitoyens et de donner des raisons profondes de se battre !

J’ai rêvé de décideurs politiques, sans suffisance pour ne point mépriser les personnes, qui leurs permettraient de passer d’une logique de l’obéissance à une logique de responsabilité.

J’ai rêvé d’une société dans laquelle les femmes et les hommes ne paieraient plus la mauvaise gestion, le trop de papiers inutiles, le trop de réunions absurdes, le trop de commissions farfelues, le trop d’incompétence et tout l’argent dilapidé par nos gouvernants!

J’ai rêvé d’un peuple qui pourrait avoir des élus qu’il respecte par isomorphie, qui finiraient par être des représentants politiques respectables, afin d’ériger la confiance en vertu cardinale.

J’ai rêvé d’une société où nous aurions moins de certitudes quand nous devons avoir de plus en plus de convictions, ou nous pourrions croire en un avenir plus prospère, ou pour faire face à l’incertitude, il ne faut surtout pas avoir de certitude que l’on va appliquer à l’incertitude, mais porter des vérités .

        2. Représentation et participation citoyenne

 J’ai rêvé d’une représentation politique, portée par un système de quotas, appliqué à toute la sociologie française et qui, comme un symbole, accorderait le droit à la délégation de responsabilités à des élus correspondant à leurs électeurs.

J’ai rêvé d’un système électoral ouvert à tous, non aristocratique qui permettrait la représentation de tous, d’égal à égal, bénéficiant d’un accès, à la hauteur de tout un chacun, à la parole et aux propositions, et non d’une reproduction des soi-disant « meilleurs » ou « supérieurs » aux citoyens.

J’ai rêvé de représentants politiques, élus ou désignés, issus de toutes les classes sociales et de toutes les origines, qui ne soient pas affidés à de grandes familles, associations, partis ou syndicats, qui ne s’échangeraient pas les postes, une pseudo-élite s’arrogeant tous les pouvoirs, qui ne laisse aux citoyens qu’un ambigu refus électoral, plus fictif que réel, adossés à un « jeu » truqué, par des choix offerts toujours prédéterminés. 

J’ai rêvé d’une démocratie ou les élites accepteraient que le peuple, dans sa multitude, tous les âges, tous les sexes, toutes les origines, toutes les vertus, toutes les misères, pourrait se choisir des représentants fidèles à leurs convictions, qui gouverneraient par délégation selon leur engagement, remis en cause ou révoqués pour non probité.

J’ai rêvé que les citoyens, forcés de s’abstenir pour tous les « rêves »non satisfaits, soient comptabilisés, pris en considération au même titre que les électeurs, certains votants par complaisance ou intérêt, afin d’en « peser » l’accablement.

J’ai rêvé d’une représentation nationale, qui sans considération aucune, s’évertuant à représenter le peuple de France, ne symboliserait plus ses propres intérêts, qui constituée de mandataires et non de « sénateurs », serait au nombre de 1 élu pour 200 000 habitants et 1 désigné pour le même nombre d’habitants.

J’ai rêvé d’institutions politiques ou aucun élus ne pourraient renouveler son mandat dans le temps, ou aucun élus ne s’autoriseraient à briguer plusieurs mandats électifs simultanément, mais s’accommoderaient d’une seule vocation, celle d’incarner son électorat et restituer la confiance apportée à ses représentants.

J’ai rêvé à une société ou les femmes et les hommes peu qualifiés n’entretiendraient plus d’angoisse à l’égard du monde extérieur, et qui éliminerait la fracture sociale actuelle entre ceux qui ont les « bonnes » formations et ceux qui se sont limités à des études secondaires.

J’ai rêvé d’un Parlement ou les « peu » qualifiés seraient représentés au même titre que toutes les autres classes sociales, opposé à une démocratie de « diplômés et de nantis», manifestant ainsi une forte aspiration à un engagement dans la vie des affaires publiques.

J’ai rêvé d’une communauté de citoyens ou la « désobéissance civile » serait brandie par le plus grand nombre, refusant d’apporter sa voix à un gouvernement qui ne respecterait pas des principes de justice et d’impartialité.

J’ai rêvé d’un système d’élection dans lequel le droit de vote serait redevenu une composante reconnue de la citoyenneté, par l’organisation d’une démocratie délibérative qui introduira des chemins vers l’émergence d’avis dument informé et la création d’opinions individuelles.

