CONTROVERSE 2 – DÉCONSTRUCTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR FILIÈRE SPORT FOOTBALL par Guy Bulit

CONTROVERSE 2 : LES PROMOTEURS, LES PRÉBANDIERS ET LES CONTRIBUTEURS

3-    PROMOTEUR ET PRÉBANDIER A LA FOIS

3.1-      Les institutions internationales du football

À côté des parties prenantes principales comme les actionnaires, les joueurs et les spectateurs, on peut identifier d’autres parties prenantes telles que les instances dirigeantes (la FIFA, l’UEFA, la Fédération Française de Football et de la Ligue de Football Professionnel). La ligue professionnelle garantit aux Clubs la majorité des revenus issus des droits TV et leur impose un minimum de règles de gestion par le biais de la DNCG.

Dans l’objectif de limiter les pertes opérationnelles subies par un certain nombre de clubs de football, l’UEFA a mis en place en 2011 une nouvelle réglementation connue sous le nom de « Fair Play Financier ». Le mode d’allocation des revenus en fonction des résultats des compétitions procure un avantage concurrentiel pour les clubs ayant déjà atteint un certain niveau de développement économique, créant une concurrence inéquitable avec les autres Clubs. Ce modèle économique produit un processus inflationniste, autant sur le prix des joueurs que sur leurs salaires. C’est néfaste à l’équité sportive et à la pérennité des Clubs. Par ses décisions, l’UEFA amplifie les risques économiques par la dépendance aux revenus dérivés des droits de diffusions. Et elle altère la qualité des prestations commercialisées en diminuant l’incertitude sur l’identité du vainqueur des compétitions nationales ou internationales, tout en autorisant quelques Clubs à capturer la plus grande part des revenus générés.

Je complèterai par quelques précisions relatives aux salaires des salariés de l’UEFA. Il y a environ 500 personnes avec un salaire moyen de 130 000 € bruts par an : soit un peu plus de 10 000 € mensuels.

En 2018/19, le président de l’UEFA a bénéficié d’une rémunération fixe et brute de 1 921 667 CHF : soit 1 825 000 € pour 152 000 € mensuels.

En 2018/19, le Secrétaire général a perçu une rémunération fixe de 1 175 000 CHF, agrémentée d’un bonus de 355 000 CHF : soit au total 1 500 000 € pour 120 000 € mensuels.

Une prise en compte des dérives inflationnistes et des risques liés à des surendettements justifierait de limiter le montant de dette des clubs et leur permettre de se financer par recours à des capitaux propres.

Au-delà des prescriptions de l’UEFA, sa fiscalité démontre une autre perception de la notion d’équité. Elle est installée en Suisse, sous un statut réputé à but non lucratif, qui lui permet d’être exonérée d’impôts sur ses bénéfices, malgré un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros de recettes annuelles – provenant essentiellement de la commercialisation de droits médiatiques et commerciaux. Comment peut-on être, dans ce cas-là, déclarée d’intérêt public ?

Le temps est venu, dans l’intérêt d’une équité fiscale comme de l’équité sportive, de considérer l’UEFA pour ce qu’elle est : à savoir une machine à faire de l’argent, comme toute autre société commerciale, et à ce titre être assujettie aux impôts.

3.2-      Les institutions gouvernementales

Les instances gouvernementales, complices des instances nationales et internationales du football ?

« Pouvons-nous encore décider nous-mêmes de quelque chose ? » question lancée comme un cri du cœur par l’un des coorganisateurs de l’Euro 2016. * 

En effet, depuis 2004, le championnat d’Europe de football n’est plus mis en œuvre par le ou les pays d’accueil mais directement par l’UEFA.

