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CONTROVERSE 2 – DÉCONSTRUCTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR FILIÈRE SPORT FOOTBALL par Guy Bulit

CONTROVERSE 2 : LES PROMOTEURS, LES PRÉBANDIERS ET LES CONTRIBUTEURS

3-    PROMOTEUR ET PRÉBANDIER A LA FOIS

3.1-      Les institutions internationales du football

À côté des parties prenantes principales comme les actionnaires, les joueurs et les spectateurs, on peut identifier d’autres parties prenantes telles que les instances dirigeantes (la FIFA, l’UEFA, la Fédération Française de Football et de la Ligue de Football Professionnel). La ligue professionnelle garantit aux Clubs la majorité des revenus issus des droits TV et leur impose un minimum de règles de gestion par le biais de la DNCG.

Dans l’objectif de limiter les pertes opérationnelles subies par un certain nombre de clubs de football, l’UEFA a mis en place en 2011 une nouvelle réglementation connue sous le nom de « Fair Play Financier ». Le mode d’allocation des revenus en fonction des résultats des compétitions procure un avantage concurrentiel pour les clubs ayant déjà atteint un certain niveau de développement économique, créant une concurrence inéquitable avec les autres Clubs. Ce modèle économique produit un processus inflationniste, autant sur le prix des joueurs que sur leurs salaires. C’est néfaste à l’équité sportive et à la pérennité des Clubs. Par ses décisions, l’UEFA amplifie les risques économiques par la dépendance aux revenus dérivés des droits de diffusions. Et elle altère la qualité des prestations commercialisées en diminuant l’incertitude sur l’identité du vainqueur des compétitions nationales ou internationales, tout en autorisant quelques Clubs à capturer la plus grande part des revenus générés.

Je complèterai par quelques précisions relatives aux salaires des salariés de l’UEFA. Il y a environ 500 personnes avec un salaire moyen de 130 000 € bruts par an : soit un peu plus de 10 000 € mensuels.

En 2018/19, le président de l’UEFA a bénéficié d’une rémunération fixe et brute de 1 921 667 CHF : soit 1 825 000 € pour 152 000 € mensuels.

En 2018/19, le Secrétaire général a perçu une rémunération fixe de 1 175 000 CHF, agrémentée d’un bonus de 355 000 CHF : soit au total 1 500 000 € pour 120 000 € mensuels.

Une prise en compte des dérives inflationnistes et des risques liés à des surendettements justifierait de limiter le montant de dette des clubs et leur permettre de se financer par recours à des capitaux propres.

Au-delà des prescriptions de l’UEFA, sa fiscalité démontre une autre perception de la notion d’équité. Elle est installée en Suisse, sous un statut réputé à but non lucratif, qui lui permet d’être exonérée d’impôts sur ses bénéfices, malgré un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros de recettes annuelles – provenant essentiellement de la commercialisation de droits médiatiques et commerciaux. Comment peut-on être, dans ce cas-là, déclarée d’intérêt public ?

Le temps est venu, dans l’intérêt d’une équité fiscale comme de l’équité sportive, de considérer l’UEFA pour ce qu’elle est : à savoir une machine à faire de l’argent, comme toute autre société commerciale, et à ce titre être assujettie aux impôts.

3.2-      Les institutions gouvernementales

Les instances gouvernementales, complices des instances nationales et internationales du football ?

« Pouvons-nous encore décider nous-mêmes de quelque chose ? » question lancée comme un cri du cœur par l’un des coorganisateurs de l’Euro 2016. * 

En effet, depuis 2004, le championnat d’Europe de football n’est plus mis en œuvre par le ou les pays d’accueil mais directement par l’UEFA.

Lorsque ce système a été inauguré au Portugal, la Fédération portugaise détenait encore 46 % des parts de la société organisatrice, contre 54 % à l’UEFA. Douze ans plus tard, Euro 2016 SAS, est détenue à 95 % par l’UEFA et à 5 % par la Fédération française de football (FFF).*

*(Article du journal Le Monde, Euro 2016 : les concessions de la France à l’UEFA. Par Rémi Dupré et Clément Guillou Publié le 07 décembre 2015 à 18h50 – Mis à jour le 09 juin 2016 à 13h21)

Les recettes attendues par l’UEFA furent de 1,93 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros de droits audiovisuels, pour un bénéfice net de 847 millions d’euros. Malgré ses 5 % dans la SAS, la FFF ne sera pas directement intéressée aux résultats financiers de cet Euro. Si les bureaux de la société sont au Trocadéro, les bénéfices sont en Suisse, notamment grâce à la vente des droits de retransmission télévisée !

Comment furent considérés les bénéfices au profit de l’UEFA ?

Pour cet Euro 2016, le football a transformé la France en paradis fiscal !

Le gouvernement français a exonéré d’impôt l’UEFA à l’occasion de l’Euro 2016.

Si elle fait financer les infrastructures par le pays hôte, l’UEFA, qui organise la compétition, entend bien conserver les recettes commerciales. Nettes d’impôts.

Mais c’est bien à la France et aux contribuables de payer la construction de quatre stades (à Bordeaux, Lyon, Nice et Lille) et la rénovation des autres enceintes sportives, pour un montant de 2 milliards d’euros. Sans compter les 400 millions nécessaires à améliorer l’accès et les transports. Tout cela est sans omettre les frais engagés pour assurer la sécurité de l’événement.

Les quelques 250 millions d’euros abandonnés par l’Etat auraient donc été les bienvenus pour amortir ces investissements publics, à la charge des collectivités territoriales. 

Pour l’Euro 2012, en habitué, l’UEFA avait déjà réalisé un très gros bénéfice, puisqu’elle avait seulement investi 695 millions pour près de 1,4 milliards de chiffre d’affaires : une marge d’exploitation de 50% ! Tout cela avec un statut officiel d’association à but non lucratif.

J’ajoute que les politiques visant à la prise en charge des projets de Grands Travaux Inutiles, par des contrats dits PPP ou Partenariat-Privé-Public n’aboutissent qu’à ne faire supporter les risques par les Collectivités et les citoyens. Par des conditions d’obtention des marchés à la limite de la régularité ou face à une fausse concurrence, les pratiques tarifaires débouchent sur une conséquence intolérable, qui, de devis surévalués, puis accentués par une dérive des coûts, renchérissent le budget final des projets dans des proportions inacceptables, toujours à la charge des collectivités.