J’ai rêvé d’une représentation électorale qui serait le reflet objectif des classes sociales et ne pénaliserait pas les catégories affectés par la précarité et l’instabilité professionnelle, avec pour conséquences de fortes inégalités territoriales.

J’ai rêvé d’un système électoral qui n’aggrave pas les inégalités de représentation par des contraintes insupportables et inutiles(ou peut-être utiles !), des démarches d’inscriptions sur des listes, porteur d’isolement et d’ostracisme, engendrant des phénomènes de rejet.

J’ai rêvé de constitution de liste et de dépôts de candidature basés sur une représentativité sociale avérée, caractérisés par des femmes et des hommes au service de leurs électeurs, et non pas d’ « apparatchiks » de la politiques, de descendances claniques ou de transmissions héréditaires.

    3. Communication et médiatisation

 J’ai rêvé d’un journalisme télévisuel, écrit ou sur le Net, respectueux d’un pluralisme, non pas guidé par le poids des partis politiques, mais par la représentativité sociologique de la France, et qui ne serait pas le complaisant d’une propagande au service des élites, des « penseurs pour le peuple » et des puissants.

J’ai rêvé d’une démocratie qui, au-delà des discours des « donneurs de leçon médiatiques », lèverait, par une réconciliation avec les masses, une majorité pour croire en sa pratique universelle, partagée et encouragée.

J’ai rêvé de gouvernants qui, impuissants face à la désespérance, génératrice de désespoir et de colère, et qui, ajouté à leurs incapacités, ne s’accompagneraient pas d’une surexposition médiatique allant du trivial aux conflits futiles.

J’ai rêvé d’une structure sociale dans laquelle les responsables politiques, économiques, journalistiques n’ajouteraient pas à l’accentuation de « l’incidentalisme »qui autorise les journalistes à privilégier les incidents qui attirent les médias au détriment des réflexions de fond, déchainant une hystérie médiatique exagérée et artificielle qui n’est pas de nature à restaurer ni les vérités, ni la confiance.

J’ai rêvé d’une convention clairvoyante ou les élus et les dirigeants politiques prendraient en considération les analyses objectives des intellectuels et des chercheurs de tout bord, afin d’affermir leurs prises de décisions et non de servir de supplétifs aux vedettes des soi-disant « experts »présent dans les médias.

J’ai rêvé d’un système politique ou le dialogue serait permanent entre des responsables élus ou désignés et les citoyens, ou chacun prendrait le temps réfléchir, de s’informer, sans aucune « pression » médiatique, électorale ou « sondagiaire ».

J’ai rêvé d’un gouvernement qui n’administrera que le peu fondamental, se concentrera sur l’édification d’un langage commun et explicite au plus grand nombre afin de refonder une démocratie accessible à tous, créant les conditions de la solidarité sur les désaccords qui déchirent la société.

J’ai rêvé de schéma médiatique qui assurerait l’égalité d’accès à la parole publique et aux outils de communication, en particulier à certains groupes sociaux à qui l’on n’accorde aucune visibilité médiatique, qui n’ont aucune capacité de défendre leurs opinions et qui font l’objet de stigmatisation.

J’ai rêvé de citoyens à qui l’on attribuerait toute latitude pour prendre le temps de la réflexion et élaborer des propositions et des avis responsables, contrairement à la pratique des sondages d’opinion, méprisant le principe du délai de discernement et donnant corps à des préjugés.

J’ai rêvé d’une nation ou le consentement des citoyens ne serait plus accordé aux représentants de celle-ci à la vue des servitudes endurées, ou les citoyens ne se résigneraient plus face aux injonctions médiatiques et sauraient dire non à toutes les décisions contraires à l’intérêt général!

J’ai rêvé que nos élites politiques et médiatiques ne confondraient pas, par isomorphisme les pyramides hiérarchiques et sociales, le fait qu’étant « tout puissants », nous laisseraient à penser qu’ils nous sont socialement supérieurs, mais que hiérarchiquement différent, ils sont socialement à égalité de citoyenneté et ne pas méconnaitre que les fausses révérences engendrent les vraies hypocrisies.

J’ai rêvé un Etat dans lequel l’obligation d’enseignement ne serait plus affichée par les médias et les gouvernants, mais qui engagerait un budget pour l’éducation dont exigent les femmes et les hommes pour bénéficier des compétences requises par l’économie et la société, condition indispensable à la survie de la cité.