Lorsque ce système a été inauguré au Portugal, la Fédération portugaise détenait encore 46 % des parts de la société organisatrice, contre 54 % à l’UEFA. Douze ans plus tard, Euro 2016 SAS, est détenue à 95 % par l’UEFA et à 5 % par la Fédération française de football (FFF).*

*(Article du journal Le Monde, Euro 2016 : les concessions de la France à l’UEFA. Par Rémi Dupré et Clément Guillou Publié le 07 décembre 2015 à 18h50 – Mis à jour le 09 juin 2016 à 13h21)

Les recettes attendues par l’UEFA furent de 1,93 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros de droits audiovisuels, pour un bénéfice net de 847 millions d’euros. Malgré ses 5 % dans la SAS, la FFF ne sera pas directement intéressée aux résultats financiers de cet Euro. Si les bureaux de la société sont au Trocadéro, les bénéfices sont en Suisse, notamment grâce à la vente des droits de retransmission télévisée !

Comment furent considérés les bénéfices au profit de l’UEFA ?

Pour cet Euro 2016, le football a transformé la France en paradis fiscal !

Le gouvernement français a exonéré d’impôt l’UEFA à l’occasion de l’Euro 2016.

Si elle fait financer les infrastructures par le pays hôte, l’UEFA, qui organise la compétition, entend bien conserver les recettes commerciales. Nettes d’impôts.

Mais c’est bien à la France et aux contribuables de payer la construction de quatre stades (à Bordeaux, Lyon, Nice et Lille) et la rénovation des autres enceintes sportives, pour un montant de 2 milliards d’euros. Sans compter les 400 millions nécessaires à améliorer l’accès et les transports. Tout cela est sans omettre les frais engagés pour assurer la sécurité de l’événement.

Les quelques 250 millions d’euros abandonnés par l’Etat auraient donc été les bienvenus pour amortir ces investissements publics, à la charge des collectivités territoriales. 

Pour l’Euro 2012, en habitué, l’UEFA avait déjà réalisé un très gros bénéfice, puisqu’elle avait seulement investi 695 millions pour près de 1,4 milliards de chiffre d’affaires : une marge d’exploitation de 50% ! Tout cela avec un statut officiel d’association à but non lucratif.

J’ajoute que les politiques visant à la prise en charge des projets de Grands Travaux Inutiles, par des contrats dits PPP ou Partenariat-Privé-Public n’aboutissent qu’à ne faire supporter les risques par les Collectivités et les citoyens. Par des conditions d’obtention des marchés à la limite de la régularité ou face à une fausse concurrence, les pratiques tarifaires débouchent sur une conséquence intolérable, qui, de devis surévalués, puis accentués par une dérive des coûts, renchérissent le budget final des projets dans des proportions inacceptables, toujours à la charge des collectivités.

Ces dernières ne sont pas prises en compte lors des décisions d’évaluation des projets. Ou les études de rentabilité sur les investissements ne sont pas réalisées pour de tels projets. Il existe en particulier le fait que l’association PPP, soumise aux conditions des marchés, comme les enceintes sportives, à exploitation aléatoire, sont incompatibles en termes de visibilité et de rentabilité sur de longues périodes. J’observe que les risques d’exploitation sont reportés ainsi sur les opérateurs publics.

3.3-      Les institutions nationales du football

La FFF a connu la situation paradoxale d’être l’entité officiellement désignée comme hôte et théoriquement organisatrice de l’Euro 2016, tout en étant absente de l’essentiel des activités d’organisation, montrant par là une forme de collusion ou d’incapacité d’infléchir les injonctions de l’UEFA.

On peut noter, au niveau local, que les dossiers de candidatures comprenaient des « lettres de garantie » signées par les exécutifs locaux des villes accueillant les rencontres du tournoi ainsi que plusieurs contrats : contrats de ville hôte avec la collectivité d’accueil, de stade avec le propriétaire de l’équipement et enfin d’aéroport avec la société exploitante de l’infrastructure.

Les exécutifs des collectivités territoriales publiques ont été tenus de signer ces contrats sans pouvoir en discuter le contenu. Dans la plupart des cas, ces contrats n’ont pas été soumis aux conseils municipaux des villes concernées.