Ces dernières ne sont pas prises en compte lors des décisions d’évaluation des projets. Ou les études de rentabilité sur les investissements ne sont pas réalisées pour de tels projets. Il existe en particulier le fait que l’association PPP, soumise aux conditions des marchés, comme les enceintes sportives, à exploitation aléatoire, sont incompatibles en termes de visibilité et de rentabilité sur de longues périodes. J’observe que les risques d’exploitation sont reportés ainsi sur les opérateurs publics.

3.3-      Les institutions nationales du football

La FFF a connu la situation paradoxale d’être l’entité officiellement désignée comme hôte et théoriquement organisatrice de l’Euro 2016, tout en étant absente de l’essentiel des activités d’organisation, montrant par là une forme de collusion ou d’incapacité d’infléchir les injonctions de l’UEFA.

On peut noter, au niveau local, que les dossiers de candidatures comprenaient des « lettres de garantie » signées par les exécutifs locaux des villes accueillant les rencontres du tournoi ainsi que plusieurs contrats : contrats de ville hôte avec la collectivité d’accueil, de stade avec le propriétaire de l’équipement et enfin d’aéroport avec la société exploitante de l’infrastructure.

Les exécutifs des collectivités territoriales publiques ont été tenus de signer ces contrats sans pouvoir en discuter le contenu. Dans la plupart des cas, ces contrats n’ont pas été soumis aux conseils municipaux des villes concernées.

Le président de la FFF, indiquait ainsi que « l’UEFA ne considère pas ces contrats comme des projets soumis à discussion et à amendements éventuels, mais comme des contrats-types qu’elle demande aux villes candidates et à la FFF de signer en l’état. Ceci signifie qu’une ville qui ne pourrait pas ou ne souhaiterait pas signer ces contrats ne pourra pas figurer dans la liste des villes hôtes proposées par la FFF », traduisant ainsi une forme de chantage à l’obtention de l’organisation du tournoi, obligeant ainsi les collectivités à se conformer à un cadrage très précis. Le dossier de candidature incorporait ainsi, dès 2011, un corps d’engagements contraignants, formant le cadre intangible dans lequel allait s’inscrire en 2016 la mise en œuvre du tournoi.

Lors des évènements « match », l’État facture à la FFF et aux clubs de football professionnels une partie des dépenses engagées pour la sécurisation des rencontres disputées par l’équipe de France et par les clubs des Ligue 1 et Ligue 2. Pour l’Euro 2016, il a renoncé à facturer le coût des services d’ordre chargés de sécuriser les stades et les fan zones lors des 51 rencontres du tournoi.

Pour répondre au cahier des charges de l’UEFA, les villes hôtes ont engagé des investissements pour un coût total final des travaux de construction et de rénovation de neuf des dix stades retenus pour accueillir l’Euro 2016, évalué à 1,919 Md€ HT. Ce coût comprend les dépenses directement consacrées aux stades pour 1,67 Md€, des dépenses d’infrastructures, aménagements extérieurs, dessertes en transports, parkings, programmes immobiliers annexes, indispensables à leur fonctionnement, pour 244 M€.

En outre, avec l’aide de la FFF, les projets ont largement excédé les exigences de l’UEFA : en portant la capacité cumulée des neuf stades à 415.173 places, ils ont dépassé de 19% les 350.000 figurant dans le cahier des charges. Ainsi ce surdimensionnement des nouvelles enceintes, qui affiche des fréquentations très médiocres, constitue une épée de Damoclès sur les Clubs et les collectivités, alors que le respect du « calibrage des investissements » aurait été de nature à minorer les risques d’exploitation futurs et les tensions sur le niveau des redevances sportives – plus conforme aux ressources des pouvoirs publics.  

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4- LES CONTRIBUTEURS À LA CRÉATION DE VALEUR 

4.1- Les supporters

Les clients des clubs, constitués des supporters et des abonnés, représentent une source de revenu importante dans l’économie du football professionnel. Les clubs déploient l’utilisation des outils du marketing expérientiel dans l’intention de développer les recettes liées au merchandising en jouant sur l’attachement sentimental du supporter au club ou à son identification à un joueur vedette, et en essayant de faire en sorte que le stade devienne un lieu de vie. Ce faisant, la dimension sociétale du Club dans son propre écosystème est oblitérée.

Chaque activité du club contribue à la valeur créée. Celle-ci doit être perçue par les supporters comme répondant à leurs attentes. Valeur subjective s’il en est, et si le client ne perçoit pas assez de valeur, il pourra choisir et s’orienter vers d’autres loisirs sportifs ou culturels qui répondront mieux à ses espérances.

Le supporter est supposé acheter des prestations de spectacles sportifs qui présentera la différence entre la valeur perçue et le prix à payer comme la plus favorable.

De nombreux clubs se posent la question de savoir si un supporter est un client comme un autre ou pas. Les supporters, par tradition, sont un peu plus que de simples clients car, typiquement ils s’identifient de manière très particulière aux valeurs du club tout en s’assurant de leur fidélité. 

Par l’approche « football business », les clubs tendent de plus en plus à traiter le supporter comme un client. Cela se fait de plus en plus ressentir du côté des fans. Être considéré comme un simple client peut dévaluer le concept de supporter et augmenter l’impression de n’être qu’une source de profits commerciaux : c’est une disposition péjorativement ressentie par les supporters. 

D’une certaine façon, le supporter recherche dans son club d’autres relations que proprement commerciales. Une qualité de service optimale doit répondre à ses attentes. Les supporters sont donc des acteurs cruciaux dans la vie de chaque club. Leur rôle au sein du club ne peut pas être sous-estimé tant ils peuvent influencer ou affecter l’ensemble de la structure dudit club de football. 

Par conséquent, la valeur perçue par les supporters intègre une forte valeur d’estime, correspondant à l’image apportée par les prestations, tant par leur disponibilité, leur qualité que par leurs aspects affectifs produisant implicitement la valeur ressentie desdites prestations. Celle-ci, subjective, est influencée par la presse, les associations de consommateurs, les réseaux sociaux et les groupes de supporters. 

La « satisfaction du supporter » permet sa fidélisation. Cela influence et réduit le coût des transactions pour la recherche de nouveaux supporters. 

La valeur ainsi créée pour le supporter est déterminée par la chaîne de valeur intégrée, de la proposition du spectacle sportif jusqu’à son exploitation dans le Stade (avant, pendant et après l’événement lui-même) et qu’elle n’intègre pas que des dimensions tarifaires. 