J’ai rêvé de citoyens qui voient dans le regard des responsables politiques quelque chose qui ressemble à un espoir, une vision, un projet, une passion, qui admettront que ce qui nous a fait gagner hier peut nous faire perdre demain, et qui prédiront moins pour plus se projeter.

J’ai rêvé que le nombre de personnes, qui regrettent le passé sera moins important que les citoyens qui ont l’appétit du futur sinon, nous reviendrons au passé ; les faillites ne sont pas un hasard, c’est un environnement dans lequel le peuple n’a plus d’espoir.

J’ai rêvé d’une nation de visionnaires dans laquelle on ne prédirait pas l’avenir, mais on aurait l’envie de faire avec les femmes et les hommes un Etat meilleur sur le plan économique, meilleur sur le plan social, meilleur sur le plan environnemental, et qui s’engageraient sur des décisions impopulaires et peu médiatiques pour servir l’intérêt général de demain.

J’ai rêvé de responsables politiques visionnaires dans les projets, passionnant dans l’exécution, positif dans la conduite, exemplaire dans la morale pour rendre des femmes et des hommes apparemment ordinaires, des citoyens extraordinaires.

J’ai rêvé d’un Etat où les hommes politiques ne feraient pas de la politique leur métier mais leur passion d’un temps, sans visée à long terme, à y mettre toute leur force et leur conviction, avant de s’en retourner à leur véritable profession, car la recherche de l’élection sans fin est la mort de l’intérêt général et la victoire du populisme.

     4. Conclusion

 J’ai rêvé, contrairement aux « Faits du Prince » que, pour parvenir au pouvoir, tout n’était pas possible, et que pour s’y maintenir, tout n’était pas acceptable. !

J’ai rêvé, comme Mirabeau, que lorsque nous voyons ou nos belles têtes ont mené le pays, il ne serait pas inutile d’essayer les mauvaises !

« Soyez donc réso­lus à ne plus servir et vous serez libres »

Le discours de la servitude volontaire(1549)

Etienne de la Boétie(1530-1563)

Les jeux pédagogiques de l’IASG au sein du Mastère Spécialisé® Management des Organisations du Sport à Audencia Business School

Explication et interview avec Guy Bulit, président-fondateur de l’IASG (Innovative Active Sports Games) et intervenant-formateur dans le programme Mastère Spécialisé® Management des Organisations de Sport (MS MOS) – Audencia Business School

Mastère Spécialisé® Management des Organisations de Sport (MS MOS)

Source d’origine de l’article (2016) : Nouvelle année, nouvelle promotion et nouvel article !

En cette nouvelle année, le blog du mastère spécialisé Management des Organisations de Sport (MOS) fait son retour ! L’ensemble de la nouvelle promotion vous souhaite une bonne année 2016 et vous propose un premier article, sous la forme d’un interview.

Le 24 novembre dernier, le MOS accueillait pour la première fois M. Bulit dans le cadre du module “Acteurs et régulation des flux” pour un cours de contrôle financier. La promo, séparée en 2 groupes, allait vivre 3 jours originaux, où le cours ne se déroulerait pas assis derrière une table, mais par terre autour d’un plateau de jeu. Retour sur cette expérience avec l’interview de M. Bulit et l’avis de quelques étudiants.

M. Bulit, pouvez-vous nous expliquer le déroulement du cours que vous nous avez proposé durant ces 3 jours ?

C’est un cours assez simple qui est composé de modules d’auto-formations permettant de se remettre à niveau, et d’une grande partie de mise en pratique via un jeu qui simule la vie d’une entreprise. L’objectif est d’être au plus proche des métiers que les étudiants pourront exercer demain.

Cette simulation a pour finalité la prise de décision des étudiants, de les mettre face aux problématiques qu’ils auront à gérer dans leur carrière.

J’ai choisi ce format de cours car je m’adresse à un public proche de l’activité professionnelle. Lorsqu’on est en bac+6, on n’est plus en âge de perdre du temps, il faut de l’efficacité, on n’est plus là pour apprendre de manière scolaire par le biais de cours magistraux, mais on doit maitriser les acquis, et savoir les manipuler, d’où l’application par le jeu.

Pourquoi ne pas s’être contenté de l’établissement des reportings classiques du contrôle financier (compte de résultat, bilan, etc.) ?