Le président de la FFF, indiquait ainsi que « l’UEFA ne considère pas ces contrats comme des projets soumis à discussion et à amendements éventuels, mais comme des contrats-types qu’elle demande aux villes candidates et à la FFF de signer en l’état. Ceci signifie qu’une ville qui ne pourrait pas ou ne souhaiterait pas signer ces contrats ne pourra pas figurer dans la liste des villes hôtes proposées par la FFF », traduisant ainsi une forme de chantage à l’obtention de l’organisation du tournoi, obligeant ainsi les collectivités à se conformer à un cadrage très précis. Le dossier de candidature incorporait ainsi, dès 2011, un corps d’engagements contraignants, formant le cadre intangible dans lequel allait s’inscrire en 2016 la mise en œuvre du tournoi.

Lors des évènements « match », l’État facture à la FFF et aux clubs de football professionnels une partie des dépenses engagées pour la sécurisation des rencontres disputées par l’équipe de France et par les clubs des Ligue 1 et Ligue 2. Pour l’Euro 2016, il a renoncé à facturer le coût des services d’ordre chargés de sécuriser les stades et les fan zones lors des 51 rencontres du tournoi.

Pour répondre au cahier des charges de l’UEFA, les villes hôtes ont engagé des investissements pour un coût total final des travaux de construction et de rénovation de neuf des dix stades retenus pour accueillir l’Euro 2016, évalué à 1,919 Md€ HT. Ce coût comprend les dépenses directement consacrées aux stades pour 1,67 Md€, des dépenses d’infrastructures, aménagements extérieurs, dessertes en transports, parkings, programmes immobiliers annexes, indispensables à leur fonctionnement, pour 244 M€.

En outre, avec l’aide de la FFF, les projets ont largement excédé les exigences de l’UEFA : en portant la capacité cumulée des neuf stades à 415.173 places, ils ont dépassé de 19% les 350.000 figurant dans le cahier des charges. Ainsi ce surdimensionnement des nouvelles enceintes, qui affiche des fréquentations très médiocres, constitue une épée de Damoclès sur les Clubs et les collectivités, alors que le respect du « calibrage des investissements » aurait été de nature à minorer les risques d’exploitation futurs et les tensions sur le niveau des redevances sportives – plus conforme aux ressources des pouvoirs publics.  

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4- LES CONTRIBUTEURS À LA CRÉATION DE VALEUR 

4.1- Les supporters

Les clients des clubs, constitués des supporters et des abonnés, représentent une source de revenu importante dans l’économie du football professionnel. Les clubs déploient l’utilisation des outils du marketing expérientiel dans l’intention de développer les recettes liées au merchandising en jouant sur l’attachement sentimental du supporter au club ou à son identification à un joueur vedette, et en essayant de faire en sorte que le stade devienne un lieu de vie. Ce faisant, la dimension sociétale du Club dans son propre écosystème est oblitérée.

Chaque activité du club contribue à la valeur créée. Celle-ci doit être perçue par les supporters comme répondant à leurs attentes. Valeur subjective s’il en est, et si le client ne perçoit pas assez de valeur, il pourra choisir et s’orienter vers d’autres loisirs sportifs ou culturels qui répondront mieux à ses espérances.

Le supporter est supposé acheter des prestations de spectacles sportifs qui présentera la différence entre la valeur perçue et le prix à payer comme la plus favorable.

De nombreux clubs se posent la question de savoir si un supporter est un client comme un autre ou pas. Les supporters, par tradition, sont un peu plus que de simples clients car, typiquement ils s’identifient de manière très particulière aux valeurs du club tout en s’assurant de leur fidélité. 

Par l’approche « football business », les clubs tendent de plus en plus à traiter le supporter comme un client. Cela se fait de plus en plus ressentir du côté des fans. Être considéré comme un simple client peut dévaluer le concept de supporter et augmenter l’impression de n’être qu’une source de profits commerciaux : c’est une disposition péjorativement ressentie par les supporters. 

D’une certaine façon, le supporter recherche dans son club d’autres relations que proprement commerciales. Une qualité de service optimale doit répondre à ses attentes. Les supporters sont donc des acteurs cruciaux dans la vie de chaque club. Leur rôle au sein du club ne peut pas être sous-estimé tant ils peuvent influencer ou affecter l’ensemble de la structure dudit club de football. 