Les informations économiques à notre disposition traduisent une stagnation des revenus résultant de la billetterie et ce, depuis les 3 dernières saisons : elle représente 11% du total des revenus. 

L’ensemble des recettes « matches » représentent 201 M€ sur la saison 2018/2019, soit 11% des revenus récurrents hors recettes des mutations et 7 % en incluant les revenus des mutations.

Malgré la construction de nouveaux stades pour l’EURO 2016, le nombre de spectateurs par matches s’immobilise autour d’une moyenne de 23 000 par match, dont 2 500 de « non payants », pour des capacités moyennes dans les stades de plus du double ; soit environ 50 % de taux de remplissage lissé sur les saisons. 

À la vue des tarifs moyens pratiqués, soit 25 € par spectateur et par match, on peut facilement en déduire que la perception par les supporters montre une différence significative entre la valeur perçue et le prix à payer, limitant leur engagement et leur passion.  

4.2- Les sponsors

Les revenus agrégés du sponsoring et de la publicité représentent 415 M€ soit 22 % du total des produits récurrents. Ils sont en augmentation de 21 % entre la saison 2018/2019 et la saison N-1 et 15 % en incluant les revenus des mutations. 

Comment analyser la valeur perçue par les sponsors ? Sachant que ces revenus constituent la deuxième source de produits après les droits de diffusion. 

Le peu d’informations sponsoring à ma disposition ne m’empêche pas d’émettre quelques hypothèses de manière à démontrer que les démarches proposées par les Clubs ne répondent pas aux attentes des sponsors. 

La vision des clubs de football professionnel, principalement orientée performance et résultats sportifs, n’offre que peu d’attractivités et d’alternatives aux yeux des annonceurs. En raison de résultats sportifs aléatoires, non récurrents, les clubs offrent peu de visibilité et de notoriété aux sponsors, en particulier lors de période de résultats négatifs ou lors de des non-participations à des Coupes Nationales ou Européennes. 

En Ligue 1, de rares clubs affichent une sécurité quant au niveau des résultats sportifs. De cet état de fait, le peu de clubs qui bénéficient d’une importante exposition médiatique, réduisent les arguments pour les annonceurs, qui devraient pouvoir profiter d’importantes retombées médias.

L’intégration récente des notions de ROI (retour sur investissement) dans les opérations de partenariats sportifs contraint les clubs à de grandes campagnes d’activation, en regard d’optimiser les enjeux de notoriété et d’image de marque pour les annonceurs. La seule visibilité ne suffit plus pour les partenaires. Les activations, avec des objectifs et des indicateurs précis, jouent un rôle croissant dans la définition et l’exécution des accords de sponsoring.

Face à ces exigences de ROI (retour sur investissement) de la part des annonceurs dans le dessein de justifier de la rentabilité de leur investissement substantiel pour acquérir des droits et activer leurs partenariats, les clubs doivent de se doter d’outils de monitoring pour suivre au mieux les retombées. Tous les partenaires cherchent à calculer le plus finement possible leur retour sur investissement. 

À travers différentes métriques, indicateurs de performance, enquêtes d’opinion, enquêtes onlines lors des événements, des mesures de ventes sur un secteur géographique précis, feed-back des réseaux sociaux, les annonceurs pourront apprécier la pertinence d’un contrat de sponsoring, avec pour objectif de renouveler le contrat de partenariat, conditionné par les réponses apportées par les Clubs. 

Nous pouvons déjà constater que les conséquences de la pandémie anticipent une baisse de 25 à 30 % des revenus provenant des sponsors. 

Une question se pose alors : comment se fait-il que les retombées du sponsoring soient si peu évaluées et offrent si peu de visibilité pour les annonceurs au point de sacrifier 25 à 30 % de leur budget ?

4.3- Les diffuseurs

La contribution totale des droits audiovisuels au total des produits se monte à 901 M€, soit 47 % des revenus récurrents et 34 % avec les revenus incluant les mutations. 

Qu’en est-il des différents diffuseurs ? 

Dans un environnement économique normal, les décisions d’investissements sont là pour produire des résultats sur le moyen et le long terme. 

Je propose une analyse des principaux acteurs audiovisuels.

BEIN SPORTS

BeIn Sports est lesté de pertes fiscales abyssales qui s’accumulent à hauteur de 1,4 milliard d’euros en sept ans d’existence ! Cela oblige l’actionnaire qatarien à injecter régulièrement de l’argent dans les comptes pour sauver les apparences. 

Le coup d’arrêt commercial subi par BeIn Sports est inquiétant alors que la société a pris à court terme des engagements financiers importants, liés aux droits sportifs acquis. Elle se trouvait face à un mur d’investissements de 1,8 milliard d’euros à cinq ans et plus. Cette somme est surtout due aux droits de retransmission de la Ligue 1 sur la période 2020-2024, dont BeIn a remporté une partie pour plus de 300 millions d’euros annuels face à un nouvel acteur (l’espagnol Mediapro) qui a pu s’offrir le plus gros morceau des droits, créant une bulle financière sur les droits audiovisuels du football. Dans ces conditions, le chemin menant à la rentabilité s’annonce plus raide encore pour BeIn. 

Le scénario actuel est celui d’une inflation du montant des droits sans rapport avec les résultats sportifs ni avec les probabilités de rentabilité financière. On est un peu dans « la condamnation du dominateur » lorsque le vainqueur paye un prix plus élevé que la valeur réelle du bien désiré.

Face à la menace d’éclatement de la bulle, adossée à la télé-dépendance des clubs, aux usages émergents des consommateurs qui ne peuvent plus payer de multiples abonnements et s’en remettent au piratage ou au streaming, les revenus des droits audiovisuels reflètent le modèle économique du football professionnel, érigé sur de multiples facteurs de risques, alimentés par les aléas sportifs. Le directeur général de BeIN Media Group ne confirme pas autre chose en annonçant que « la glorieuse bulle des droits télé est sur le point d’éclater parce que le piratage s’est répandu aux quatre coins du monde et dans toutes les couches de la société » – déclaration faite lors du dernier Sport Business Summit à Londres.

La dénonciation des flux piratés, qui dévalorisent constamment la valeur de droits payés, introduit une nouvelle menace que l’on estime entre 10 et 20 % de l’audience des retransmissions sportives. 