Aujourd’hui, beaucoup de managers demandent des reportings, sauf qu’ils ne nous apportent “rien du tout”. La finalité d’un manager, c’est de faire des propositions, mettre en place des actions, prendre des décisions et mesurer l’impact de ces décisions.

L’idée du cours n’est pas de s’arrêter aux chiffres, mais d’avoir une vision managériale. Il faut également intégrer des données économiques. Aujourd’hui, tout le monde est évalué sur ses résultats économiques. Il faut donc mettre en relation ces résultats économiques avec les décisions que l’entreprise peut prendre. Il ne faut pas oublier que les résultats sont un moyen et non une finalité. Ils sont un moyen pour décider de nouveaux investissements, de nouveaux plans d’actions.

Quelles dimensions sont prises en compte dans ce jeu ?

On prend en compte toutes les dimensions : choix de la stratégie, des actions que l’on va mettre en place (R&D, marketing, vente, management, etc…), d’interprétation et d’analyse des résultats, être force de proposition et de mise en action, etc.

A quel niveau de formation faites-vous vos cours ?

Je donne mes cours dans les mastères 1 et 2 et Exécutive qui forment aux métiers du domaine du Management du sport.

Comment développez-vous vos jeux ? Combien cela vous coûte-t-il ?

Tout d’abord, j’ai le statut d’autoentrepreneur. Lors de la création d’un jeu, je suis le maître d’œuvre. C’est-à-dire que je construis le cours, je mets en place mes outils de simulation Excel et je construis ma pédagogie autour du jeu (architecture, durée, objectif, séquence de jeu, comment je vais dérouler mon cours, etc.). Ensuite, une amie m’aide sur la finalisation du modèle Excel. Enfin, je fais appel à un spécialiste de création de jeu pédagogique qui me propose le processus du jeu, met en forme l’ensemble des supports et fait les adaptations nécessaires. Il est aussi en charge de l’impression. Au final, un jeu coûte environ 3000 €.

Parlons un peu plus de vous. Quel a été votre parcours ?

Je viens du milieu industriel. J’ai été entre autre directeur de supply chain, directeur d’une filiale d’une société spécialiste de moules industriels. J’ai aussi été directeur de filiale dans un centre de formation, et en 2006, j’ai développé une pédagogie basée sur la mise en œuvre de jeu applicatif.

Depuis 2 ans, j’ai démissionné de toutes mes responsabilités afin de me consacrer entièrement au développement des jeux. J’ai terminé un MBA Executive dans le Management du sport afin d’avoir une reconnaissance Universitaire qui donnera de la consistance à mon CV pour pouvoir mieux diffuser mes connaissances métiers en appliquant les concepts pédagogiques qui me semble les mieux adaptés à l’apprentissage professionnel .

Comment voyez-vous la suite de votre activité naissante ?

Je souhaite dans un premier temps continuer de développer mes jeux. A l’heure actuelle je dispose de 4 jeux pédagogiques dont un qui est en cours de finalisation avec l’aide du LOSC au sujet des problématiques financières d’un club (comment apprend-on la décision d’acheter une star, l’impact sur le merchandising, les médias, la justification économique et sportive d’un Centre de formation, etc.). À plus long-terme, ma finalité est de faire des conférences sur le management.

Retour des étudiants :

“Très interactif. On apprend plus vite en faisant des jeux de simulation qu’en faisant un cours magistral de finance (ma formation initiale). C’est un cours très agréable. C’est d’ailleurs la première fois que je reste 1h30 après un cours.”

“C’est un cours très ludique. La mise en pratique est très concrète. C’est un cours qui apporte une vraie plus-value pour notre futur car on cherche à comprendre les ratios et non pas seulement les calculer. On simule des décisions qu’on aurait pu prendre dans la réalité”

Propos recueillis par Emeline Le Thomas et Aurélien Hénon

Réflexions sur l’état du rugby français – Néant

Source de l’article d’origine : Réflexions sur l’état du rugby français – Néant – Mediapart.fr – Le blog de Guy Bulit

« Néant » comme le titre à « la une » du journal l’Equipe du Dimanche 19 Novembre 2017, au lendemain de la défaite de l’équipe de France de rugby contre celle d’Afrique du sud, score 18-17 pour celle ci.