Par conséquent, la valeur perçue par les supporters intègre une forte valeur d’estime, correspondant à l’image apportée par les prestations, tant par leur disponibilité, leur qualité que par leurs aspects affectifs produisant implicitement la valeur ressentie desdites prestations. Celle-ci, subjective, est influencée par la presse, les associations de consommateurs, les réseaux sociaux et les groupes de supporters. 

La « satisfaction du supporter » permet sa fidélisation. Cela influence et réduit le coût des transactions pour la recherche de nouveaux supporters. 

La valeur ainsi créée pour le supporter est déterminée par la chaîne de valeur intégrée, de la proposition du spectacle sportif jusqu’à son exploitation dans le Stade (avant, pendant et après l’événement lui-même) et qu’elle n’intègre pas que des dimensions tarifaires. 

Les informations économiques à notre disposition traduisent une stagnation des revenus résultant de la billetterie et ce, depuis les 3 dernières saisons : elle représente 11% du total des revenus. 

L’ensemble des recettes « matches » représentent 201 M€ sur la saison 2018/2019, soit 11% des revenus récurrents hors recettes des mutations et 7 % en incluant les revenus des mutations.

Malgré la construction de nouveaux stades pour l’EURO 2016, le nombre de spectateurs par matches s’immobilise autour d’une moyenne de 23 000 par match, dont 2 500 de « non payants », pour des capacités moyennes dans les stades de plus du double ; soit environ 50 % de taux de remplissage lissé sur les saisons. 

À la vue des tarifs moyens pratiqués, soit 25 € par spectateur et par match, on peut facilement en déduire que la perception par les supporters montre une différence significative entre la valeur perçue et le prix à payer, limitant leur engagement et leur passion.  

4.2- Les sponsors

Les revenus agrégés du sponsoring et de la publicité représentent 415 M€ soit 22 % du total des produits récurrents. Ils sont en augmentation de 21 % entre la saison 2018/2019 et la saison N-1 et 15 % en incluant les revenus des mutations. 

Comment analyser la valeur perçue par les sponsors ? Sachant que ces revenus constituent la deuxième source de produits après les droits de diffusion. 

Le peu d’informations sponsoring à ma disposition ne m’empêche pas d’émettre quelques hypothèses de manière à démontrer que les démarches proposées par les Clubs ne répondent pas aux attentes des sponsors. 

La vision des clubs de football professionnel, principalement orientée performance et résultats sportifs, n’offre que peu d’attractivités et d’alternatives aux yeux des annonceurs. En raison de résultats sportifs aléatoires, non récurrents, les clubs offrent peu de visibilité et de notoriété aux sponsors, en particulier lors de période de résultats négatifs ou lors de des non-participations à des Coupes Nationales ou Européennes. 

En Ligue 1, de rares clubs affichent une sécurité quant au niveau des résultats sportifs. De cet état de fait, le peu de clubs qui bénéficient d’une importante exposition médiatique, réduisent les arguments pour les annonceurs, qui devraient pouvoir profiter d’importantes retombées médias.

L’intégration récente des notions de ROI (retour sur investissement) dans les opérations de partenariats sportifs contraint les clubs à de grandes campagnes d’activation, en regard d’optimiser les enjeux de notoriété et d’image de marque pour les annonceurs. La seule visibilité ne suffit plus pour les partenaires. Les activations, avec des objectifs et des indicateurs précis, jouent un rôle croissant dans la définition et l’exécution des accords de sponsoring.

Face à ces exigences de ROI (retour sur investissement) de la part des annonceurs dans le dessein de justifier de la rentabilité de leur investissement substantiel pour acquérir des droits et activer leurs partenariats, les clubs doivent de se doter d’outils de monitoring pour suivre au mieux les retombées. Tous les partenaires cherchent à calculer le plus finement possible leur retour sur investissement. 

À travers différentes métriques, indicateurs de performance, enquêtes d’opinion, enquêtes onlines lors des événements, des mesures de ventes sur un secteur géographique précis, feed-back des réseaux sociaux, les annonceurs pourront apprécier la pertinence d’un contrat de sponsoring, avec pour objectif de renouveler le contrat de partenariat, conditionné par les réponses apportées par les Clubs. 