Toutefois, ce scénario n’a toutefois rien d’inéluctable à cause de l’éventail de cartes à jouer sur la table médiatique : il y a la germination des ententes entre les différents diffuseurs, qui leur permet de rentabiliser leurs investissements, par une diminution du nombre d’acteurs et une baisse des tarifs pour finir par atteindre un équilibre financier. 

RMC SPORT NEWS

Un autre opérateur, un autre parcours ! Après neuf mois d’activité en 2019 et avoir perdu 76 millions d’euros d’Ebitda (excédent brut d’exploitation) négatif, la chaîne RMC Sport News arrête de diffuser au 2 juin 2020.

CANAL+

Le groupe historique de télévision payante Canal+ a confirmé qu’il allait « tailler à la hache » dans ses effectifs en France, où il est confronté à une double concurrence : celle de BeIN Sports, de SFR et de Mediapro dans le sport. 

De plans de restructuration après d’autres, Canal+ continue de réduire ses effectifs à hauteur d’environ 500 collaborateurs sur les 2.600 qu’il compte en France ; réduction appelée comme il se doit « projet de transformation ». Les objectifs sont la compression du nombre de salarié en réduisant les coûts et la distribution afin de verser un maximum de dividendes au détriment des salaires.  

Depuis 2015, les précédents plans d’économie n’ont pas suffi à enrayer les difficultés de Canal+. Attaquée sur tous les fronts, la société voit le nombre d’abonnements individuels directs reculer de 300.000 l’an dernier – totalisant 4,73 millions de fidèles. Les difficultés s’accumulent face aux concurrents. 

MEDIAPRO

Que savons-nous du nouveau diffuseur Mediapro ? 

Avec des abonnements autour de 25 € et un nombre d’abonnés à atteindre de 3,5 millions, en ces temps où le piratage prend de plus en plus d’ampleur, c’est un véritable challenge auquel Mediapro sera confronté avec un démarrage débuté avec zéro abonné. Confronté à des frais massifs comme les droits, la production, le marketing, Mediapro devra engager d’importantes dépenses. 

L’actionnaire de Mediapro, très peu connu, n’offre pas de garantie financière crédible pour couvrir l’ensemble des engagements pris auprès de la Ligue de Française de Football, pour une durée de contrat de 4 années. 

Je peux déduire que sur cette marche des diffuseurs, il semble que la rentabilité soit loin du compte au regard des investissements consentis dans l’achat des droits de diffusion. La concurrence entre les opérateurs, celle des nouvelles plateformes comme Amazon et Netflix et les tendances des consommateurs vers le streaming, constituent de nouveaux risques de dégradation du montant tarifé des droits audiovisuels perçus par les Clubs. 

4.4- Les produits dérivés et le merchandising 

Le poids économique des produits dérivés et du merchandising, ajouté aux autres produits, culmine à hauteur de 386 M€, soit 20 % des revenus récurrents et 14 % incluant les revenus des mutations.

La difficulté d’analyse porte sur la non-présentation des revenus originaires exclusivement de la vente des produits dérivés. Sachant que le PSG réalise 10 % du total de ses ventes en produits dérivés, que OL réalise lui 5 % du total de ses recettes issues de produits dérivés, je peux traduire que pour la plupart des clubs, le poids des produits dérivés représente moins de 5 % du total de leurs recettes. 

Mais au-delà des recettes réalisées, il est important de comprendre la Marge Commerciale sur les ventes des produits dérivés. Dans les faits, pour chaque produit vendu, le club n’encaisse environ que 10 % de la recette finale. 30% va au distributeur, 30% à l’équipementier, 10% au fabricant (ainsi qu’aux frais de logistique) et aux Etats, via les taxes. 

Je peux en déduire que la contribution des produits dérivés aux bénéfices des clubs représente seulement un apport marginal à la performance économique, estimé à 1%.

L’intégration de compétences, de capacité et de savoir-faire dans les métiers de la supply chain constitue un défi pour l’amélioration des résultats financiers issus de la commercialisation des produits dérivés.

4.5- Le marché vendeur des joueurs

La part des revenus, suite aux opérations de trading sur les joueurs, représente 786 M€ soit 29 % du total des produits des Clubs. 

Si on ajoute le poids des droits audiovisuels, l’ensemble du pôle sportif affiche 1 687 M€ soit 63 % du total des produits des clubs. 

Plus précisément, ce sont 63 % des produits qui sont soumis à des aléas sportifs et à des risques systémiques. 

Le marché des joueurs se répartit entre des joueurs de haut niveau international aux rémunérations très élevées, exponentielles, mobiles internationalement, ayant une valeur économique supérieure à leur valeur sportive, et des joueurs interchangeables moins rémunérés, souvent plus âgés, moins médiatiques et très nombreux (formant un quasi-marché parallèle).

L’internationalisation du recrutement des joueurs et l’importance accrue des agents sportifs et des intermédiaires ont eu comme conséquence des dépenses salariales incompressibles à court terme engageant les clubs dans la recherche de nouvelles recettes stables et pérennes, comme les droits TV, les produits dérivés, les activités de conférences et d’événements afin d’optimiser l’utilisation des infrastructures. L’ensemble de ces nouvelles sources de revenus est conditionné par le recrutement de joueurs fortement valorisés, reconnus au niveau européen et internationalement, provoquant une tendance inflationniste sur les coûts des transferts et sur les rémunérations.  

La pandémie mondiale et la suspension de tous les championnats aura des conséquences très importante sur l’économie du football – et plus particulièrement celle du marché des transferts. 

Selon le l’Observatoire du football CIES, cette valorisation s’effondrerait de 28%, passant de 32,7 à 23,4 milliards d’euros 

La pandémie de coronavirus précipite-t-elle l’éclatement de la bulle dans le foot-business ? « Oui », estiment les experts interrogés, mais seulement « à court terme », s’il n’y a pas la mise en place d’une « régulation » pour encadrer l’inflation à l’œuvre lors de la dernière décennie.

Face aux clubs qui auront de gros problèmes de trésorerie, face à l’incertitude sur les droits audiovisuels et les revenus du sponsoring, face aux déséquilibres financiers, cela va devenir très compliqué de céder ses meilleurs joueurs sur un marché qui ne sera pas acheteur, mais vendeur. De quoi provoquer un fort ralentissement du marché, activant un effet domino sur tous les segments de joueurs, des plus monnayables aux intermédiaires, en passant par les plus basiques. 