Imaginons donc le titre de « la même une » si le score fut inversé !! Exceptionnel, sublime, éblouissant, extraordinaire … et j’en passe !!

Et quelles réflexions, analyses pertinentes et intelligentes auraient été énoncées pour justifier de tels déferlements de commentaires tous plus contradictoires les uns que les autres ?

Un état des lieux à faire

Que constatons-nous aujourd’hui, sachant que ces évidences auraient pu être portées depuis bientôt 30 ans ?  

Le rugby se joue en équipe au service des individus et non le contraire. Un principe de base qui tend à être inversé sous la pression des dirigeants, des médias et du monde économique.

Mais surtout la pratique du rugby procède de trois qualités depuis longtemps oubliées, époque du « french flair », au bénéfice du collectif.

Ces trois qualités que sont la vitesse d’exécution, la haute technicité des attitudes, des mouvements et des réflexes, le tout associé à l’intelligence situationnelle des joueurs. Ces aptitudes appartiennent aux fondamentaux du joueur de rugby depuis le début de la pratique de celui-ci. Un corollaire direct de ces qualités est le plaisir du jeu, de le voir, mais surtout pour les joueurs, de le pratiquer.

Je veux, je souhaite, par cet article revenir sur quelques principes éthiques de comportement, rappeler quelques évidences sur la pratique du rugby tel que nous le rencontrons dans certains pays, pays dans lequel le rugby est un sport « neuf » (comme le Japon, l’Argentine) ou à l’extrême, contrée dans lequel sa pratique est ancestrale.

La France, à l’opposé de la plupart de ces pays, s’est égaré dans le choix des orientations retenues depuis plusieurs décennies, reposant en grande partie sur les notions de force, puissance physique, impact, densité, taille et poids.

Tout cela pour produire un nouveau rugby, proposer le soi-disant « meilleur » championnat lequel, en réalité, se voulait être le plus spectaculaire et non le meilleur. 

A cause de l’attrait financier du championnat français, lequel a pour but de valoriser les droits audio-visuels, d’attirer les spectateurs devant leur petit écran, promu par des instances nationales guidées par les seuls enjeux économiques et politiques, le championnat ne laisse même plus la place aux jeunes joueurs des terroirs, et force est de constater la déferlante de stars venues de tous horizons aux postes clés des grands clubs.

Pourtant, parfois, portés par les médiologues de tout poil, l’arrivée de jeunes joueurs nous est toujours présentée comme la panacée, comme si tous les dysfonctionnements pouvaient disparaitre avec l’apparition d’une nouvelle génération. Combien d’entre eux ont fait leur preuve au niveau international ? Peu, très peu.

Après quelques dizaines de minutes de jeu en TOP 14, titulaires à temps partiel, et aussitôt « starisés », nous les voyons disparaître aussi vite que venus, ou finalement perdre leur inventivité, tomber dans les travers des orientations données depuis des décennies.

L’équipe de France dans tout ce cirque médiatique est bien oubliée. Les clubs veulent des victoires, quitte à freiner le jeu, à limiter les risques, à mettre les stars sur le terrain et garder les jeunes pousses dans leur pot, et quand elles en sortent, elles sont bridées par des systèmes de jeu fermés qui reposent sur la puissance et la force, car l’impact est médiatique, l’évitement ne l’est pas.

Une des causes principales : les statistiques médiatiques

En cause, les médias, les journalistes, les soi-disant experts au service d’un produit de marketing qu’il s’agit de vendre aux spectateurs et aux futurs abonnés. 

Il n’est en effet aucunement besoin de présenter et d’abreuver le grand public, naïf ou connaisseur, des théories, des analyses de jeu complexe, argumentées seulement par des étendues de chiffres et de stratégies indéchiffrables, avec pour seul objectif d’assujettir le spectateur à son programme chèrement payé, quand en vérité les tactiques en place sont aussi pauvres et brèves.

Cette éclosion des analyses chiffrées dans le rugby a généré l’apparition de praticiens, d’experts en tout genre, de pseudo-journalistes sportifs, de théoriciens de tout, de médias attirés par l’argent, tous au service d’un sport qu’ils ont contribuée à amener dans l’état ou il se trouve.