Nous pouvons déjà constater que les conséquences de la pandémie anticipent une baisse de 25 à 30 % des revenus provenant des sponsors. 

Une question se pose alors : comment se fait-il que les retombées du sponsoring soient si peu évaluées et offrent si peu de visibilité pour les annonceurs au point de sacrifier 25 à 30 % de leur budget ?

4.3- Les diffuseurs

La contribution totale des droits audiovisuels au total des produits se monte à 901 M€, soit 47 % des revenus récurrents et 34 % avec les revenus incluant les mutations. 

Qu’en est-il des différents diffuseurs ? 

Dans un environnement économique normal, les décisions d’investissements sont là pour produire des résultats sur le moyen et le long terme. 

Je propose une analyse des principaux acteurs audiovisuels.

BEIN SPORTS

BeIn Sports est lesté de pertes fiscales abyssales qui s’accumulent à hauteur de 1,4 milliard d’euros en sept ans d’existence ! Cela oblige l’actionnaire qatarien à injecter régulièrement de l’argent dans les comptes pour sauver les apparences. 

Le coup d’arrêt commercial subi par BeIn Sports est inquiétant alors que la société a pris à court terme des engagements financiers importants, liés aux droits sportifs acquis. Elle se trouvait face à un mur d’investissements de 1,8 milliard d’euros à cinq ans et plus. Cette somme est surtout due aux droits de retransmission de la Ligue 1 sur la période 2020-2024, dont BeIn a remporté une partie pour plus de 300 millions d’euros annuels face à un nouvel acteur (l’espagnol Mediapro) qui a pu s’offrir le plus gros morceau des droits, créant une bulle financière sur les droits audiovisuels du football. Dans ces conditions, le chemin menant à la rentabilité s’annonce plus raide encore pour BeIn. 

Le scénario actuel est celui d’une inflation du montant des droits sans rapport avec les résultats sportifs ni avec les probabilités de rentabilité financière. On est un peu dans « la condamnation du dominateur » lorsque le vainqueur paye un prix plus élevé que la valeur réelle du bien désiré.

Face à la menace d’éclatement de la bulle, adossée à la télé-dépendance des clubs, aux usages émergents des consommateurs qui ne peuvent plus payer de multiples abonnements et s’en remettent au piratage ou au streaming, les revenus des droits audiovisuels reflètent le modèle économique du football professionnel, érigé sur de multiples facteurs de risques, alimentés par les aléas sportifs. Le directeur général de BeIN Media Group ne confirme pas autre chose en annonçant que « la glorieuse bulle des droits télé est sur le point d’éclater parce que le piratage s’est répandu aux quatre coins du monde et dans toutes les couches de la société » – déclaration faite lors du dernier Sport Business Summit à Londres.

La dénonciation des flux piratés, qui dévalorisent constamment la valeur de droits payés, introduit une nouvelle menace que l’on estime entre 10 et 20 % de l’audience des retransmissions sportives. 

Toutefois, ce scénario n’a toutefois rien d’inéluctable à cause de l’éventail de cartes à jouer sur la table médiatique : il y a la germination des ententes entre les différents diffuseurs, qui leur permet de rentabiliser leurs investissements, par une diminution du nombre d’acteurs et une baisse des tarifs pour finir par atteindre un équilibre financier. 

RMC SPORT NEWS

Un autre opérateur, un autre parcours ! Après neuf mois d’activité en 2019 et avoir perdu 76 millions d’euros d’Ebitda (excédent brut d’exploitation) négatif, la chaîne RMC Sport News arrête de diffuser au 2 juin 2020.

CANAL+

Le groupe historique de télévision payante Canal+ a confirmé qu’il allait « tailler à la hache » dans ses effectifs en France, où il est confronté à une double concurrence : celle de BeIN Sports, de SFR et de Mediapro dans le sport. 

De plans de restructuration après d’autres, Canal+ continue de réduire ses effectifs à hauteur d’environ 500 collaborateurs sur les 2.600 qu’il compte en France ; réduction appelée comme il se doit « projet de transformation ». Les objectifs sont la compression du nombre de salarié en réduisant les coûts et la distribution afin de verser un maximum de dividendes au détriment des salaires.  