La France, victime de l’assèchement de ces marchés acheteurs, qui a tout misé sur un modèle économique fondé sur le trading de joueurs grâce à une politique de formation performante, sur une vision « courtermiste » et sur des revenus focalisés sur les seuls enjeux sportifs, se retrouve confrontée à la défaillance de son modèle (qui appelle une refondation et un autre projet). 

La DNCG affirme que la moitié des clubs de Ligue 1 a réalisé des plus-values de plus de 20 millions d’euros grâce aux transferts, lors de la saison 2018-2019.

Le modèle inflationniste du marché des joueurs, associé aux détournements des règles légales et fiscales, aux systèmes de prêts de joueurs, produit une dérive spéculative. C’est une nouvelle cause de risques systémiques pour les Clubs. 

Avec l’actuel système des transferts, les joueurs sont des placements, c’est-à-dire un capital très mobile et très spéculatif qui se négocie sur un marché par ailleurs très opaque. La logique sportive, déjà dépassée par la logique économique, l’est cette fois par une logique financière de plus en plus puissante – et de plus en plus inégalitaire.

Pour le long terme, il est souhaitable que l’on transforme ce système (source d’inflation sur des salaires toujours plus élevés) en pourvoyant des mutations toujours plus onéreuses. Je pense qu’une vision responsable, sociétale et durable contribue à une remise en cause considérable dudit système. 

Par-delà les particularités propres à chaque contributeur de revenus des clubs, je note que l’ensemble de ces acteurs économiques se comportent de manière à rendre dépendants financièrement la totalité des clubs. En effet, hormis les recettes de billetterie et de produits dérivés, les sommes d’argent dues aux clubs constituent un risque majeur sur leur financement d’exploitation. Le total des créances dues, soit 1,228 M€ accable les Clubs par des retards de paiement récurrents, représente 165 Jours de crédit clients, soit plus de 6,5 Mois de délai en moyen de paiement, alors qu’une loi, dit LME de 2008 limite lesdits délais de paiement à 45 Jours !

Sachant que les recettes générées de la billetterie et des produits dérivés constituent à peine 12 % en moyenne, il est facile d’imaginer la position des clubs face à une telle dépendance financière à court terme et les conséquences en terme économique, d’image et des conditions d’exploitations. 

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Fin de l’épisode DEUX : CONTROVERSE 2 : LES PROMOTEURS, LES PRÉBANDIERS ET LES CONTRIBUTEURS

Diplômé des DESS de l’IAE Grenoble et de l’IAE Paris, d’un MBA en Management des Organisations et Entreprises du Sport de l’ESG Executive et d’un Executive Master en Sociologie de l’entreprise et conduite du changement de Sciences Po Paris, Guy Bulit est intervenant et formateur auprès d’Audencia Business School, MBA ESG, ESG Guadeloupe et ESG Sport, AMOS Business School, Sport Management School et ISC Business School.

Pour toute demande d’intervention, de renseignement ou d’information complémentaire :

📱 Mob : 06 73 32 63 38

CONTROVERSE 1 : DÉCONSTRUCTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR FILIÈRE SPORT FOOTBALL par Guy Bulit

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CONTROVERSE 1 : LA CHAÎNE DE VALEUR ET L’ÉCOSYSTÈME DU FOOTBALL PROFESSIONNEL

AVANT PROPOS

Une organisation, quel que soit son secteur d’activité, est performante lorsqu’elle réussit à établir une correspondance entre sa chaîne de valeur, celle de ses clients, celles de ses prestataires et fournisseurs, ses salariés et managers, ses dirigeants, ses actionnaires, les institutions publiques, soit finalement toutes les parties prenantes à la valeur créée par les organisations.

La profitabilité de la chaîne de valeur des organisations dépend donc de la consistance et de l’équilibre des activités globales dans laquelle s’insère la production des différentes composantes. Replacé dans la construction de la vision stratégique d’une association humaine et collective à mission économique, sociale et responsable, le concept de la chaîne de valeur élargie conduit à définir l’impact durable, sociétal et environnemental de ces acteurs économiques comme l’accroissement de la valeur créée par le commun, écologique et sociétal, que son action permet.

Un acteur social crée de la valeur à partir de ressources partagées qui définit la valeur ajoutée qui ne peut seulement se traduire que par une marge bénéficiaire. S’y ajoute aussi un enrichissement du commun, caractérisant l’impact social.

Synchroniquement, les activités économiques ne peuvent se résumer à l’exploitation des ressources naturelles pour produire des bénéfices singuliers. Néanmoins il existe aussi par la production d’alternatives durables afin d’en limiter les impacts environnementaux. 

Ces raisonnements peuvent être aussi appliqués au service public afin de ne considérer la dépense publique, non plus sous l’aspect exclusivement de coût, mais de traduire, par le concept de chaîne de la valeur, la contribution à la création de valeur sur un espace défini, sur une agglomération, sur un territoire : cela étant, il est entendu que ces trois topographies sont destinées à l’ensemble des citoyens. 

De par mon activité de formateur et intervenant dans l’environnement du sport, porté par des pratiques pédagogiques innovantes, par la volonté de rendre accessible au plus grand nombre une approche systémique appliquée à l’apprentissage dans l’univers du sport, j’ai souhaité contribuer au débat sur l’application du concept de chaîne de la valeur dans l’écosystème du football professionnel. J’ai essayé de démontrer que la vision purement mécanique de la valeur aboutit à des contreperformances économiques, sociales et environnementales. Pure illusion d’économiste, le management du secteur du sport professionnel, du football en particulier et du rugby (sur lequel je reviendrai un peu plus tard), à la façon d’un marché de consommateurs que l’on conditionne, pose, aujourd’hui la question de la transformation de la vision globale du secteur analysé, et de la réalisation d’une véritable démocratie participative et sportive.

Si les données économiques et financières conservent une image très austère et technique, elles sont en réalité, aussi un système de représentation du monde qui détermine la vision et la mission d’une organisation. Par le travail que je vous propose, j’ai essayé d’illustrer l’influence du système économique sur le comportement des acteurs économiques et sportifs. Je propose de considérer la production d’externalités sociales négatives comme une dette auprès des Clubs. Lorsque des Clubs recrutent des salariés et des managers avec des rémunérations indignes, associées à des contrats de travail précaires, l’organisation sportive fait une sorte d’emprunt social. C’est un passif social qui devrait être intégré comme tel dans le bilan des Clubs. La nécessité de proposer une réflexion sur la déconstruction de la valeur dans l’écosystème du football professionnel m’a conduit à établir un diagnostic de cette chaîne de la valeur, d’en établir une synthèse et d’exposer quelques recommandations portant sur les enjeux d’un développement du sport et du football, en particulier, intégrant les dimensions de responsabilités, sociétales et durables afin de contribuer à une valorisation des externalités produites au bénéfice de toutes les parties prenantes. 