Portés par la communication marketing, en utilisant les convoitises des consommateurs abonnés ou spectateurs, en standardisant les orientations promues, les médias sportifs et leurs actionnaires ont créé, au sens de H. Marcuse « l’homme unidimensionnel sportif ». Les individus, acheteurs d’abonnement de stade ou de programmes sportifs réagissent comme des suiveurs de modes, et subissent une aliénation réelle devant un spectacle qu’ils pensent extraordinaire parce qu’on le leur rabâche les oreilles et les yeux, et parce qu’ils le paient chaque semaine, chaque mois ou à la demande. Ces soi-disant journalistes et experts n’agissent que comme des « vendeurs » de représentations sportives, justifiant ainsi les couts exorbitants des droits audios visuels qu’ils faut bien replacés au près des futurs abonnés. Les conflits d’influences apparaissent à chaque émission, à chaque expression avec pour objectif de présenter le produit sportif dans son plus bel « emballage » médiatique, dans la plus pure application des pratiques de communication publicitaire.    

 « L’homme unidimensionnel sportif » s’est aussi approprié le monde de l’esthétique. Depuis la prise de pouvoir de l’économie libérale, la culture sportive n’a pour seul et unique objectif, que le divertissement. Il suffit de voir les usages intempestifs des supports sportifs, des évènements relatant les compétitions, destinées à la promotion publicitaire des biens de consommations, des marques de produits de grande diffusion.

A quoi assistons-nous que ce soit les weekends de TOP 14 ou pendant les matches internationaux de l’Equipe de France ?   

Rien de plus que les conséquences des choix déterminés par tous les soi-disant scientifiques du rugby. 

La forme de pensée promue par cette société économico sportive considère que toutes les réflexions intellectuelles différentes, toutes les prises de recul relatives à la production de savoir ne sauraient remettre en cause l’ensemble des discours ambiants. La forme du langage ainsi utilisé, dénuée de toute charge négative, perpétue des pratiques communicationnelles qui visent à désigner des mots, des expressions, des savoirs, orientés vers une forme de jeu qui renvoie aux objectifs médiatiques, et tue, de ce fait, toutes les pensées critiques. Ainsi est créé un univers d’où sont exclues toutes les nouvelles idées censées enrichir la vision critique de l’environnement du rugby.

Les mots énoncés pour le dire suffisent à eux même et reflètent la pratique de ce jeu-là, portée par les termes successifs de conflit, hostilité, collision, choc, télescopage, lutte, combat, intensité, violence, guerrier, acharnement, commotion, dur au mal, tous les adjectifs qualifiant les plaquages durs, le tout semblable à des affrontements de rue plutôt qu’à la pratique d’un jeu de ballon.

Au-delà des mots employés, s’ajoutent depuis quelques années, les « contrôleurs de gestion » du rugby, producteurs de statistiques, plus savantes les unes que les autres, au service de tous les pseudos experts et techniciens, qui ne parlent plus que de mètres avancés, de ballons portés, de mètres parcourus, de plaquages manqués, de ballons perdus.

L’on n’écoute plus que cela et en découle la pratique d’un sport loin des attendus, avec des matches caricaturant les orientations imposées, une fréquentation des stades irrégulières mais toujours des élans lyriques de la part des journalistes et experts du rugby.

Sur tous les terrains du Top 14, des actions de jeu hachées par les fautes de mains incessantes, des ballons mal contrôlés ou des passes mal ajustées, des séquences dignes des sports de combats, un temps de jeu effectif très en retrait des standards internationaux, des phases de jeu lentes, des transmissions au ralenti, des affrontements féroces, des chocs violents, le tout loin des envolées attendues de la part de la pratique de ce sport.

A la lumière des qualités développées pour les joueurs, issues des réflexions prônées par les soi-disant experts et conseillers, nous retrouvons sur les terrains de jeu, la mise en œuvre de celles-ci : un sport basé sur la force, le poids, la densité, les collisions, pratiqué au rythme des qualités physiques déployées. Des avants de déplaçant lentement, avec une technique rustre, et dont le seul objectif est d’enfoncer l’obstacle qui se présente devant eux, voire de tomber au sol avec pour but de protéger le ballon plutôt que de le faire vivre. Des demis lents dans les transferts de jeu, dans les variations d’orientations et d’une diversité d’options indigentes. Des trois quarts avec le même point commun que les avants, à savoir l’affrontement direct, une technique indigne du niveau international, ne maitrisant pas les gestes fondamentaux, assortis d’une lenteur d’exécution patente, facilitant la réorganisation défensive sans aucune difficulté.  