Depuis 2015, les précédents plans d’économie n’ont pas suffi à enrayer les difficultés de Canal+. Attaquée sur tous les fronts, la société voit le nombre d’abonnements individuels directs reculer de 300.000 l’an dernier – totalisant 4,73 millions de fidèles. Les difficultés s’accumulent face aux concurrents. 

MEDIAPRO

Que savons-nous du nouveau diffuseur Mediapro ? 

Avec des abonnements autour de 25 € et un nombre d’abonnés à atteindre de 3,5 millions, en ces temps où le piratage prend de plus en plus d’ampleur, c’est un véritable challenge auquel Mediapro sera confronté avec un démarrage débuté avec zéro abonné. Confronté à des frais massifs comme les droits, la production, le marketing, Mediapro devra engager d’importantes dépenses. 

L’actionnaire de Mediapro, très peu connu, n’offre pas de garantie financière crédible pour couvrir l’ensemble des engagements pris auprès de la Ligue de Française de Football, pour une durée de contrat de 4 années. 

Je peux déduire que sur cette marche des diffuseurs, il semble que la rentabilité soit loin du compte au regard des investissements consentis dans l’achat des droits de diffusion. La concurrence entre les opérateurs, celle des nouvelles plateformes comme Amazon et Netflix et les tendances des consommateurs vers le streaming, constituent de nouveaux risques de dégradation du montant tarifé des droits audiovisuels perçus par les Clubs. 

4.4- Les produits dérivés et le merchandising 

Le poids économique des produits dérivés et du merchandising, ajouté aux autres produits, culmine à hauteur de 386 M€, soit 20 % des revenus récurrents et 14 % incluant les revenus des mutations.

La difficulté d’analyse porte sur la non-présentation des revenus originaires exclusivement de la vente des produits dérivés. Sachant que le PSG réalise 10 % du total de ses ventes en produits dérivés, que OL réalise lui 5 % du total de ses recettes issues de produits dérivés, je peux traduire que pour la plupart des clubs, le poids des produits dérivés représente moins de 5 % du total de leurs recettes. 

Mais au-delà des recettes réalisées, il est important de comprendre la Marge Commerciale sur les ventes des produits dérivés. Dans les faits, pour chaque produit vendu, le club n’encaisse environ que 10 % de la recette finale. 30% va au distributeur, 30% à l’équipementier, 10% au fabricant (ainsi qu’aux frais de logistique) et aux Etats, via les taxes. 

Je peux en déduire que la contribution des produits dérivés aux bénéfices des clubs représente seulement un apport marginal à la performance économique, estimé à 1%.

L’intégration de compétences, de capacité et de savoir-faire dans les métiers de la supply chain constitue un défi pour l’amélioration des résultats financiers issus de la commercialisation des produits dérivés.

4.5- Le marché vendeur des joueurs

La part des revenus, suite aux opérations de trading sur les joueurs, représente 786 M€ soit 29 % du total des produits des Clubs. 

Si on ajoute le poids des droits audiovisuels, l’ensemble du pôle sportif affiche 1 687 M€ soit 63 % du total des produits des clubs. 

Plus précisément, ce sont 63 % des produits qui sont soumis à des aléas sportifs et à des risques systémiques. 

Le marché des joueurs se répartit entre des joueurs de haut niveau international aux rémunérations très élevées, exponentielles, mobiles internationalement, ayant une valeur économique supérieure à leur valeur sportive, et des joueurs interchangeables moins rémunérés, souvent plus âgés, moins médiatiques et très nombreux (formant un quasi-marché parallèle).

L’internationalisation du recrutement des joueurs et l’importance accrue des agents sportifs et des intermédiaires ont eu comme conséquence des dépenses salariales incompressibles à court terme engageant les clubs dans la recherche de nouvelles recettes stables et pérennes, comme les droits TV, les produits dérivés, les activités de conférences et d’événements afin d’optimiser l’utilisation des infrastructures. L’ensemble de ces nouvelles sources de revenus est conditionné par le recrutement de joueurs fortement valorisés, reconnus au niveau européen et internationalement, provoquant une tendance inflationniste sur les coûts des transferts et sur les rémunérations.  