1-   INTRODUCTION

Le Coronavirus, ou Covid-19 ne serait-il pas que le révélateur d’une filière business sportif, et en particulier de la chaîne de valeur du Football professionnel, incompatible avec les critères de responsabilité, de facteurs de risque, d’éthique, d’engagement sociétal et de partage de la richesse créée ?

Afin de démontrer mon raisonnement, je m’appuierai sur les données économiques publiées par la DNCG – relativement aux saisons de Football 2017/2018 et 2018/2019.

Pour mieux étayer mes arguments, je proposerai mon diagnostic de la chaîne de valeur intégrée du Football et projetterai mes réflexions sur les différents niveaux de production et de capture de la valeur ainsi créée.

Avant mes développements, je rappellerai le contexte des données économiques collectées et du modèle de la chaîne de valeur.

La DNCG publie à chaque fin de saison les résultats consolidés de l’ensemble des Clubs de Football de ligue 1 et 2. Deux remarques s’imposent à ce niveau-là, à qui veut travailler sur ces informations à caractère économique mais aussi publique.

La première porte sur une insuffisance notoire desdites informations, trop agrégées, insuffisamment détaillées et regroupées de manière incohérenteLa seconde porte sur la fréquence et la date de parution : c’est-à-dire une seule fois par an et 10 mois après la fin de la saison – alors que les comptes des clubs sont arrêtés au 30 juin de chaque année.

Le modèle de la chaîne de valeur, concept développé par Michael Porter en 1985, consistant à simplifier l’organisation d’un Club, comme un enchaînement d’activités interconnectées qui développent chacune une valeur plus ou moins stratégique et importante pour ledit club. Elle peut être utilisée pour décrire les combinaisons d’activités mises en place dans le Club en vue de créer un avantage concurrentiel et de proposer une offre commerciale intéressante pour l’ensemble des parties prenantes.

Dans une filière « sport intégré », les chaînes de valeur de chacun des acteurs, Clubs, joueurs, staff technique, managers, salariés, sponsors, spectateurs, diffuseurs, prestataires et fournisseurs, institutions, actionnaires et financeurs se coordonnent et s’imbriquent pour aboutir à la vente de différentes prestations réalisées sous forme de d’évènements et de spectacles auxquels sont associés la commercialisation de produits dérivés.

Sans l’ensemble de ces acteurs, il n’y a pas de produits, ni de prestations finies accessibles par les clients et chacun contribue et apporte une partie de la valeur.

En somme et en termes de management organisationnel, l’environnement constitue un écosystème, sous forme de facteurs socio-économiques qui influent sur la vie du Club : la concurrence, l’État, la législation sociale, financière et commerciale, les groupes de pression, lobbies, syndicats, associations de consommateurs et les institutions. Autrement dit, ces composantes ne sont pas isolées : elles constituent les parties prenantes de la chaîne de valeur intégrée ; elles s’imbriquent et forment un environnement à cinq pôles :

–      Un pôle sociétal

–      Un pôle sportif

–      Un pôle entreprise

–      Un pôle investisseur

–      Un pôle institutionnel

J’ajoute que la nature de l’environnement des Clubs n’est pas statique. L’environnement que nous venons de définir change de nature : il est turbulent.

La turbulence entraînera des modifications dans l’environnement qui auront un impact sur l’organisation des Clubs. Les causes des turbulences, généralement relevées dans la littérature, sont la complexité, l’incertitude et le dynamisme.

La complexité correspond à l’hétérogénéité et à l’étendue des activités d’une organisation ou d’un Club de sport.

L’incertitude est le manque d’informations sur des facteurs environnementaux rendant impossible la prévision de l’impact d’une décision spécifique sur l’organisation des Clubs.

Quant au dynamisme, il entraîne l’absence de modèles en renforçant le caractère imprédictible de variations des facteurs constituant l’environnement. Le dynamisme peut se trouver représenté par l’instabilité du marché, la modification de la structure concurrentielle ou l’amélioration des technologies.

1.1-      Performance sportive contre-performance sociétale

Dans certains pays, le sport spectacle est un business comme un autre. Les acteurs économiques y investissent dans le but de créer de la valeur financière. C’est, par exemple, le cas en Amérique du Nord où les principales compétitions sportives sont organisées en ligues fermées : ce qui évite le spectre de la relégation et ses conséquences financières. En France, les quarante clubs de football de ligue 1 et de ligue 2 ont le statut de sociétés commerciales. Mais si formellement, le cadre juridique est tout à fait comparable à celui des entreprises privées classiques des autres secteurs de l’économie, la réalité économique actuelle des clubs est assez différente.

Peu de propriétaires acceptent aujourd’hui de combler continuellement les déficits des clubs. La régulation mise en place par la DNCG a pour objectif l’équilibre financier. La performance sportive est prédominante mais la dimension financière ne peut être une simple variable d’ajustement, en particulier sans vision à long terme. L’objectif d’un club ne peut être limité à celui d’optimiser les résultats sportifs sous la contrainte de l’équilibre financier, mais de proposer et d’imaginer une réponse à d’autres valeurs, avec pour ambition de porter un projet sociétal, responsable et durable. C’est un modèle qui devra transformer la vision des clubs de football professionnel et intégrer toutes les notions de complexité dans leur approche managériale.

1.2-  Une gouvernance partenariale

Au sein des clubs, diverses parties prenantes évoluent avec des degrés d’influence différents. L’économie du football professionnel tourne autour de la valorisation de quatre actifs immatériels : le pôle sportif qui constitue le « capital sportif » représenté par les effectifs ; le talent des joueurs associé aux managers sportifs du club ; le pôle sociétal qui constitue le « capital sociétal » composé des spectateurs, de la population régionale, des collectivités, du Centre de formation et des téléspectateurs ; le pôle entreprise qui constitue le « capital attractivité » rassemblé autour des sponsors pour contribuer au développement de la marque du club par sa notoriété et son image ; le pôle investisseur représentant le « capital financier », bâti autour des associés, des actionnaires potentiels et des prestataires financiers dans le dessein de pourvoir au développement du Club. 