Pour résumer, nous pratiquons un rugby avec la vitesse du plus lent, l’affrontement du plus lourd et l’intelligence du plus démuni.

Avec pour résultat un championnat dans lequel le nombre de commotion explose au détriment de la santé des joueurs.

Et quelles propositions ?

Tout d’abord, la remise à plat des instances nationales. Il s’agit de redéfinir les missions de chacune d’entre elles qui doivent être exercées dans un environnement serein, loin des enjeux économiques et politiques. Leur objectif devrait être seulement au service des jeunes joueurs, des clubs, du public, de la promotion de ce sport-là et plus globalement de l’intérêt général centré sur l’éducation, la santé et l’humilité pour toute la jeunesse concernée.

Ensuite le retour sur les bases d’un rugby orienté vers le plaisir de jouer, de pratiquer un jeu fait d’envolées spectaculaires, un jeu de vitesse et d’intelligence du mouvement, mais un jeu marqué par le respect de l’adversaire et de tolérance, empreint d’humilité. Je prône un retour aux valeurs authentiques portées par ce sport et non aux simulacres de valeurs médiatiques énoncées depuis quelques décennies.

Les conditions réunies pour un tel projet de jeu passent par les trois qualités évoquées plus haut, à savoir, la vitesse d’exécution, la haute technicité des attitudes, des mouvements et des réflexes, le tout associé à l’intelligence situationnelle des joueurs.

Cela conditionne la réorganisation de la formation initiale chez les plus jeunes, chez qui il faudra détecter les prémices de ces qualités-là, leur apporter les fondamentaux de ces pratiques et surtout les mettre très tôt en situation réelle de jeu. Ils pourront alors développer ces capacités identifiées comme incontournables et vers lesquelles tout joueur devra s’évertuer à les renforcer afin d’être capable de s’adapter à toute situation de jeu nouvelle et imprévue.  

Ainsi nous retrouverons des avants à la dextérité digne des plus grands, des transmissions rapides et précises, des passes ajustées dans n’importe quelle situation, des joueurs focalisés sur la conquête du ballon et non la destruction de l’adversaire, des joueurs qui proposent de nombreuses alternatives, disposant d’une panoplie de solutions techniques applicables à des contextes de jeu inédits et déroutants.

Nous admirerons des demis qui maitrisent toutes les variations de combinaisons possibles, les anticipent, les réalisent avec le maximum de vitesse, dominant les gestes techniques les plus complexes ou remarquables, toujours au service d’un partenaire et du collectif.

Des trois quarts, arrière compris, préparés à toutes les initiatives possibles, qui favorisent les décalages, l’évitement, l’engagement dans les espaces, s’engouffrant dans les intervalles crées, toutes ces techniques en mouvement pratiquées avec la plus grande vitesse, la vélocité nécessaire et la précision requise qui ont pour objectif de déstabiliser les adversaires, de les éviter, de les dépasser pour parvenir derrière la ligne d’embut.

Il s’entend que la base de la formation doit s’organiser autour de la répétition des conditions réelles de match afin de permettre aux joueurs d’emmagasiner des situations de jeu inconnues, de mémoriser des comportements appris, de faire preuve d’inventivité afin de proposer des positions aléatoires, seules à même de désorienter l’adversaire. Ces jeunes joueurs seront alors animés par une inspiration sans cesse renouvelée, le tout légitimés par des postures, des attitudes et des réflexes singuliers et non conformistes

J’ajouterais que cette formation doit s’appuyer sur des valeurs de respect, d’humilité, de tolérance, de santé des joueurs, de plaisir de jeu au service du collectif et les faire partager par tous les staffs techniques, administratifs et dirigeants, sans oublier les adversaires et les arbitres.

Imaginons un rugby futur que nous pratiquerions avec la vitesse du plus rapide, l’évitement des plus virtuoses et l’intelligence situationnelle des meilleurs stratèges.

Tout cela suggère une déconnection entre les enjeux économiques, médiatico-politique de la part des dirigeants, des instances nationales, des clubs. Le rugby n’est pas au service des intérêts personnels et financiers mais doit être vu dans l’intérêt général des jeunes pratiquants.