La pandémie mondiale et la suspension de tous les championnats aura des conséquences très importante sur l’économie du football – et plus particulièrement celle du marché des transferts. 

Selon le l’Observatoire du football CIES, cette valorisation s’effondrerait de 28%, passant de 32,7 à 23,4 milliards d’euros 

La pandémie de coronavirus précipite-t-elle l’éclatement de la bulle dans le foot-business ? « Oui », estiment les experts interrogés, mais seulement « à court terme », s’il n’y a pas la mise en place d’une « régulation » pour encadrer l’inflation à l’œuvre lors de la dernière décennie.

Face aux clubs qui auront de gros problèmes de trésorerie, face à l’incertitude sur les droits audiovisuels et les revenus du sponsoring, face aux déséquilibres financiers, cela va devenir très compliqué de céder ses meilleurs joueurs sur un marché qui ne sera pas acheteur, mais vendeur. De quoi provoquer un fort ralentissement du marché, activant un effet domino sur tous les segments de joueurs, des plus monnayables aux intermédiaires, en passant par les plus basiques. 

La France, victime de l’assèchement de ces marchés acheteurs, qui a tout misé sur un modèle économique fondé sur le trading de joueurs grâce à une politique de formation performante, sur une vision « courtermiste » et sur des revenus focalisés sur les seuls enjeux sportifs, se retrouve confrontée à la défaillance de son modèle (qui appelle une refondation et un autre projet). 

La DNCG affirme que la moitié des clubs de Ligue 1 a réalisé des plus-values de plus de 20 millions d’euros grâce aux transferts, lors de la saison 2018-2019.

Le modèle inflationniste du marché des joueurs, associé aux détournements des règles légales et fiscales, aux systèmes de prêts de joueurs, produit une dérive spéculative. C’est une nouvelle cause de risques systémiques pour les Clubs. 

Avec l’actuel système des transferts, les joueurs sont des placements, c’est-à-dire un capital très mobile et très spéculatif qui se négocie sur un marché par ailleurs très opaque. La logique sportive, déjà dépassée par la logique économique, l’est cette fois par une logique financière de plus en plus puissante – et de plus en plus inégalitaire.

Pour le long terme, il est souhaitable que l’on transforme ce système (source d’inflation sur des salaires toujours plus élevés) en pourvoyant des mutations toujours plus onéreuses. Je pense qu’une vision responsable, sociétale et durable contribue à une remise en cause considérable dudit système. 

Par-delà les particularités propres à chaque contributeur de revenus des clubs, je note que l’ensemble de ces acteurs économiques se comportent de manière à rendre dépendants financièrement la totalité des clubs. En effet, hormis les recettes de billetterie et de produits dérivés, les sommes d’argent dues aux clubs constituent un risque majeur sur leur financement d’exploitation. Le total des créances dues, soit 1,228 M€ accable les Clubs par des retards de paiement récurrents, représente 165 Jours de crédit clients, soit plus de 6,5 Mois de délai en moyen de paiement, alors qu’une loi, dit LME de 2008 limite lesdits délais de paiement à 45 Jours !

Sachant que les recettes générées de la billetterie et des produits dérivés constituent à peine 12 % en moyenne, il est facile d’imaginer la position des clubs face à une telle dépendance financière à court terme et les conséquences en terme économique, d’image et des conditions d’exploitations. 

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Fin de l’épisode DEUX : CONTROVERSE 2 : LES PROMOTEURS, LES PRÉBANDIERS ET LES CONTRIBUTEURS

Diplômé des DESS de l’IAE Grenoble et de l’IAE Paris, d’un MBA en Management des Organisations et Entreprises du Sport de l’ESG Executive et d’un Executive Master en Sociologie de l’entreprise et conduite du changement de Sciences Po Paris, Guy Bulit est intervenant et formateur auprès d’Audencia Business School, MBA ESG, ESG Guadeloupe et ESG Sport, AMOS Business School, Sport Management School et ISC Business School.

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