1.3-      Hypothèses de travail

L’hypothèse globale que je souhaite démontrer repose sur une analyse des faits qui me permettent d’énoncer selon quatre sous-hypothèses :

–      1. Que des institutions internationales et nationales, chargées d’orienter l’économie du football, en collusion avec des gouvernements nationaux ont promu un modèle financier du football basé d’abord sur les aspects purement sportifs pour s’emparer des ressources produites, au détriment de toute éthique sportive et sociétale. Ces mêmes institutions ont permis à une minorité d’acteurs du sport de s’approprier la valeur créée par les clubs, au détriment des actionnaires, des salariés de l’administration, des prestataires et fournisseurs et des parties prenantes externes. 

–      2. Par ailleurs, ce modèle économique, dès sa promotion portait en lui les germes de l’échec à long terme, fondé sur une accumulation de facteurs de risques. Ces risques sont liés aux aléas sportifs, intrinsèque à l’activité, risques liés à la dépendance de la principale source de revenu que sont la vente des droits de diffusion, eux-mêmes conditionnés aux aléas des résultats sportifs.

–      3. D’ailleurs, j’ajoute que l’appropriation de la valeur créée par les clubs par le pôle sportif ne laisse que très peu de ressources pour les autres parties prenantes internes aux organisations en place qui pourraient conduire d’autres orientations intégrant toutes les parties prenantes.

–      4. En dernier lieu, le rapprochement entre, d’une part les enjeux économiques dictés par des aléas sportifs récurrents et les ressources requises pour y faire face, constitue le fondement de divergences propices à des modes de management des clubs qui réconcilieraient toutes les parties prenantes.

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2-   ANALYSE DE LA CHAÎNE DE VALEUR DANS LE FOOTBALL PROFESSIONNEL

Mon analyse s’appuiera sur une organisation de la chaîne de la valeur du football professionnel comme représentée ci-dessus. Il s’agit de l’ensemble des activités produites dans un club par les divers pôles de management.

Je prends comme hypothèse que la répartition de la valeur créée dans cette filière sportive n’est pas répartie équitablement et que la capture de celle-ci se fait uniquement au profit de quelques acteurs, au détriment de la plupart des autres parties prenantes.

Ma démonstration partira de la vision portée par les instances dirigeantes de clubs jusqu’à la finalisation de la communication affichée par les clubs et les institutions. 

2.1-      Vision

La période, que l’on pourrait dénommée « période moderne du football », qui débute dans les années 1990 avec l’arrêt Bosman, affermit (avec l’envolée des droits de retransmission) la mobilité des footballeurs du monde entier et, d’autre part, l’explosion des montants des salaires et des transferts. Le football comme l’économie est aujourd’hui devenu « global ».

Cette mondialisation du football n’a pas empêché les supporters, mais aussi une partie de la population attachée à ses repères, de continuer à vivre le football localement. Ce décalage n’a pas produit les mêmes effets pour les supporters d’équipes des grandes villes européennes, qui sortent gagnants de la compétition sportive et financière, que pour les supporters des équipes de football des plus petites villes qui luttent pour le maintien en première division.

La libre circulation des joueurs, entraînant une forte mobilité dans les plus petits clubs professionnels, a introduit un décalage entre les supporters attachés à leur club et les footballeurs qui ne font que passer. Cette attitude est source de critiques envers cette forme de football qui révèle un décalage entre la vision des supporters, attachés aux valeurs traditionnelles, et la réalité du football actuel.

Confortés par des perspectives de croissance démesurée, les dirigeants de tous les clubs, petits ou grands, ambitieux ou raisonnables, ont totalement négligé le fondement sociétal d’un Club professionnel. Le constat présent nous porte à la connaissance une vision simpliste affichée, qui se résume d’une part à respecter les équilibres financiers (DNCG oblige) et d’autre part, d’assurer le développement des centres de formation afin d’y produire les futurs joueurs professionnels de demain – sources de nouveaux revenus.

Par ailleurs, je rappelle que la vision, comme la mission ou la vocation procède comme des éléments fondateurs d’une organisation ou d’un club. Ils sont stables et solides, sur lequel le déploiement organisationnel va se déployer étape par étape. Ces étapes sont planifiées sur le court et long terme, tels que les buts et les objectifs.

Trois piliers se trouvent à la base de toute planification et influenceront le futur d’un club ainsi que les décisions qui seront prises :

–      La vision

–      La mission

–      Les valeurs

Ensemble, elles constitueront l’ADN du Club.

Du point de vue interne, la vision, la mission et les valeurs :

–      Déterminent une ligne de conduite ;

–      Facilitent la prise de décision ;

–      Favorisent la mobilisation et l’optimisation des ressources.

Du point de vue externe, elles caractérisent :

–      La marque unique et différentiant du Club ;

–      La crédibilité auprès de l’ensemble des parties prenantes ;

–      La présence d’une orientation précise ;

–      Une démarche mobilisatrice intégrant toutes les parties prenantes.

Une telle vision restrictive, ne peut que conduire le football dans une impasse, mise en évidence par les conséquences de la pandémie actuelle.

Cet ADN des Clubs déterminera la structuration de la chaîne de valeur intégrée du football professionnel et orientera l’approche de la capture de celle-ci aux bénéfices des différentes parties prenantes.

2.2-      Projet sportif

Tous les grands clubs de football ont un projet sportif sur le court et le long terme. Le projet sportif, déterminé par la vision du Club, permettra les prises de décisions différentes selon les horizons retenus.

En effet, avoir une vision à long terme, sur 10 ou 15 ans, définira les grandes tendances de l’évolution du Club. Y compris dans un contexte économique fluctuant et incertain, soumis à des aléas plus ou moins importants, le projet devra s’adapter. Celui-ci constituera la direction à suivre.

L’horizon à moyen terme, entre 2 et 5 ans doit être plus défini, avec un vrai projet structurant, accompagné des ressources et des capacités à mettre en œuvre.

Enfin, le projet à court terme, sur la saison à venir, assigne, concrètement les actions opérationnelles à mettre en œuvre.

Le projet sportif traduira la vision limitative des dirigeants, qui, mobilisés par les enjeux économiques, restreindront leur dessein à la focalisation sur les résultats et la performance du pôle sportif.

Un projet sportif, qui ne vise que les seuls résultats, est confronté aux aléas inéluctables du jeu et ne survit que par des décisions stimulant un management inflationniste et néfaste quant au devenir du Club.