J’entends aussi rejeter cette nouvelle vision purement comptable du rugby, sous formes de statistiques diverses tel que le pratique les « contrôleurs de gestion », producteurs de données et de résultats, qui n’ont de valeur que pour ceux qui les produisent. Données donc inutiles si ce n’est pour les médias et les experts, donnant la vision d’un sport tel que le rugby et d’autres, gérés comme le gouvernement qui gèrerai la France dans l’attente de la parution des statistiques.

Je rappelle que « le contrôle de gestion », « la comptabilité », « les statistiques » ne sont que des outils et que comme tels, ils doivent être destinés à des usages spécifiques, au service d’une politique d’ensemble, d’une vision, d’une stratégie de club et d’une ambition pour un projet de jeu. Sans ces pré requis, tous ces outils, les personnes qui les produisent et les analyses ne font que du bruit dans le vide des organisations du sport.

Un autre aspect de cet environnement relatif au rugby, mais aussi à d’autres sports mérite une attention particulière. La société médiatique récente n’a pas réduit, elle a plutôt multiplié les fonctions parasitaires et aliénantes : la publicité, les relations publiques, la communication, l’endoctrinement et le gaspillage organisé qui ne sont plus désormais des dépenses improductives, mais intègrent les coûts productifs de base et que, par duplicité, elle fait assumer aux futurs abonnés modestes.

« La pensée unidimensionnelle » est rationnellement récupérée par les faiseurs de politique sportives et par leurs fournisseurs d’informations de masse, dans un univers spéculatif, plein d’hypothèses, qui trouvent en elles-mêmes leur justification et qui, répétées de façon incessante et exclusive, fonctionnent comme des somnifères de la pensée, associées à des formules sous forme de « slogan » publicitaire.

La pensée individuelle est « noyée dans la communication de masse », selon Marcuse. Il pointe ainsi le double rôle des médias, informer et ou divertir, conditionner et ou endoctriner. Les comportements et les pensées s’unidimensionnalisent par la publicité, l’industrie des loisirs et de l’information. Les conséquences sont des discours de journalistes, experts et autres conseillers qui nous vendent leurs théories, leurs stratégies sportives et entretiennent ainsi le système médiatique dans une déchéance culturelle qui résulte de la communication de masse. Celle-ci a « marchandisé » tous les domaines culturels mais aussi les différents sports, et réduit à néant tout pouvoir de subversion propre à notre vision du rugby. Se pose alors la question de la production superflue, question la plus immorale, désormais identifiée comme vitale pour attirer les futurs abonnés téléspectateurs ou spectateurs dans les stades.

Ces multiples réflexions doivent être menées avec toutes les bonnes volontés concernées, sans parti pris, ouvertes sur les pratiques d’autres horizons, et appuyées par des considérations altruistes et généreuses.

Conclusion :

Le reflux actuel de la rébellion est aussi le reflux de la raison critique, mais ce double reflux ne signifie pas que la raison critique ait fait défaut, mais plutôt selon l’expression de Robert Castel que « la pratique critique » a fait défaut.

Un choix libre ne peut jamais être absolu, car « le fait de pouvoir élire librement des maîtres ne supprime ni les maîtres ni les esclaves », Herbert Marcuse dans « L’homme Unidimensionnel ».

Choisir librement parmi une grande variété de services sportifs, ce n’est pas être libre, si pour cela les femmes et les hommes sont soumis à un asservissement médiatisé, accablées par une vie faite de complexité et d’angoisse, aliénées par les « faux besoins ». Si les individus renouvellent spontanément des besoins imposés sous forme d’abonnement ou autres, cela ne veut pas dire qu’ils sont autonomes, cela prouve seulement que les injonctions accomplissent leurs finalités et témoignent de leurs efficacités.

Mais cela est une stratégie politico-économique d’aliénation et d’engrangement de profits immédiats, cela ne justifie pas de détruire un sport centenaire, un jeu de villages, dont les valeurs sont à l’opposé des visées égoïstes.

Je veux inviter les passionnés de ce sport à penser de nouveau ce jeu de copains, qui ni grands, ni gros, ni lourds, se sont fait des passes, se sont évités, se sont plaqués, se sont affrontés à la course, et ont finalement terminé par l’inévitable 3eme mi-temps.

Il est important de rappeler cette vérité de Marcuse : Penser, c’est nier.

Et je veux nier ici que le rugby soit forcé de subir cette aliénation au pouvoir médiatique.