Les orientations du projet sportif nous permettent de comprendre comment la valeur sera répartie dans le temps au bénéficedes divers acteurs du processus décisionnel.

2.3-      Management organisationnel – Marketing – Exploitation

Les actions pilotées par le Management organisationnel traduisent aussi la vision prônée par les Directions de clubs. Le constat que je peux déduire me laisse à penser que la majeure partie des pratiques se concentre vers les prises de décisions ayant trait, en priorité, aux joueurs et au staff, aux infrastructures, aux équipements et aux opérations d’audit et de contrôle – conformément aux exigences de la DNCG.

Alors quelle interprétation et quelle analyse peut-on réaliser de la chaîne de valeur intégrée du football professionnel, selon, dans un premier temps, la capacité des clubs à créer de la valeur, et dans un autre, comment celle-ci est-elle distribuée pour l’ensemble des parties prenante ?

En vue de démontrer mon hypothèse, je m’appuierai sur la répartition de la valeur ajoutée, qui une fois créée, doit être partagée entre les différents bénéficiaires.

2.4-      Les enjeux du partage de la valeur ajoutée

Le partage de la valeur ajoutée a des conséquences sur les différents bénéficiaires. Elle est :

–      Affectée aux salariés : leur pouvoir d’achat s’améliore et permet le recrutement de nouveaux salariés à l’effet d’acquérir de nouvelles compétences et de nouvelles capacités, mieux rémunérés.

–      Allouée aux Clubs : la valeur ajoutée permet de fortifier sa capacité de développement et d’augmenter la part d’autofinancement de ses investissements.

–      Distribuée aux propriétaires des Clubs : elle accroît l’importance de leurs dividendes et permet de renforcer leur attractivité vis-à-vis d’investisseurs potentiels.

–      Créée par les Clubs : la valeur ajoutée contribue à l’augmentation du PIB, par la collecte d’impôts, de taxes et de cotisations, destinés à garantir le bon fonctionnement des infrastructures, à la qualité des prestations sociales et à pourvoir au développement régional. 

–      Collectée par les banques : la valeur ajoutée épargnée pourra être prêtée plus facilement à l’ensemble des Clubs qui ont besoin de financement.

Pour l’ensemble des clubs de Ligue 1, la valeur ajoutée s’élève à 1 084 M€ pour la saison 2018/2019 contre 964 M€ pour la saison N-1.

Pour cela, après avoir décomposé et analysé les données économiques de la DNCG, j’exprimerai les choix et les décisions prises par les Directions en évaluant les conséquences sur les différents acteurs de la chaîne de valeur, en me posant la question pour chacun d’eux : quelle valeur créée, perçue ou détruite et pour qui ?

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2.1-      La création de valeur

Le projet économique des Clubs peut être décrit comme une logique d’organisation à des fins de création de valeur pour l’ensemble de ses clients et de capture de valeur pour les Clubs et pour leurs partenaires. Création et capture de valeur sont donc au centre de la vision et des missions assignés aux différents Clubs. Considéré comme un concept important de management des organisations (en particulier sportives) la valeur créée et capturée conditionne l’ADN des Clubs comme vu précédemment, tant vis-à-vis des parties prenantes internes qu’externes.

Les nombreuses décisions en matière de management des Clubs sont corrélées aux directives prises de création de valeur et de capture de valeur. Les innovations, les services proposés, l’exploration de nouveau segment de marché concernent plutôt la création de valeur, tandis que le fait de profiter d’un fort pouvoir de négociation sur les parties prenantes internes et externes relèvent de la capture de valeur.

Le prix qu’un supporter, un fan, un sponsor, un citoyen, un diffuseur est prêt à payer pour un service ou un produit est une échelle de la valeur créée tandis que le bénéfice qui en est retiré est une mesure de la valeur capturée.

On peut identifier les attentes pour les salariés : par la création d’une valeur jugée suffisante, nécessaire à la satisfaction des clients. Dans l’intention de disposer des salariés requis, formés, stables, intéressés à son emploi, ayant les capacités fondamentales, il est prioritaire pour les Clubs qui souhaitent conserver les compétences d’apporter des réponses aux différents acteurs. Cette valeur ne comprend pas que le salaire, mais intègre des éléments subjectifs comme le sentiment d’appartenance, la sécurité de l’emploi, l’accomplissement au travail et les perspectives d’avenir. La détermination de la valeur créée pour les salariés nécessite donc de distinguer la rétribution perçue du salaire objectif.

Relativement aux actionnaires, il s’agit de la contrepartie aux apports de fonds, aux risques pris, servie en termes monétaires par des dividendes. La valeur attribuée aux titres par les actionnaires est influencée par l’image des Clubs, les résultats sportifs et économiques, une vision à long terme, les risques actuels et futurs qu’ils présentent et les projets de développement.

Pour les autres parties prenantes intéressées à la performance, comme les fournisseurs, le volume de vente, le délai de paiement, l’innovation recherchée, le développement des savoir-faire, la coopération et l’appartenance, l’intégration à des projets de médiatisation et de notoriété, la valorisation des relations commerciales et la fidélisation caractérisent la contribution à leur valeur qui répondront par plus de qualité, de réactivité, de flexibilité et des tarifications optimisées.

Pour les collectivités, les Clubs constituent un écosystème dans lequel les institutions sont intégrées, qui, bénéficiant de taxes et d’impôts locaux, proposeront leurs prestations de services, aideront à des efforts de préservation de l’environnement, à des implantations d’installations, à des comportements citoyens et à la participation à la vie collective.

Je retiendrai, parmi l’ensemble des parties prenantes, les protagonistes suivants sous quatre modalités :

–      Les promoteurs du modèle du football professionnel 

–      Les contributeurs à la création de valeur

–      Les parties prenantes internes des Clubs

–      Les parties prenantes externes aux Clubs

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Fin de l’épisode UN : CONTROVERSE 1 : LA CHAÎNE DE VALEUR ET L’ÉCOSYSTEME DU FOOTBALL PROFESSIONNEL

Diplômé des DESS de l’IAE Grenoble et de l’IAE Paris, d’un MBA en Management des Organisations et Entreprises du Sport de l’ESG Executive et d’un Executive Master en Sociologie de l’entreprise et conduite du changement de Sciences Po Paris, Guy Bulit est intervenant et formateur auprès d’Audencia Business School, MBA ESG, ESG Guadeloupe et ESG Sport, AMOS Business School, Sport Management School et ISC Business School.

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